
Outre les hommes, les grands singes* (famille des hominoïdes), regroupent les chimpanzés, les bonobos, les gorilles qui vivent dans les forêts d'Afrique et les orangs-outans que l'on retrouve en Indonésie et Malaisie. Mais nos plus proches parents sont en train de disparaître!!!.
En effet, alors qu'il subsistait dans les années 60, un million de chimpanzés, il n'en resterait que 300.000 aujourd'hui. Et les bonobos? Ils n'en demeurent aujourd'hui qu'entre 10.000 et 20.000. Plusieurs menaces majeures pèsent également sur les gorilles. L'orang-outan est également en péril puisqu'il aura très probablement disparu d'ici 2015 si rien n'est fait. Les chercheurs estiment que d'ici à 2030, il ne restera qu'1% de l'habitat originel des orangs-outans où l'exploitation forestière et les monocultures de palmier à l'huile à grande échelle pour l'industrie internationale des cosmétiques ou l'industrie alimentaire notamment en Indonésie et Malaisie ont décimé près de 70% de la couverture forestière de ces pays en une décennie. La réduction de l'habitat est comparable dans les forets du bassin du Congo qui abritent la plus grande partie des populations de grands singes africains ou les forêts diminuent dramatiquement du fait d'une exploitation forestière forcenée comme au Gabon ou au Cameroun.
Une étude** menée par Lounès Chikhi du laboratoire Evolution et diversité biologique (CNRS -Université Paul Sabatier, Toulouse), en collaboration avec Benoît Goossens de l'Université de Cardiff (Royaume-Uni), publiée le 24 janvier dernier, dans la revue PLOS Biology, a montré que l'effondrement démographique des populations d'orangs-outangs de Bornéo (Asie du Sud-Est) laisse une marque indélébile sur leur génome et désigne le coupable : la déforestation par l'homme au cours du 20ème siècle.
Le travail des chercheurs du CNRS et de l'Université de Cardiff se base sur un échantillon de manière « non-invasive », c'est-à-dire ne requerrant pas de manipulation de l'animal de plus de deux cents individus. Il a aussi fallu aux chercheurs monter sur des arbres de plus de 20 mètres de haut pour récupérer des poils présents dans les nids, ou encore suivre les individus dans la forêt pour ramasser des excréments et les conserver pour une future analyse en laboratoire.
Les données génétiques obtenues ont ensuite été analysées par Lounès Chikhi afin de déterminer s'il existait dans le patrimoine génétique des orangs-outans un signal d'effondrement démographique caractéristique de la déforestation. Il fallait pour ce faire, expliquent les chercheurs, distinguer ce signal des autres événements démographiques qui ont frappé cette espèce au cours de son histoire et marqué son génome : arrivée à Bornéo des premiers chasseurs, des premiers agriculteurs et changements climatiques des derniers 100 000 ans.
Lounès Chikhi et Benoît Goossens estiment que la population ancestrale était de 50 à 100 fois plus importante que la population actuelle. D'après ces données, il y a seulement 120 ans environ, des centaines de milliers et peut-être des millions d'orangs-outangs vivaient à Bornéo. C'était avant que l'exploitation forestière ne commence vers 1890.
Pour tenter d'éviter l'extinction, de plus en plus d'initiatives se multiplient à l'instar notamment de l'Institut Jane Goodall, organisation internationale à but non lucratif de protection et de recherche sur les grands singes qui a vu le jour en France en décembre 2004, vingt-huit ans après sa création en Californie par le Dr Jane Goodall. Depuis plus de 45 ans, le Dr. Jane Goodall qui a reçu en France le titre d'officier de la Légion d'honneur*** par le Premier ministre, au nom du Président de la République le 18 janvier dernier, recueille des données permettant de mieux comprendre les grands singes mais aussi les origines de l'humanité. Passionnée dès son plus jeune âge par les animaux, elle débute son étude sur les chimpanzés de Gombé (Tanzanie) en 1960 avec l'équipe du Dr. Louis Leakey, anthropologue et paléontologue. Cette étude deviendra bientôt le plus long suivi de chimpanzés jamais réalisé et fera l'objet d'une étude en primatologie qui permettra de redéfinir les rapports entre humains et animaux. En 1964, elle crée le Centre de Recherche de Gombe Stream, site où a eu lieu la plus longue étude d'une population sauvage de primates. En 1977, elle fonde l'Institut Jane Goodall pour les espèces en danger, particulièrement les chimpanzés, en créant des sanctuaires en Afrique. Grâce au personnel tanzanien et à d'autres chercheurs, son travail se poursuit encore aujourd'hui. En 1994 grâce au financement de l'Union Européenne, l'Institut inaugure le programme TACARE (TAnganyika CAtchment Reforestation and Education Programm) qui vise à explorer de nouveaux moyens qui mettront fin à la dégradation accélérée des ressources naturelles, particulièrement celle des dernières forêts indigènes de la région de Kigoma (côte ouest de la Tanzanie) et aussi de toute la Tanzanie.
Cherchant à sensibiliser les populations du monde entier sur leur responsabilité en matière d'environnement et de disparition d'espèces animales, Objectif nature (Tour opérateur) et l'institut ont signé une convention de partenariat destinée à renforcer les moyens scientifiques et humains mis au service de la protection des grands singes en Ouganda et en République démographique du Congo. S'inscrivant dans le cadre de ce partenariat, une exposition vente de photgraphies, réalisée avec le concours de la Fondation Edf et sous le parrainage de la Fondation Nicolas Hulot, s'est ouverte au grand public du 20 janvier au 12 février (cf agenda). Les profits obtenus grâce à la vente des photographies devraient permettre de financer trois programmes de l'Institut Jane Goodall France pour la protection des grands singes : la Campagne nationale d'information et de mobilisation pour la protection des grands singes, le sanctuaire des bonobos en République Démocratique du Congo et la neutralisation des pièges de chimpanzés dans le Parc National de la Forêt de Kibale en Ouganda.
