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Les risques majeurs liés au réchauffement climatique en montagne présentent encore des zones d'ombre

Alors que plusieurs éboulements ont eu lieu dans les Alpes ces derniers jours, interrogeant les effets des changements climatiques, une mission d'inspection préconise un plan d'action pour mieux connaître les risques d'origine glaciaire ou périglaciaire.

Aménagement  |    |  L. Radisson
Les risques majeurs liés au réchauffement climatique en montagne présentent encore des zones d'ombre
Actu-Environnement le Mensuel N°439
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°439
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La publication vient à point nommé alors que plusieurs phénomènes d'éboulement ont eu lieu dans les Alpes ces derniers jours faisant suite à un épisode de canicule. En particulier, celui du 27 août survenu dans la vallée de la Maurienne qui a contraint à fermer plusieurs axes routiers, autoroutiers et ferroviaires. Le ministère de la Transition écologique a mis en ligne, le 28 août, un rapport d'inspection (1) , daté de décembre 2022, portant sur les risques liés aux mouvements naturels et à la déstabilisation de glaciers et de parois en gel permanent dans un contexte de réchauffement climatique.

Cette expertise avait été commandée par trois ministres (Transition écologique, Intérieur, Recherche) en avril 2022. Ceux-ci sollicitaient des recommandations sur « l'identification des grands enjeux liés à la prévention des risques d'origine glaciaire et périglaciaire [ROGP] et les axes de travail qui permettront d'y répondre ». Les phénomènes mis en jeu dans ces risques sont « d'une grande complexité, ajoutaient-ils. La compréhension de ces phénomènes, difficiles à instrumenter, à observer et à mesurer, est insuffisante à ce jour pour déployer des moyens de prévention, de détection et de gestion ».

Fortes accélérations de mouvements naturels et déstabilisations

« Le réchauffement climatique entraîne de fortes accélérations de mouvements naturels et des déstabilisations des glaciers, des glaciers rocheux et des parois en gel permanent (pergélisol) dont les conséquences sur les vies et activités humaines, au-delà de la fréquentation de la haute montagne, peuvent être importantes en vallée pendant les prochaines décennies », rapportent les auteurs de la mission.

Les risques identifiés sont les avalanches de glace et de roche mêlées résultant d'un glissement accéléré d'un glacier comme celui qui pourrait survenir sur le glacier de Taconnaz (Haute-Savoie) ; les écoulements torrentiels sous forme d'eau ou de laves torrentielles (eau transformée en boue charriant des matières solides), à l'instar de la rupture d'une poche d'eau à l'intérieur du glacier de Tête-Rousse qui a causé la mort de plus de 175 personnes en 1892 à Saint-Gervais (Haute-Savoie) ; les glissements et mouvements de terrain, qui résultent de la déstabilisation de parois en pergélisol ou de glaciers rocheux à l'occasion de modifications de leur régime thermique.

« Ces risques naturels sont susceptibles d'être amplifiés par des phénomènes en cascade », rappellent les auteurs. Ces événements, lorsqu'ils ont lieu sur des dénivelés importants avec de fortes pentes, peuvent entraîner de très gros volumes de matériaux susceptibles de « se déverser dans un lac naturel ou artificiel, occasionnant la surverse ou la rupture de ce lac, ou barrer totalement ou partiellement un vallon ou une vallée ».

Risques difficiles à inventorier

Ces risques sont localisés dans un nombre assez faible de grands massifs alpins. Les glaciers (blancs et rocheux) se concentrent dans quatre départements (Haute-Savoie, Savoie, Isère, Hautes-Alpes). Les plus emblématiques (Mer de Glace, glacier de l'Argentière, glacier des Bossons…) sont localisés dans le massif du Mont-Blanc, sur le territoire des communes de Chamonix, des Houches, de Saint-Gervais et des Contamines-Montjoie, ainsi que dans les massifs des Écrins et de la Vanoise.

“ La compréhension de ces phénomènes est insuffisante à ce jour pour déployer des moyens de prévention, de détection et de gestion ” Mission d'inspection
Le nombre de résidents permanents susceptibles d'être menacés par ces phénomènes se situerait en-deçà de 20 000 habitants, selon les consultations réalisées par la mission. Mais, ajoute-t-elle, des événements importants entraînant plusieurs dizaines de victimes « sont toujours susceptibles de se produire ». Sans exclure la possibilité d'événements de très grande ampleur « entraînant plusieurs centaines de victimes ».

Même s'ils sont localisés et qu'un processus de « levée de doutes » est actuellement conduit par le service de restauration des terrains en montagne de l'Office national des forêts (ONF-RTM), ces risques sont difficiles à inventorier, ajoutent les auteurs de la mission. « Le réchauffement climatique actuel, le caractère emblématique des températures estivales rencontrées en haute montagne, quelques cas avérés et analysés avec sérieux, l'incertitude forte des comportements dans ces phases de réchauffement accéléré, peuvent conduire à craindre de passer à côté d'un enjeu majeur ou de ne pas avoir pris les précautions nécessaires », rapportent les auteurs de l'expertise. D'autant que les ordres de grandeur des phénomènes possibles « ne sont pas bien connus (avec parfois des estimations et des marges de 1 à 10) et encore moins les probabilités de survenue ».

Disposer d'une vision claire des enjeux

La mission suggère par conséquent d'accélérer le programme mené par l'ONF-RTM pour disposer « aussi rapidement que possible » d'une vision claire des enjeux. Pour cela, ses auteurs préconisent de renforcer les moyens de télédétection, de compléter les sites qui doivent faire l'objet d'une surveillance spécifique, et de s'inspirer des exemples suisse et italien. Cela passe, aux yeux des hauts fonctionnaires, par une augmentation des moyens du service RTM et par la production d'un bulletin annuel en lien avec les autres services scientifiques et techniques.

« L'instabilité des glaciers, mais aussi des pentes en pergélisol, relève la mission, suppose des investigations en milieu difficile, par nature coûteuse, pour connaître l'évolution des régimes thermiques internes, qui conditionnent le mode de désagrégation et de décrochage des masses plus ou moins importantes (…). De même, la dynamique de propagation de ces mélanges de glace, de roche et d'eau sur des pentes très fortes doit faire l'objet de travaux d'approfondissement. » Ces connaissances doivent permettre d'appréhender les aléas et de délimiter les zones potentiellement exposées, ce qui conditionne les mesures d'alerte, de limitation de l'occupation des sols et de protection structurelle.

Les hauts fonctionnaires ont constaté une bonne mobilisation des acteurs sur le plan local. Mais ils estiment opportuns de « structurer une communauté opérationnelle regroupant les scientifiques, les gestionnaires du risque et les experts de terrain », qui pourrait prendre la forme d'un groupement d'intérêt scientifique (GIS). Pour dynamiser la recherche, ils préconisent aussi de faire appel à un financement « flash » de l'Agence nationale de la recherche (ANR) qui couvrirait des besoins urgents de recherche sur des thématiques ciblées.

Plusieurs sujets font l'objet de carences de connaissances scientifiques. Parmi ceux-ci, la mission relève l'absence de « modélisation satisfaisante de la propagation des laves torrentielles (…) permettant de déterminer la zone d'impact potentielle » ou encore les insuffisances portant sur « la connaissance de poches d'eau sous-glaciaires et des risques susceptibles d'en découler ».

1. Télécharger le rapport d'inspection Risques d'origine glaciaire et périglaciaire
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-42445-rapport-igedd-risque-majeurs-montagne.pdf

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