Après le discours musclé de Xavier Beulin fustigeant la réglementation environnementale lors du congrès national de la FNSEA fin mars, c'est un inattendu plaidoyer pour la biodiversité qu'a tenu le syndicat agricole ce jeudi 17 avril.
Il faut dire que M. Beulin était alors en campagne pour sa réélection. Maintenant reconduit, il met de l'eau dans son vin alors que le projet de loi d'avenir agricole est en discussion au Parlement et que la discussion du projet de loi sur la biodiversité, présenté en conseil des ministres le 26 mars, le sera au mois de juin. "Nous revendiquons de pouvoir travailler dans une relation de confiance avec les promoteurs et les garants de l'environnement", a tenu à préciser le président de la FNSEA, ajoutant : "il s'agit de combiner le plus intelligemment et le plus efficacement possible des contingences qui peuvent apparaître comme s'opposant".
Entrée dans une phase d'appropriation
C'est précisément du fait de cette actualité parlementaire que la FNSEA a choisi de communiquer aujourd'hui sur l'engagement du monde agricole en faveur de la biodiversité. Le syndicat agricole publie un recueil récapitulant l'ensemble de ses actions (1) et celles de 45 partenaires agricoles et ruraux (2) en faveur de la biodiversité.
Ces différentes organisations "souhaitent rappeler, à travers ce recueil, leur intérêt et leur investissement auprès des agriculteurs pour préserver et valoriser la biodiversité, qu'elle soit ordinaire ou remarquable", souligne Christiane Lambert, première vice-présidente de la FNSEA. Après une phase d'opposition, la biodiversité étant souvent perçue comme une contrainte ou comme un concept abstrait, la profession agricole entre dans une phase d'appropriation, reconnaît-elle. Et les chiffres semblent lui donner raison : cette initiative en faveur de la biodiversité lancée en 2010 par la fédération de syndicats agricoles ne réunissait encore que 14 partenaires il y a deux ans.
"De nombreux programmes de recherche portent sur les liens entre pratiques agricoles et richesse de la biodiversité, sur les
Auto-diagnostic de la biodiversité
Pendant plusieurs décennies, la commande publique était orientée sur la production. "Nous entrons dans une nouvelle ère où il faut produire plus et mieux", explique Xavier Belin, reprenant les mots du Président de la République prononcés à l'occasion de sa troisième grande conférence de presse en janvier dernier.
Pour illustrer l'engagement de la FNSEA, son président met en avant l'outil d'auto-diagnostic de la biodiversité agricole que la fédération propose à ses adhérents et que 250 agriculteurs ont déjà complété en trois mois. "La biodiversité de votre exploitation agricole est aujourd'hui peu connue du grand public et des décideurs politiques", explique le livret. "Vous pourrez utiliser [cet outil] pour communiquer sur cette biodiversité après de vos interlocuteurs : collectivités locales, voisins, associations environnementales, écoles, grand public…", ajoute-t-il, illustrant la volonté du syndicat de mieux communiquer sur le rôle de "producteurs de biodiversité" que tiennent les agriculteurs.
"Mais la prise en compte de la biodiversité ne s'arrête pas aux exploitations, elle concerne l'ensemble des acteurs de la chaîne agricole et agro-alimentaire", souligne Xavier Beulin, qui dénonce la pression foncière sur les terres agricoles et, par conséquent, sur la biodiversité. "On peut réparer par la compensation mais il faut aussi faire de la prévention", affirme-t-il, soulignant qu'avec une population inférieure, la France perd quatre fois plus de terres agricoles que l'Allemagne chaque année.
Ne pas doter la future agence de pouvoirs de police
"L'agriculteur doit être reconnu comme un acteur responsable", plaide Xavier Beulin, même s'il reconnaît la nécessité de points de repère et d'un cadre réglementaire. C'est pourquoi il demande à ce que la profession agricole soit identifiée au sein des instances de la future Agence française de la biodiversité, mais aussi que cette dernière ne soit pas dotée de pouvoirs de police.
"Il ne faut pas confondre incitation et police", résume-t-il, estimant que le fonctionnement de la future agence devra plus s'inspirer de l'Ademe que de l'Onema, dont les "30.000 interventions sur le terrain posent de réelles questions de méthode". En bref, l'usage du bâton est donc à éviter, soulignant qu'il est plus facile d'avancer "lorsqu'il y a un peu de carotte autour". Un message à peine voilé en faveur d'incitations financières qui pourraient aider les agriculteurs à mettre en œuvre les actions promues par la loi.
Réunir ou séparer les fonctions de sensibilisation et de police est un vrai choix qu'il va falloir trancher, confirme Bernard Chevassus-au-Louis, inspecteur général de l'agriculture, qui se félicite de l'intérêt qui porte le syndicat agricole à la future agence. Car, comme le souligne son préfigurateur, "l'avenir de la biodiversité se jouera dans les milieux agricoles", tout comme "l'avenir de l'agriculture se jouera dans la manière de prendre en compte la biodiversité".