C'était une première judiciaire en France. Trois pomiculteurs corréziens comparaissaient le 13 janvier dernier devant le Tribunal d'Instance de Brive pour non-respect des conditions d'épandage de pesticides par vent trop fort au vu de l'arrêté de 2006 ''concernant les conditions météorologiques à respecter pour procéder aux épandages''. Une infraction punie de six mois d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende maximum.
Les pomiculteurs étaient poursuivis par les associations ALLASSAC ONGF et Générations Futures pour pulvérisations de pesticides ''illégales'' sur leurs vergers à proximité d'habitations. Une autre association, Limousin nature environnement s'était aussi constituée partie civile aux côtés d'une habitante de la commune de Vigeois, qui avait déjà porté plainte en mars 2010. L'arrêté 2006 limite l'autorisation d'épandre des produits à un vent de 19 km/h. Or, selon Météo France, les 24 et 26 mars 2010, jours de l'épandage des agriculteurs, le vent avait soufflé entre 33 km/h et 35 km/h en moyenne.
Lors de cette première instance, le substitut du procureur de Brive avait alors requis 1.000 euros d'amende dont 500 avec sursis, à l'encontre de chacun des pomiculteurs. Mais le tribunal correctionnel de Brive en a finalement décidé autrement et relaxé ce jeudi 10 mars ''au bénéfice du doute'' les trois pomiculteurs : les relevés météorologiques ont été jugés ''insuffisants''.
''C'est un soulagement. On essaye de travailler de la manière la plus propre possible'', a réagi l'un des pomiculteurs, Clément Duviallard qui avait contesté l'infraction. ''Traiter son verger avec du vent est une aberration que je me garderais bien de faire puisque l'on perd en efficacité. Les produits, qu'ils soient conventionnels ou biologiques, coûtent chers. Mieux vaut ne pas les gaspiller et avoir des pratiques raisonnées comme ce que nous faisons !'', a-t-il déclaré.
Déception des parties civiles
De son côté, l'ONG Générations Futures déplore que ''les plaignants ne puissent pas faire appel de ce jugement, seul le procureur en a le pouvoir, il est peu possible qu'il le fasse.'' ''C'est regrettable pour toutes les victimes actuelles et à venir. Nous ne doutons que nous parviendrons à terme à faire reconnaître le droit des victimes et faire respecter la réglementation'', ajoute Maître Cottineau, avocat des plaignants, dans un communiqué commun.
''Malgré ce résultat, nous allons continuer à nous battre pour aider toutes celles et ceux qui subissent au quotidien les préjudices engendrés par ces pulvérisations de pesticides. Cette action a permis un début de dialogue avec les instances officielles et de mettre le débat des pesticides sur la place publique'', a également déclaré Fabrice Micouraud, Président d'Allassac ONGF. Et pour François Veillerette, porte-parole de Générations Futures, ''ce jugement souligne le fait que les populations ne sont pas suffisamment protégées par l'arrêté de septembre 2006 et qu'il y a donc nécessité de renforcer la réglementation en envisageant par exemple la mise en place de zone de protection pour les particuliers qui vivent à proximité de zones traitées''.
Ce procès aurait pu ''créer une jurisprudence favorable aux particuliers vivant à proximité de champs cultivés de manière intensive'', toutes les personnes concernées pouvant ''invoquer cette décision de justice en cas de non-respect de la loi'', avait alors indiqué François Veillerette en lançant la procédure.