Maladresse d'écriture ? Architecture incomplète de texte ? Publié à la fin de l'été, le décret du 29 août - qui porte à la fois sur les eaux usées traitées (Reut) et les eaux de pluie - a suscité l'incompréhension d'une grande partie des acteurs de la gestion des eaux de pluie. En cause : de nouveaux articles qui pourraient menacer des usages jusqu'à présent autorisés.
Depuis 2008, deux arrêtés encadrent l'utilisation des eaux de pluie : celui du 21 août, qui fixe les conditions applicables à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments, et celui du 17 décembre, qui revient sur les modalités de contrôle des ouvrages. Ce cadre interdit l'utilisation de l'eau de pluie à l'intérieur de certains bâtiments avec des occupants sensibles, comme les crèches, les cabinets médicaux ou les établissements hébergeant des personnes âgées.
Le nouveau texte cible, quant à lui, uniquement les usages non domestiques. Avec toutefois un premier flou à propos de ce que recouvre cette appellation. « Il y a deux grandes acceptations : dans le domaine de l'assainissement, la différence se fait sur la classification des activités assujetties à la redevance des agences de l'eau pour "pollution d'origine non domestique". Le code de l'environnement propose, quant à lui, une autre définition plus restrictive, en lien avec la législation IOTA : le domestique correspond aux usages de l'eau comme boisson, pour l'alimentation, l'hygiène corporelle, celles du linge et de l'habitation », détaille Régis Taisne, chef du département cycle de l'eau à la FNCCR. « Le texte ne fait référence à aucune de ces deux définitions », constate-t-il.
Des utilisations possibles sur le fondement d'autres textes ?
Le décret restreindrait les usages par rapport au précédent cadre à travers des dispositions communes à l'eau usée traitée et à l'eau de pluie. Ainsi, désormais, dans les établissements recevant du public (hors établissements sensibles où l'usage reste interdit), l'utilisation des eaux de pluie n'est plus possible pendant les heures d'ouverture au public. La rédaction du texte pourrait également laisser penser que l'arrosage des espaces verts des bâtiments avec de l'eau de pluie serait interdit. Mais il semblerait que leur utilisation reste possible sur le fondement d'autres textes (arrêté du 21 août).
Autre crainte des acteurs : l'interdiction de l'utilisation des eaux de pluie à l'intérieur des locaux à usage d'habitation. Sur ce dernier point également, la lecture du texte à avoir serait que ce soit l'arrêté du 21 août qui continue de régir les usages. « Ce décret cible uniquement les conditions d'utilisation des eaux pour des usages non domestiques. Subtilité difficilement compréhensible sur le terrain qui conduit à l'arrêt de nombreux projets de valorisation des eaux de pluie comme dans la grande distribution (arrosage des espaces verts, alimentation de WC, lavage de sols), chez les promoteurs immobiliers (alimentation de WC dans des immeubles collectifs d'habitation) et dans les bâtiments tertiaires (alimentation de WC) », a déploré le syndicat professionnel des acteurs du traitement des eaux de la parcelle (Atep), qui appelle à modifier le texte.
Un décret et des arrêtés encore en attente
À la suite de ce décret, d'autres textes seraient en préparation concernant l'eau de pluie : un arrêté sur les usages non domestiques, mais également un décret sur les usages domestiques accompagné d'un arrêté d'application. Ce cadre pourrait également être commun à celui de la Reut.
« Avec la raréfaction de la ressource, il vaudrait mieux gérer l'eau dont nous disposons. Pourtant dans les textes, rien n'est fait en faveur de la recharge des nappes, regrette, quant à lui, Jean-Jacques Hérin, président de l'Adopta, l'Association pour le développement opérationnel et la promotion des techniques alternatives en matière d'eaux pluviales. Il faudrait ralentir le cycle de l'eau, retrouver le cycle naturel, réduire les ruissellements. Mise à part la réglementation sur l'infiltration des eaux pluviales en zone urbaine, nous n'avons pas de disposition. Or, le ruissellement agricole s'aggrave fortement. Le changement climatique accroît l'assèchement des sols, en même temps que les intensités de pluie. »