Aujourd'hui, les donateurs de l'Institut Jane Goodall soutiennent des sanctuaires de chimpanzés au Kenya, en Ouganda, en République du Congo-Brazzaville et en Afrique du Sud. Pour arrêter le commerce de la viande de brousse, des programmes d'éducation et de conservation renforcent l'action de ces sanctuaires. À Tchimpounga, près de Pointe-Noire 116 orphelins vivent dans le plus grand sanctuaire de chimpanzés. Il est entouré par 73 000 hectares de forêt et de savane, que l'Institut développe et gère pour le gouvernement local comme un refuge animalier.
En 2006, l'Institut prévoit de nouvelles actions et notamment la réalisation d'un programme de neutralisation des pièges dans le Parc National de la Forêt de Kibale en Ouganda et un programme français qui permettra d'engager un recensement des grands singes en captivité en France. Il donnera également un état des lieux de leurs conditions de vie. Une étude préliminaire révèle qu'il y aurait dans les parcs zoologiques français environ 30 orangs-outans, 40 gorilles et 70 chimpanzés captifs.
*Les chimpanzés (nom scientifique : Pan troglodytes) voient leurs effectifs diminuer considérablement. Au total, la population de chimpanzés compterait entre 172.000 et 300.000 individus aujourd'hui contre 1 million dans les années 1960. Les chimpanzés habitent les forêts et savanes d'Afrique tropicale, notamment au Gabon, en République démocratique du Congo et au Cameroun. Ils sont aussi présents, mais en moindre nombre et aussi plus menacés au Ghana, en Guinée-Bissau, au Nigeria, au Burundi et au Rwanda. Enfin, il en subsiste de rares groupes au Sénégal, au Mali, en Guinée équatoriale et au Soudan. Et Ils ont totalement disparus de la Gambie, du Burkina Faso, du Togo et du Bénin.
Le bonobo (nom scientifique : Pan paniscus) est notre plus proche cousin, nous partageons avec lui 99.4% de notre code génétique. La situation politique explosive qui frappe la République démocratique du Congo pèse sur l'avenir des bonobos. Selon le dernier recensement, le nombre de ces singes oscillerait entre 5.400 et 20.000. En 1990, ils étaient 100.000. Ces primates vivent dans le bassin du Congo en RDC, entre le fleuve Congo au nord et la rivière Kasaï au sud ; mais leurs espaces naturels sont de plus en plus réduits. Une situation d'autant plus préoccupante que ces singes ne font qu'un seul petit tous les 5 à 6 ans. Le trafic illégal de viande de brousse et d'animaux de compagnie menace aujourd'hui leur survie.
Selon les dernières études et recensements, il subsisterait moins de 120.000 gorilles entre la République démocratique du Congo et le Nigéria, leur zone de répartition. L'avenir des gorilles de montagne, au nombre de 720, vivant dans les monts Virungas et la forêt de Bwindi à cheval entre le Rwanda, l'Ouganda et la RDC, semble quant à lui un peu plus rassurant, malgré leur faible nombre, comme le note prudemment une étude publiée en janvier 2004. Le trafic de viande de brousse et les épidémies d'Ebola sont les deux causes principales de la disparition des gorilles.
Au début des années 80, le chiffre estimé des orangs-outans était de 180.000 individus. En 1990, on estimait qu'il restait encore de 30.000 à 50.000 orangs-outans à l'état sauvage. Ces chiffres sont en diminution constante.
Les monocultures de palmier à huile ainsi que l'exploitation forestière constituent les principales causes du déclin des orangs-outans dont la population a chuté de plus de moitié depuis cette date.
Les forêts autour des secteurs protégés sont également de plus en plus dégradées et l'orang-outan est repoussé dans des secteurs trop petits pour supporter des populations viables. De plus, en dépit des lois indonésiennes et malaises de protection du grand singe, les orangs-outans sont victimes d'un important trafic illégal. Les jeunes primates sont arrachés à leur mère, souvent tuée, et vendus comme animaux de compagnie. Alors que 80% de son habitat a été détruit les primatologues estiment que la majeure partie de la population d'orangs-outans sauvages mondiale sera éteinte d'ici à moins de dix ans.
**Genetic signature of anthropogenic population collapse in orang-utans. Benoit Goossens, Lounès Chikhi, Isabelle Lackman-Ancrenaz, Patrick Andau, Michael W.Bruford. PLOS BIOLOGY
***Jane Goodall a par ailleurs reçu les prix les plus prestigieux : la médaille d'Honneur de la Tanzanie, la médaille Hubbard de la National Geographic Society, le prestigieux prix japonais Kyoto pour la Science, la récompense Asturias pour la Recherche Technique et Scientifique, la médaille Benjamin Franklin pour la Science, la récompense Gandhi/King pour la Non-Violence.
En avril 2002, le Secrétaire Général Kofi Annan nomme Jane Goodall Messager de la Paix des Nations Unies. En 1995, sa Majesté la Reine Elisabeth II lui décerne le titre de CBE (Commander of the British Empire), et lors d'une cérémonie à Buckingham Palace en 2004, le Prince Charles nomme Jane Goodall Dame de l'Empire Britannique.