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Navires : le démantèlement peine à s'installer en France

Transport et recyclage : des filières émergentes Actu-Environnement.com - Publié le 11/03/2013

Avec le vieillissement du parc, le nombre de navires à démanteler croît rapidement depuis dix ans. Pourtant, la filière peine à décoller en France même si les péripéties du Clémenceau ont permis de lancer une première initiative d'envergure en Gironde.

Transport et recyclage : des filières...  |    |  Chapitre 4 / 7
Navires : le démantèlement peine à s'installer en France
Environnement & Technique N°323 Ce dossier a été publié dans la revue Environnement & Technique n°323
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Selon le rapport de la mission parlementaire sur le démantèlement des navires publié en juin 2010, il y aurait en France 76 navires de guerre (hors sous-marins) à déconstruire pour un tonnage proche de 100.000 tonnes, un nombre "relativement conséquent" de bateaux de pêche (près de 5.000 ayant plus de 20 ans) et suffisamment de navires marchands pour assurer du travail aux sites spécialisés sur plusieurs années.

Quant aux bateaux de plaisance, il y aurait en France 374.000 navires inactifs, sur un total de 924.000 immatriculations. Combien de ces bateaux devraient être démantelés ? "Il est à ce stade impossible de préciser le facteur de correction à apporter à ce chiffre", déplore le document, précisant que "derrière ces navires inactifs certains ont très certainement été détruits par différents modes plus ou moins respectueux de l'environnement". La mission assure néanmoins qu'il y aurait 1.700 bateaux abandonnés dans les ports et que le flux annuel des bateaux en fin de vie serait de l'ordre de 20.000. Plus globalement, l'Association pour la plaisance éco-responsable (Aper) rapporte qu'en 2008, l'âge moyen des bateaux de plaisance français était de 23 ans, sachant que la durée de vie est habituellement de 30 à 40 ans.

Quasi-inexistante en France, la filière du démantèlement des navires en fin de vie semble donc destinée à un bel avenir et elle affiche sa volonté de s'organiser. Mais pour l'instant, "en Europe la Belgique, avec le port de Gand, et le Danemark sont les seuls pays disposant de réelles capacités de démantèlement pour les navires marchands", explique Christine Bossard, chargée de campagne pour l'ONG Robin des Bois.

Le tournant du Clémenceau

Aujourd'hui l'écrasante majorité des navires de grande taille finissent découpés sur les plages asiatiques. Si la convention de Hong Kong devrait changer la donne pour la marine commerciale, son application semble encore bien lointaine. "La convention de Hong Kong n'entrera (…) en vigueur que vingt-quatre mois après sa ratification par quinze États dont les flottes marchandes représentent 40% de la flotte mondiale et dont les propres capacités de recyclage s'élèvent à au moins 3% de leurs flottes", rappelle un rapport d'information parlementaire publié le 6 février. Le délai envisageable ? Pas moins d'une décennie, estime Christine Bossard.

Quant aux bateaux de pêche, ceux de plus de 10 mètres sont généralement démantelés en France via le financement des plans de sortie de flotte (PSF) européens puisque seule la destruction est reconnue comme mode de sortie de flotte. Quatre-cent à 500 navires étaient concernés en 2010. Enfin, la situation des bateaux de plaisance est plus problématique. La plupart du temps, ils croupissent sur des vasières, au fond de jardin ou le long des quais…

Les années 2000 marquent pourtant un tournant, notamment suite aux déboires médiatisés du porte-avion Clémenceau. Alors que l'armée française envisageait de le démanteler en Inde, une campagne menée début 2006 par des ONG inquiètes des conditions sociales, sanitaires et environnementales contraint le ministère de la Défense à faire machine arrière. Après moult péripéties le navire sera finalement démantelé sur la darse du chantier britannique Able UK.

