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EnR et maîtrise de l'énergie : des actions locales pour une solution globale

Eolien : plein cap vers la COP 21 Actu-Environnement.com - Publié le 16/11/2015

Corinne Lepage, avocate et ancienne ministre de l'Environnement, livre sa vision du développement des énergies renouvelables en France, qui passe notamment par des initiatives citoyennes et la décentralisation énergétique.

Eolien : plein cap vers la COP 21  |    |  Chapitre 10 / 13
EnR et maîtrise de l'énergie : des actions locales pour une solution globale
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En 1972, lors du premier sommet sur l'environnement, l'ingénieur René Dubos employait la formule "Penser global, agir local". Cette maxime prend tout son sens aujourd'hui à l'aune de la COP 21. Nous avons tous les outils aujourd'hui en main pour réussir une transition énergétique mondiale. A notre pays d'être en avance, sur les énergies renouvelables d'une part et sur les économies d'énergies d'autre part, qui sont les deux bases fondamentales pour réussir la transition énergétique. D'autres pays se positionnent sur ces sujets, notamment les pays européens. Il n'est pas encore trop tard pour regagner une avance que nous avions il y a 20 ans. C'était le cas sur le véhicule électrique ou sur le photovoltaïque. Nous sommes un pays créatif, retrouvons le chemin de l'innovation !

La révolution énergétique qui est en cours n'implique pas seulement un changement de mode de production. C'est bien un changement de mode de vie, de production et de consommation, de modèle économique dont il est question. C'est en réalité l'avènement d'une économie du Nouveau Monde, dont l'alliance entre l'environnemental et le digital est la caractéristique majeure.

Vers une décentralisation de l'énergie

Comme l'a parfaitement démontré Jérémy Rifkin dans la troisième révolution industrielle, chaque modification majeure a connu son origine dans l'avancée de nouveaux types d'énergie et à un mode de communication qui a profondément modifié un mode d'organisation de la société. Le passage des énergies fossiles et fissiles aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique — sans laquelle la transition est impossible — correspond au passage à une société hyperconnectée, organisée en réseau à tous les niveaux (c'est-à-dire à celui des smart-grid pour la gestion de l'électricité, voire de l'énergie comme à celui des réseaux sociaux pour l'organisation sociale elle-même). Dans cette conception, il est évident que la décentralisation énergétique est la seule réponse qui corresponde aux réseaux et aux nouvelles formes de production d'électricité. Certes, la production de base reste une nécessité mais les progrès massifs dans le stockage sous ses différentes formes (hydrogène, méthanation, remontée des barrages, piles…) comme l'utilisation de la biomasse et de l'hydroélectricité pourront répondre à cette demande. En revanche, la consommation domestique et celle des PME se marient parfaitement avec une production décentralisée de l'électricité et du chauffage, faisant des consommateurs, des "prosommateurs", c'est-à-dire des agents économiques qui sont à la fois producteurs et consommateurs.

A cet égard, le modèle allemand – Energiewende - mais aussi celui des îles écossaises, du Danemark, de l'Autriche, de l'Islande, sont de parfaits exemples de cette nouvelle économie qui repose sur des synergies locales entre citoyens, collectivités territoriales et entreprises locales. En particulier, le modèle allemand, qui a fait que 50% de l'électricité est aujourd'hui produite par les collectivités locales et les citoyens, repose sur des sociétés locales d'habitants, propriétaires des ouvrages dont le financement est assuré par un tiers financeur, les remboursements s'effectuant sur la base de la vente de l'électricité. Et, dans la mesure où les consommateurs sont des producteurs ou a minima des co-gestionnaires du réseau grâce aux smart grids, ils en viennent tout naturellement à une gestion rigoureuse, qualifiée de sobriété énergétique et à la recherche de produits et technologies économisant l'énergie, qualifiée d'efficacité énergétique. L'Internet des objets qui s'inscrit dans cette logique constitue un saut doublement qualitatif, à la fois quant à la nature des objets et quant aux modes de comportement et d'organisation de la société qu'ils induisent.

