Pour atteindre un bon état écologique des eaux d'ici 2015, les bassins versants doivent notamment parvenir à un retour à l'équilibre entre la ressource en eau et la pression qu'elle subit. Or, de nombreux bassins sont déficitaires aujourd'hui. La loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 a donc prévu une réforme des volumes prélevables par l'irrigation, afin de réduire ce type de prélèvements. Ainsi, il n'y a qu'en période particulièrement sèche que l'équilibre pourra ne pas être atteint. La ressource prélevable doit être répartie entre les agriculteurs par un organisme unique.
Mais "ces dispositions seront contraignantes pour les agriculteurs irrigants. Dans certains bassins, l'irrigation sera en effet plus restreinte qu'aujourd'hui. Les pouvoirs publics ont donc été progressivement amenés à prévoir une politique d'accompagnement. Une des dispositions principales de cet accompagnement a été d'inclure provisoirement dans la définition des volumes prélevables le volume des retenues qu'il serait raisonnable de construire dans le sous-bassin, afin d'éviter des ajustements trop rapides à la baisse de l'irrigation, qui seraient suivis d'un autre ajustement à la hausse une fois chaque retenue construite", indiquent le CGEDD et le CGAAER qui se sont vus confier, en décembre 2010, une étude sur les projets de retenues d'eau "envisageables d'un point de vue environnemental et économique " sur le bassin de l'Adour-Garonne, qui est particulièrement soumis à pression.
Le gouvernement a confirmé cette politique d'accompagnement dans le cadre du plan quinquennal de gestion de l'eau en agriculture, présenté en novembre 2011. Ce plan prévoit de créer une capacité de stockage d'eau supplémentaire de 40 millions de mètres cubes. Les projets de retenue pourront bénéficier d'aides européennes ou de subventions des agences de l'eau.
Analyser en priorité les impacts environnementaux des retenues
Pour la mission, un projet "envisageable d'un point de vue environnemental" doit respecter les dispositions de la directive cadre sur l'eau (DCE) et les prescriptions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage). Or, "plusieurs scientifiques rencontrés par la mission considèrent qu'un ouvrage transversal installé dans le lit mineur d'un cours d'eau (barrage) induit nécessairement une modification ou une altération de la masse d'eau concernée. L'objectif général de la directive cadre sur l'eau est en revanche d'obtenir un état des masses d'eau aussi proche que possible d'un état naturel non altéré". La mission définit donc comme "une priorité" la réalisation en 2012 d'une synthèse de travaux scientifiques sur ces impacts en cohérence avec les paramètres suivis dans le cadre de la DCE, "qui puisse servir de référence pour les études d'impact à engager ou à actualiser" pour les retenues d'eau. "Aussi surprenant que cela paraisse pour une directive établie il y a plus de dix ans, ce travail, en cours, reste encore à finaliser". Par ailleurs,"il conviendra de chercher à qualifier, en droit interne, le concept de détérioration des masses d'eau prévu dans la directive. A défaut la jurisprudence tranchera", souligne la mission.
Sur la base de travaux scientifiques, la mission estime qu'une étude d'impact devra au moins évaluer les conséquences en amont de l'ouvrage (impact sur les salmonidés migrateurs ou natifs et sur les macroinvertébrés), les effets induits par la création de la retenue (risques de stratification thermique, d'accumulation de sédiments, d'enrichissement en nutriments et d'ennoiement de zones remarquables, eutrophisation, phyto-plancton, macroinvertébrés, poissons), les effets induits par la gestion du barrage sur le transport sédimentaire et la circulation des organismes aquatiques, les effets aval (hydrologie estivale mais aussi hivernale en période de crues, sédimentation, température, habitats aquatiques, faune et flore) et les effets distants (au besoin jusqu'à l'estuaire) s'il s'agit d'un ouvrage de très grande taille (ou si des effets cumulés importants sont prévisibles).
En parallèle, la mission recommande "la plus grande transparence sur les objectifs assignés aux retenues d'eau à créer. Dans l'hypothèse où un accroissement de l'irrigation serait prévu, celui-ci doit être conditionné par l'atteinte préalable des débits objectif d'étiage, et les contributions publiques correspondantes (État, collectivités territoriales et agence de l'eau) doivent respecter les règles d'encadrement communautaire". La création de commissions locales d'information et de suivi (Clis) est également préconisée, "en particulier en ce qui concerne les projets localement controversés, afin de concrétiser le droit à l'information environnementale reconnu par la loi".
Onze projets envisageables dans le bassin Adour-Garonne
e bassin compte aujourd'hui 765 millions m3 de réserves artificielles (barrages hydroélectriques dont certains réalisent des déstockages en période d'étiage, des barrages dédiés au soutien des étiages, une cinquantaine de retenues de capacité moyenne et 15.000 petites retenues collinaires).
A l'issue de cet examen des projets de retenue, 6 projets apparaissent comme envisageables d'un point de vue environnemental, sous réserve de confirmation par l'étude d'impact, 5 projets sont envisageables en fonction d'études à engager ou à condition que des réserves soient levées, et deux projets sont difficilement envisageables en l'état, ou appellent une réorientation importante.
Parmi ces deux projets, "le plus conséquent de tous, celui de Vimenet en Aveyron, ne serait envisageable d'un point de vue environnemental qu'à condition qu'il soit reconnu « d'intérêt général majeur » au sens de la directive cadre sur l'eau ; cela supposerait qu'il soit utilisé non seulement pour l'irrigation, mais aussi pour l'eau potable".
Avant de déclarer un tel projet d'intérêt général majeur, la mission recommande une évaluation environnementale approfondie afin de minimiser les impacts négatifs sur l'environnement et l'altération des masses d'eau. En outre, ces projets doivent être "d'une certaine ampleur, où l'intérêt général puisse être invoqué de manière large et argumentée". Il ne doit pas exister non plus de solutions alternatives meilleures au plan environnemental, sauf à des coûts disproportionnés. Enfin, le maître d'ouvrage d'un tel projet doit être un opérateur public.