Très attendue par les partisans de la réutilisation des eaux usées traitées (Reut), la simplification de la procédure d'autorisation des projets est désormais effective, grâce à la publication du
Premier point à noter : ce texte abroge le décret publié le 10 mars 2022, qui encadrait les nouveaux usages non réglementés comme l'hydrocurage des réseaux, le lavage des voiries ou la recharge de nappe. Une période de transition est toutefois prévue : les autorisations précédemment délivrées sur la base de ce cadre le maintiendront jusqu'à leurs échéances.
En revanche, les porteurs de nouveaux projets s'appuieront sur le décret du 29 août pour leur demande d'autorisation et suivront les prescriptions pour la qualité de l'eau spécifiques aux différents usages, établis par des arrêtés à venir.
Autre point à souligner : le décret supprime la durée maximale de cinq ans auparavant fixée pour l'autorisation délivrée par le préfet. Un point demandé par de nombreux acteurs. « Les suppressions de la notion d'expérimentation et de la nécessité de resoumettre une demande d'autorisation après cinq ans sont positives, car elles permettront d'engager et de financer plus sereinement des investissements dont le retour sur investissement dépasse ce délai », a ainsi salué la Fédération des entreprises de la beauté (Febea) à l'occasion de la consultation du texte.
Une possible exonération de l'avis de l'ARS et du Coderst
Une autre modification conséquente est à noter : lorsque le projet respecte les exigences de qualité et les prescriptions demandées par les arrêtés par type d'usage, il est exonéré d'une transmission pour avis au conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) et à l'agence régionale de santé (ARS). « L'arrêté thématique ne dispense pas de la réalisation d'une évaluation des impacts sur la santé. Qui dans ce cas pourra apprécier la qualité de ce document et l'absence d'impact sanitaire ? » a toutefois réagi l'ARS de Bretagne à l'occasion de la consultation. Auparavant, l'avis conforme de l'autorité de santé était requis.
Par ailleurs, le bénéficiaire de l'autorisation ne serait plus obligé de transmettre au préfet et au Coderst un rapport annuel. Le bilan des conséquences sanitaires et environnementales et l'évaluation économique du projet devront néanmoins être établis tous les cinq ans et adressés au préfet. Ce dernier les communiquera alors pour avis au Coderst.
Utilisation des eaux indépendamment de la qualité des boues des Step
Par rapport à la version soumise à consultation, le décret publié comporte une évolution non négligeable. Le projet de texte maintenait que l'utilisation des eaux traitées soit conditionnée au respect des exigences de qualité des boues produites dans la station d'épuration (Step). « Est-il vraiment nécessaire de faire de la conformité des boues un critère pour déposer une demande d'autorisation pour un projet Reut ? a notamment interrogé la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).
- d'une lettre qui identifie les parties prenantes et le document prévoyant leurs engagements et obligations réciproques ;
- la description du milieu recevant les eaux usées traitées antérieurement au projet et la description détaillée du projet d'utilisation de ces eaux ;
- une évaluation des risques sanitaires et environnementaux et des propositions de mesures préventives et correctives pour maîtriser et gérer ces risques, notamment lors des dysfonctionnements de l'installation de traitement des eaux usées ;
- la description détaillée des modalités de contrôle, de surveillance, d'entretien et d'exploitation des installations de traitement des eaux usées et des installations dans lesquelles sont utilisées les eaux usées traitées ;
- les informations sur les conditions économiques de réalisation du projet ;
- la description des informations qui seront enregistrées dans un carnet sanitaire ainsi que les modalités de transmission au préfet des données collectées et enregistrées.