Un coût de l'énergie renouvelable compétitif

Ainsi, modèle industriel, modèle économique mais aussi modèle de financement constituent les prolongements de cette transformation dans la base énergétique choisie, laquelle est évidemment rendue possible que par un développement massif des énergies renouvelables, entraînant des économies d'échelle et une baisse constante des prix de revient. Aujourd'hui, le coût de l'éolien terrestre est parfaitement compétitif et celui du photovoltaïque le devient. Si dans certains pays, comme le Danemark, la Suède, la Grande Bretagne l'Allemagne, l'Espagne, ces énergies connaissent une progression fulgurante (l'énergie privilégiée étant bien entendu facteur des gisements liés aux considérations géographiques), notre pays reste malheureusement encore à la traîne. Certes, ces deux dernières années ont vu une progression des énergies renouvelables et la loi sur la transition énergétique apporte des perspectives positives. Il n'en demeure pas moins que le modèle présenté ci-dessus se heurte de plein fouet à la tradition jacobine et centralisée de notre pays, dont les effets ne sont pas seulement administratifs mais également énergétiques. En effet, la production d'électricité nucléaire, très centralisée, est aux antipodes d'un modèle décentralisé promoteur de développement économique territorial.

Des initiatives citoyennes

Aujourd'hui, il ne s'agit pas tant d'attendre de l'Etat qu'il favorise l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables que d'espérer qu'il cesse de mettre des obstacles à leur développement. En effet, il suffit de faire un tour de France pour constater que partout, des initiatives existent pour conquérir une autonomie énergétique des territoires : Master plan du Nord-Pas-de-Calais qui vise à l'autonomie énergétique de la région en 2050, société des Toits de Figeac qui permet à des coopératives agricoles de devenir producteur d'électricité, Ercisol et Energie partagée qui ont constitué des sociétés coopératives d'habitants pour produire des énergies renouvelables, les communes du Mené qui organisent leur autonomie énergétique… les exemples sont innombrables qui illustrent la créativité de nos concitoyens. Le financement partagé se développe massivement et les start-up et PME qui ne peuvent avoir accès aux financements bancaires trouvent de plus en plus de citoyens pour investir. Et collectivement, nous pourrions faire beaucoup plus, beaucoup mieux, beaucoup plus vite, si toute initiative n'était pas un parcours d'obstacles, si chaque éolienne ne faisait pas l'objet d'un recours contentieux de la part d'associations qui bien souvent ne sont que des faux nez de défenseurs de l'énergie phare nationale, si des règles stupides comme l'interdiction pour les territoires d'outre-mer de disposer de plus de 30% d'énergies renouvelables n'étaient pas maintenues, si l'accès aux réseaux était facilité etc.

En route vers la COP 21

Sans doute, la résistance des intérêts économiques dominants est forte. Les grandes compagnies d'énergies fossiles, charbonnières, gazières et pétrolières sont très actives pour garder leur monopole dans la production d'énergie et d'électricité le plus longtemps possible, au moins le temps nécessaire pour devenir les grands acteurs de la production d'énergie renouvelable, privant ainsi les citoyens de l'autoconsommation et de la production décentralisée. Mais, la COP 21, même si elle est un succès - ce que nous souhaitons tous - va mettre en lumière l'incapacité des Etats de parvenir à limiter à 2°C la hausse de la température c'est-à-dire à réduire de 32 GT les émissions de CO2. C'est la société civile qui va devenir le seul sauveur possible de la planète et de ses habitants, c'est-à-dire le seul acteur en capacité concrètement de changer ses modes de production et de consommation pour assurer la survie des humains. Dès lors, c'est bien du local et donc de la décentralisation énergétique que pourra venir la solution globale. Et il n'y aura de solution globale que pour autant que les collectivités territoriales - dont les organisations, R20 Regions for Climate Action, C40, Cities and Local Government for the Climate… , sont de plus en plus puissantes - les entreprises et surtout les citoyens auront décidé de prendre leur destin en main.

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Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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