
Après de grandes batailles diplomatiques qui ont commencé en juin 2002, c'est finalement Cadarache, dans le sud de la France qui a été choisi le 28 juin 2005 pour accueillir ITER. En effet, les six partenaires du projet (UE, Russie, Chine, Japon, Etats-Unis et Corée du Sud) ont négocié de nombreux mois pour départager les sites potentiels pour son implantation. La Russie, l'UE et la Chine soutenaient le site de Cadarache en France, les USA, le Japon et la Corée du Sud supportaient quant à eux Rokkasho-mura au Nord du Japon.
À l'inverse du processus de fission nucléaire (dégageant de l'énergie en cassant des atomes lourds tel l'Uranium) qui produit des déchets radioactifs à très longue durée de vie, la fusion thermo-nucléaire qui consiste à fusionner deux atomes légers comme du Deutérium (Isotope naturel lourd de l'Hydrogène) ou du Lithium, produit des composés plus lourds dont la durée de vie radioactive est de l'ordre d'une vie humaine. La gestion des déchets radioactifs serait donc en théorie beaucoup plus aisée alors que le Deutérium se trouve en quantité quasiment illimité dans les molécules d'eau des océans.
Les anti-nucléaires dénoncent un projet insensé qui va engloutir environ 10 milliards d'euros et dont le résultat est plus qu'incertain attendu des échecs rencontrés par la recherche dans le passé. Le risque réside en effet dans l'échec potentiel de cette technologie qui aura nécessité de gros investissements se substituant ainsi à ceux qui pourraient être accordés pour améliorer le développement des énergies renouvelables par exemple.
C'est dans ce contexte que s'est ouvert le débat public autour du futur réacteur de fusion nucléaire ITER, le 16 janvier dernier avec la mise en ligne d'un site Internet dédié*. Une quinzaine de réunions publiques sont prévues depuis le 26 janvier dernier et ce jusqu'au 6 mai.
S'il est acquis que le projet ITER sera réalisé à Cadarache, il demeure pour la Commission particulière du débat public (CPDP) présidé par Patrick LEGRAND, que tout le reste donne lieu à débat. Elle a ainsi identifié 7 premières thématiques : aménagement du territoire et équipements induits ; finalités et enjeux scientifiques ; enjeux technologiques et économiques ; milieux et équilibres écologiques, environnement et dispositifs de gestion ; société, gouvernance, sûreté ; perspectives et horizons lointains ; installations, impacts, ressources et risques.
Mais pour le Réseau Sortir du Nucléaire, qui fédère 725 associations opposées au nucléaire et qui rassemble en PACA une quarantaine d'associations et d'organisations, ce débat est caduque puisque la décision de construire ITER a été prise le 25 juin. Pour nous, un débat public doit se tenir avant une décision. Or, la décision d'implanter ITER a déjà été prise en juin 2005, affirme le collectif qui demande l'annulation de la décision d'implantation d'ITER.
La première réunion publique, à Aix-en-Provence, le 26 janvier a dû être annulée des opposants ayant envahi la salle pour empêcher un débat qu'ils estiment inutile. La deuxième, à Sainte-Tulle, près de Manosque, a eu lieu sous protection des gendarmes, le 2 février. Le troisième débat public s'est déroulé sans difficulté à Avignon, mais a été déplacé au dernier moment. Les opposants au nucléaire se préparent pour la prochaine réunion du 23 février à Marseille, où ils appellent à manifester en nombre.
La CPDP déplore le comportement de ceux qui interdisent physiquement la conduite d'un débat public parce qu'ils confisquent les moyens de s'informer, de découvrir les positions divergentes et de confronter les arguments. Une telle attitude est un déni de démocratie : être contre un projet est acceptable, être contre le débat public est antidémocratique, ajoute la commission.
La clôture du débat devrait avoir lieu le 6 mai 2006. Après le compte-rendu du débat public rédigé par la CPDP et la publication du bilan du Président de la CNDP, les responsables du projet auront 3 mois pour indiquer les conditions de poursuite du projet ITER en Provence. Il faudra alors 10 ans pour construire ITER tandis que 20 ans seront consacrés à son exploitation et 10 ans à son démantèlement.
Concernant le projet de réacteur EPR (Eau Pressurisée Européen), le débat public** vient de se clôturer. Projet franco-allemand, développé depuis 1992 par Siemens et Areva, l'EPR est destiné à prendre progressivement le relais des 58 réacteurs qui équipent les 19 centrales nucléaires françaises. La construction à Flamanville du premier réacteur dans la Manche a été adoptée le 13 juillet 2005 par les parlementaires.
Bilan du débat : un débat clos mais inachevé qui appelle une suite d'après la Commission particulière présidée par Jean-Luc Mathieu. Si le débat public a permis de progresser sur l'examen des points de controverses, il est apparu fortement « contraint » par les difficultés, indique la commission. L'absence d'une réelle volonté politique de débattre, le retrait de six associations de protection de l'environnement, un cadre légal limitant les fonctions de la commission, la haute technicité du projet et les divers secrets qui caractérisent un tel sujet, sont autant d'éléments pour expliquer les conditions difficiles dans lesquelles la CPDP a travaillé.
Toutefois, malgré ces difficultés, la CPDP estime ce débat public se caractérise par des avancées importantes. Elle se félicite notamment de la mise en place de deux groupes de travail sur deux sujets clés du débat : l'accès à l'information en matière de nucléaire et les besoins électriques à moyen et long termes. Il s'agissait par ailleurs du premier débat public sur une centrale électronucléaire qui a permis d'élargir le cercle habituel du débat nucléaire et de permettre aux uns et aux autres de mieux s'écouter.
Ainsi la sphère politique et la puissance publique doivent réfléchir rapidement sur des thèmes tels que politique industrielle, influence sur les choix énergétiques du pays à long terme et développement de sources d'électricité alternatives, ou encore la nécessaire transparence, conclut la commission.
Le réseau Sortir du Nucléaire, qui n'a pas participé au débat, a estimé dans un communiqué que les députés avaient torpillé le débat public par leur vote de juillet 2005 en faveur de l'EPR, avant l'ouverture des réunions publiques. Le réseau a dénoncé un réacteur inutile, dangereux, dépassé et vulnérable. Soulignant que la décision de construire l'EPR est illégitime et antidémocratique, il réclame l'annulation des décisions prises ces derniers mois.
Plusieurs centaines d'organisations dans 34 pays *** appellent à un grand rassemblement, le 15 et 16 avril prochain à Cherbourg, contre le réacteur EPR et la relance du programme nucléaire.
*www.debatpublic-iter.org
**www.debatpublic-epr.org
***www.stop-epr.org