Le ministre de l'Ecologie Philippe Martin a présenté ce mercredi 26 mars en Conseil des ministres le projet de loi sur la biodiversité confirmant la création d'une Agence française dédiée calquée sur l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Inscrite dans la feuille de route pour la transition écologique présentée en septembre 2012 à l'issue de la conférence environnementale, cette grande loi-cadre, "la première sur la biodiversité depuis 1976" était attendue pour fin 2013. Composé de 72 articles, ce texte a reçu l'avis favorable en décembre dernier du Conseil national de la transition écologique (CNTE). Les représentants des employeurs au sein de cette instance (FNSEA, Medef, CGPME, Chambres d'agriculture) avaient toutefois voté contre.
Le projet de loi "répond à l'engagement du président de la République de faire de la France un Etat exemplaire en matière de reconquête de la biodiversité. Il a pour ambition de mieux concilier activités humaines et biodiversité notamment à travers les services écosystémiques", a souligné Philippe Martin. Et de citer : la fertilité des sols, la fourniture de bois, la pollinisation ou la régulation du régime des eaux.
La chasse et la forêt exclues du périmètre de l'Agence
Le texte comprend six mesures phares parmi lesquelles la création d'"un opérateur intégré" l'Agence française pour la biodiversité (AFB) issue du rapprochement de structures déjà existantes. Cette Agence est "l'instrument référent de la protection de la biodiversité". Elle regroupera l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), les parcs nationaux de France, l'Agence des aires marines protégées et l'Atelier technique des espaces naturels (Aten). La mutualisation des budgets des opérateurs intégrés à l'Agence "permettra de mener une politique en faveur de la biodiversité".
A la façon de l'Ademe, l'Agence viendra en appui des porteurs de projets en faveur de la biodiversité, "regroupera, organisera et diffusera la connaissance en matière de biodiversité terrestre et marine, et sensibilisera nos concitoyens et participera à la formation des acteurs", a précisé M. Martin. L'Agence sera également appelée à intervenir en appui aux services de l'Etat en matière de suivi et de préparation des positions de la France dans les enceintes internationales et européennes, de gestion d'espaces naturels, et de police de l'eau et des milieux aquatiques. Elle apportera un soutien "méthodologique et financier" aux porteurs de projets de "reconquête de la biodiversité" (restauration des milieux, génie écologique) via les crédits des programmes d'Investissement d'avenir (PIA).
Le gouvernement a choisi de ne pas inclure l'Office national de la chasse et de la faune sauvage dans l'agence (ONCFS), contre l'avis du CNTE et au dam des ONG environnementales qui dénoncent une pression des chasseurs. L'Office national des forêts (ONF) n'y est pas non plus intégré. Le ministre a confirmé à la presse que ces organismes signeront des conventions de partenariat avec l'Agence française pour la biodiversité. "Il ne nous a pas paru nécessaire de démanteler [ces opérateurs] qui ont des budgets propres et qui interviennent dans d'autres domaines. Pour autant, il apparaît tout à fait nécessaire qu'une collaboration étroite s'instaure entre l'Agence, l'ONCFS et l'ONF qui ont, par leurs actions, vocation à protéger la biodiversité", a expliqué M. Martin.
Un budget de 220 millions d'euros en 2015
Le ministre a assuré que l'Agence sera opérationnelle en 2015. "Depuis 2013, nous avons déjà travaillé sur la préparation de cette Agence. Nous n'attendons pas le débat parlementaire" sur le texte. Des villes ont déjà candidaté pour accueillir son siège, a ajouté le ministre. L'Agence disposera de 1.200 agents répartis sur l'ensemble du territoire. Elle sera dotée d'un budget d'environ 220 millions d'euros en 2015. Un financement loin des 400 millions d'euros par an prévus dans le rapport de préfiguration de l'agence paru en février 2013.
La gouvernance territoriale et les financements dédiés à la nouvelle agence promettent de vifs débats au Parlement qui doit examiner la loi-cadre fin juin. En février 2013, des députés ont fait part de leur crainte de perdre leur périmètre d'action régionale en matière de biodiversité quand d'autres ont dénoncé la création d'une "agence de plus" en période de "disette budgétaire". La question de son périmètre sera discutée.
De nouveaux outils juridiques pour la biodiversité
Le texte "modernise également" les moyens de protection des espaces naturels et des espèces sauvages en supprimant certains outils "devenus obsolètes" (inventaires départementaux du patrimoine naturel, orientations régionales de gestion de la faune sauvage et de ses habitats…).
Le projet de loi propose en outre de nouveaux outils juridiques "gradués" permettant des mesures "pérennes" de protection et de gestion de la biodiversité "en particulier en milieu agricole sans nécessiter une acquisition" : extension des zones soumises à contraintes environnementales, contrats créant des obligations réelles environnementales permettant de compenser les impacts, assolement en commun (mutualisation des parcelles) pour la biodiversité et aménagements fonciers environnementaux.
Le texte transpose également dans le droit français le protocole international de Nagoya adopté en 2010 et visant à réglementer l'exploitation commerciale des ressources naturelles issues des pays en développement. Il crée un régime d'accès aux ressources génétiques et de partage "des avantages découlant de leur utilisation, afin notamment de lutter contre la bio-piraterie, de garantir un partage des bénéfices tirés de l'exploitation économique des ressources génétiques et d'assurer la sécurité des transactions à l'export", a précisé M. Martin.