"J'ai décidé la suspension de la mise en œuvre de l'écotaxe pour nous donner le temps nécessaire d'un dialogue au niveau national et régional." C'est en ces termes que Jean-Marc Ayrault a annoncé, ce mardi 29 octobre, une suspension de l'écotaxe sur l'ensemble du territoire français. "Suspension n'est pas suppression", a assuré le Premier ministre, précisant que "ce dialogue aura pour objectif d'améliorer les dispositions propres à la filière agricole et agroalimentaire, mais aussi celles relatives aux régions les plus périphériques".
Le Premier ministre a justifié cette suspension sine die par "la situation exceptionnelle" dans laquelle se trouve actuellement la Bretagne "qui traverse une crise, notamment dans le secteur de l'agroalimentaire". La situation nécessite un important dialogue social entre l'ensemble des parties prenantes, estime-t-il, déplorant que ce dialogue qu'il appelle de ses vœux "est aujourd'hui bloqué, bloqué par un seul sujet : l'écotaxe (…) qui focalise tous les mécontentements."
En septembre, Fréderic Cuvillier avait déjà annoncé un nouveau report de la mesure du 1er octobre 2013 au 1er janvier 2014, au motif que "des dysfonctionnements persistants [devaient] impérativement être corrigés avant la mise en service du dispositif". Le ministre des Transports avait alors assuré que "le principe n'est pas remis en cause, ajoutant que c'est une affaire de semaines pour que tout rentre en ordre". A l'occasion de la conférence environnementale, il avait assuré avec fermeté qu'aucun nouveau report n'était envisageable (voir encart vidéo).
Aujourd'hui, c'est l'éventuel coût de l'abandon qui pose problème. L'Etat devrait alors verser à Ecomouv' 800 millions d'euros, selon Stéphane Le Foll. A cela, il convient d'ajouter un manque à gagner annuel de l'ordre de 1,2 milliard d'euros…
Les négociations annoncées par le Premier ministre devraient aboutir sur des solutions qui "devront être juste, devront être équilibrées au plan national et tout secteur confondu", a-t-il indiqué, expliquant avoir déjà reçu des propositions de la part des trois ministres présents à la réunion. Une annonce qui satisfait la FNSEA et irrite les associations environnementales qui ne considèrent pas que la mesure représente une menace pour les transporteurs routiers (voir encart vidéo).
Quelles mesures peut-on attendre ? "Des mesures spécifiques d'exonération des poids lourds utilisés par l'agriculture et la pêche partout en France" ainsi que des mesures qui "[tiennent] compte le plus possible des entreprises du transport routier". Au sujet des transporteurs, le Premier ministre a indiqué "[avoir entendu] les demandes des organisations professionnelles".
Les différents professionnels s'avancent déjà pour présenter leurs doléances, à l'image de la Fédération nationale du bois qui a adressé une lettre au gouvernement lourde de menaces : "si notre profession reste oubliée, nous saurons comme les agriculteurs trouver les moyens de faire entendre notre voix. Nos grumes sont assez longues pour bloquer les routes".
Cependant, l'ajout de nouveaux aménagements fait planer un risque sur sa mise en œuvre effective, craignent certaines associations à l'image d'Agir pour l'environnement. "A l'instar de la taxe carbone qui fut censurée par le Conseil constitutionnel à cause des trop nombreuses exemptions accordées et de la rupture d'égalité subséquente, il est à craindre que les multiples reculs du Gouvernement faisant suite aux pressions des lobbies agricoles et routiers conduisent à l'échec de l'écotaxe", estime l'association.
Pour rappel, certaines régions ont déjà obtenu des réductions de l'écotaxe de 30% (pour l'Aquitaine et Midi-Pyrénées) et de 50% (pour la Bretagne). De plus, la Bretagne a obtenu une exonération totale pour les camions de collecte de lait et l'exclusion du réseau taxé de la route nationale 164, le principal axe régional.