Le secteur agricole exploiterait près de 5 milliards d'hectares sur une superficie totale de quelque 13 milliards d'hectares et absorberait plus d'eau que tout autre activité humaine, souligne la FAO. L'agriculture peut à la fois provoquer la dégradation des sols, des ressources en eau, de l'air et des ressources biologiques et en améliorer la qualité, indique Jacques Diouf, Directeur général de la FAO. Tout dépend des décisions que prennent plus de 2 milliards de personnes qui vivent de l'agriculture, de l'élevage, de la pêche ou de l'exploitation des forêts, ajoute-t-il. L'enjeu consisterait à convaincre les agriculteurs - principaux gestionnaires de ressources naturelles du monde - de limiter les effets négatifs de leur mode de production tout en répondant à la demande croissante de produits alimentaires et de fibre.
L'Organisation propose donc la rétribution financière des services environnementaux fournis par les agriculteurs qui pourrait contribuer à de nouvelles sources de financement en faveur de la gestion durable de l'environnement dans les pays en développement, tout en visant la réduction de la pauvreté et le développement agricole. En effet, souligne la FAO, l'une des principales raisons de la dégradation de l'environnement s'expliquerait par ''la gratuité apparente des services offerts par la nature''. Ceux-ci n'appartiennent à personne, nul n'est rétribué pour les dispenser, ce qui n'incite guère les agriculteurs à les sauvegarder, fait remarquer l'Organisation qui précise que les agriculteurs ont pourtant un rôle ''important'' à jouer dans l'atténuation des effets du changement climatique en tant que ''puits à carbone''. Un recul de la déforestation, la plantation d'arbres, la réduction du travail des sols, l'accroissement du sol de couverture et un aménagement amélioré des pâturages pourraient, par exemple, conduire au stockage de plus de 2 milliards de tonnes de carbone dans environ 50 pays entre 2003 et 2012, précise le rapport.
La FAO se prononce ainsi en faveur de ''mesures incitatives''. Car le paiement des services pour protéger l'environnement (tels que le stockage du carbone, la lutte contre les inondations, la fourniture d'eau salubre ou la conservation de la biodiversité) encouragerait les agriculteurs à adopter de meilleures pratiques agricoles, voire neutraliser la pollution engendrée dans d'autres secteurs et améliorerait leur revenu.
Ces paiements pourraient se présenter sous diverses formes, souligne le rapport : transactions volontaires faisant intervenir agriculteurs, communautés, contribuables, consommateurs, sociétés commerciales et gouvernements. Il pourrait s'agir de paiements directs des gouvernements aux producteurs ou de transferts indirects, tel qu'un supplément de prix que les consommateurs paieraient en contrepartie d'un café plus savoureux provenant de plantations situées à l'ombre.
Toutefois, avertit l'Organisation, les mécanismes de rémunération des agriculteurs devront être conçus de façon à associer les agriculteurs les plus pauvres. En effet, explique Jacques Diouf, le coût administratif de la mise en place de dispositifs de rémunération intégrant pleinement les agriculteurs les plus pauvres pourrait être particulièrement élevé, et d'autres obstacles comme l'absence de droits de propriété clairement définis pourraient de surcroît empêcher les agriculteurs les plus pauvres d'être associés au dispositif. Selon la FAO, la rétribution des agriculteurs pourrait dans ce cas, accroître la pauvreté et menacer la sécurité alimentaire, en particulier si elle devait entraîner une diminution du nombre d'emplois agricoles ou un accroissement des prix des denrées alimentaires.
Des centaines de programmes de rétribution des services environnementaux sont actuellement mis en oeuvre dans le monde, mais les programmes de rémunération des services environnementaux qui ciblent les agriculteurs et les terres agricoles dans les pays en développement sont relativement peu nombreux, déplore le rapport. Aussi, la Fédération France Nature Environnement qui ''se félicite'' dans un communiqué de la proposition de la FAO, a rappelé que la Politique Agricole Commune (PAC) encourage et autorise également la rémunération des services écologiques via le dispositif de l'article 69 du règlement. Mais d'après l'organisation environnementale, la France a refusé de mettre en œuvre cet Article. Renforcée par le rapport de la FAO, la FNE a demandé la rémunération pour services écologiques et sociaux de l'agriculture à haute valeur environnementale, (HVE) qui se caractérise par la place qu'elle laisse à la nature et aux milieux naturels et par sa faible dépendance aux intrants.