Dans la foulée, la commission de la défense nationale de l'Assemblée nationale examine début 2007 un premier rapport d'information sur le démantèlement des navires de guerre, présenté par Marguerite Lamour. En mars de la même année, une mission interministérielle relative au démantèlement des navires civils et militaires en fin de vie présente son rapport. "Cette étude très complète, initiée dans le cadre de l'affaire « Q790 » [le nom de la coque du Clémenceau] a ainsi permis à la France de prendre une place importante dans la rédaction et les négociations qui ont conduit à l'adoption de la Convention de Hong Kong en mai 2009", estime le rapport parlementaire de juin 2010, confirmant que la prise de conscience dépasse le monde des marins.

Du côté des armateurs, les choses évoluent aussi, tout particulièrement lorsqu'il s'agit d'entreprises sensibles à leur image de marque. Ainsi durant l'été 2011, le désarmement du méthanier Tellier est effectué au Havre. Le navire, pesant 11.000 tonnes, long de 200 mètres, âgé de 38 ans et appartenant à GDF Suez sera finalement démantelé à Gand en Belgique. Les opérations conduites au Havre sont certes minimes mais deux points créent un précédent. Tout d'abord, une fois désarmé, le navire devient un déchet dont l'exportation hors des frontières de l'Union européenne est interdite. Ensuite ce choix vertueux est réalisé par une entreprise qui quatre ans auparavant s'était débarrassée d'un autre méthanier, le Descartes : après avoir changé de propriétaire deux fois en six, il mois a fini ferraillé au Bengladesh.

Bassens s'installe (durablement ?) dans le paysage

Dans ce contexte de mise en place d'une filière, le port de Bassens (Gironde) semble bien parti pour tirer son épingle du jeu. Le port Bordelais émerge aux côtés de sites très spécialisés : Brest pour une partie de la flotte militaire, le Havre pour les navires fluviaux de taille moyenne et Cherbourg pour les sous-marins nucléaires. Avec une cale sèche de 235 mètres de long par 35 de large et 15 de haut le site de Bassens disposait d'une des plus imposantes infrastructures de ce type en France, un sérieux atout.

A l'origine Veolia rachète l'entreprise Bartin recycling group et obtient en 2008 une autorisation au titre de la rubrique 2712 des Installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) dans le cadre de sa réponse à l'appel d'offres pour le démantèlement du porte-avion français. L'entreprise n'obtiendra finalement pas le marché, mais armée de son autorisation ICPE elle réorientera son activité vers d'autres navires. La montée en gamme sera progressive : depuis 2008 une trentaine de bateaux de pêche, deux dragues et le bac Royan-Le Verdon qui atteint près de 1.000 tonnes, ont été démantelés. Certes les navires de pêche ont été déconstruits sur les terre-pleins et les travaux qui étaient initialement prévus pour accueillir le Clémenceau dans la cale sèche n'ont pas été réalisés, néanmoins Bassens s'installe comme le site de référence.

En mai 2012 une étape est franchie avec le rachat aux Domaines pour un euro symbolique du Matterhorm, un cargo frigorifique de 3.500 tonnes pour 125 mètres de long abandonné par son armateur qui refusait de payer une lourde amende pour récupérer le navire immobilisé à Brest suite à un flagrant délit de déballastage au large d'Ouessant. Le travail, débuté mi 2012 a duré 6 mois.

D'autres démantèlements devraient suivre à l'image du Hilde G, un cargo immobilisé à Saint-Malo depuis fin 2010 suite à des impayés et qui vient d'être cédé aux enchères à AMF recyclage, une filiale de Derichebourg installée elle aussi à Bassens. La filière peut-elle se lancer en comptant sur les cargos abandonnés par des armateurs refusant de payer leurs factures ? Dans un premier temps cela semble possible à en croire Jean-Paul Hellequin, président de l'association Mor Glaz. "Il y a 21 navires abandonnés le long des quais français", explique-t-il, citant "le cas emblématique de l'Antigone Z qui gène le bon déroulement des activités du port de Douarnenez". L'association plaide donc pour que ces navires, mais aussi l'ensemble des navires vétustes appartenant à l'Etat, suivent le plus rapidement possible le chemin pris par le Matterhorn et l'Hilde G.

Philippe Collet

© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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