S'il est globalement salué par une majorité des acteurs à travers la consultation, certains auraient aimé que le texte aille plus loin et que l'architecture du cadre soit plus simple. Ainsi, des porteurs de projets souhaitaient que le rejet automatique du projet en cas de silence de plus de six mois par l'administration soit supprimé. « Cette précision ne nous semble pas conforme à l'urgence du sujet et l'un des objectifs du Plan eau qui est de développer 1 000 projets de réutilisation sur le territoire d'ici à 2027, estime notamment l'association de professionnels Acteurs du traitement des eaux de la parcelle (Atep). Il faut donc appliquer la règle du cas général qui est le silence gardé par le préfet à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la date de l'accusé de réception attestant du caractère complet du dossier vaut décision d'acceptation. »
D'autres appellent à étendre les types d'eaux utilisées. « Le projet exclut (…) les eaux issues de stations reliées à des installations ICPE, rubriques 2730, 2731, 3650, sauf à réaliser un traitement thermique des eaux issues de ces installations, a indiqué la direction des projets stratégiques du groupe Saur. Cette exclusion systématique pose un problème, dans la mesure où la présence d'une seule de ces installations dans le bassin versant d'une Step empêcherait la réalisation d'un projet de Reut sur cette Step. » L'entreprise propose trois types d'alternatives pour contourner cette limite : soit de fixer un pourcentage maximal des eaux usées provenant de ces installations, par rapport au flux total traité, soit que l'obligation de traiter thermiquement les eaux usées des installations ICPE concernées soit prévue par les arrêtés de prescription générales de ces mêmes ICPE, soit que l'exclusion ne soit que pour certains usages, en fonction des analyses de risques.
Le suivi du débit restitué au milieu naturel à inclure
D'autres acteurs estiment que le suivi des conséquences sur l'environnement de l'utilisation d'eau usée traitée n'est pas assez poussé. « Il n'est pas prévu de mesures de suivi de l'impact sur les rivières et la biodiversité aquatique de ce nouveau prélèvement. Or, cela peut impacter fortement les rivières ; ainsi, en Ille-et-Vilaine, le niveau des rivières dépend, en période d'étiage, très largement des rejets des stations d'épuration, certaines rivières seraient en assec sans les apports de celles-ci, a opposé Eau et rivières de Bretagne. L'approche projet par projet peut conduire à des situations difficiles. Un complément d'analyse relatif à l'importance des rejets par rapport au débit d'étiage du milieu récepteur, aux impacts cumulés des projets de réutilisation des eaux traitées mérite d'être ajouté. »
La FNCCR avait, quant à elle, proposé que « le projet de décret mentionne que le débit restitué au milieu naturel et qui contribue au bon état du cours d'eau est l'un des principaux critères encadrés par l'arrêté d'autorisation ».
Autre regret des porteurs de projets : le texte ne détaille pas la procédure d'autorisation en cas d'usages multiples. « Sur le terrain, il est régulièrement demandé aux porteurs de projets de séparer par usage (notamment en cas d'usages relevant jusqu'à présent de l'arrêté de 2010 et du décret de 2022), a constaté le groupe de travail national sur les eaux non conventionnelles (ENC) animé par l'Association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement (Astee). Cela démultiplie les démarches administratives et les temps d'instruction et nuit à la bonne prise en compte des impacts environnementaux qui ne peuvent s'aborder que de manière globale. Il serait utile que le texte précise la façon de considérer les usages multiples. » D'une manière globale, plusieurs acteurs regrettent la structuration de ce nouveau cadre, encore trop complexe à leurs yeux.
« Ce projet de décret et son articulation avec les autres textes en projet est complexe à cerner de prime abord : décret "procédure" visant à fournir un cadre commun pour l'instruction des demandes de recours aux ENC pour les différents usages avec des arrêtés types par usage spécifiant les prescriptions spécifiques applicables, a pointé le groupe de travail national de l'Astee. Les usages qui feront l'objet d'arrêtés ministériels définissant des exigences minimales ou prescriptions générales (R211-129) restent à date inconnue (sauf pour l'arrosage des espaces verts et irrigation agricole – projets également en consultation) : il n'y a pas aujourd'hui de visibilité ni sur le périmètre concerné ni sur les échéances. »
Dans un communiqué, le ministère de la Transition écologique annonce effectivement la publication prochaine des arrêtés ministériels qui préciseront les seuils et conditions d'utilisation pour les usages agricoles et l'arrosage des espaces verts. Deux autres textes seraient « en cours de finalisation » concernant la valorisation des eaux non conventionnelles dans l'industrie agroalimentaire et pour les usages domestiques (chasses d'eau).