Le Conseil, la Commission européenne et le Parlement sont parvenus à un accord politique sur la future politique agricole commune (PAC), le 26 juin. Ce paquet de quatre règlements doit encore être approuvé de manière officielle par le Conseil et le Parlement, probablement à l'automne prochain. De même, certaines questions importantes doivent être réglées dans le cadre des négociations sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 (cf. encadré). Un accord aurait été trouvé aujourd'hui sur ce point entre le Conseil et le Parlement, mais les détails ne sont pas connus au moment où ces lignes sont écrites.
La France pourrait toucher en moyenne chaque année sur la période 2014-2020, 7,7 Mds€ pour le premier pilier et 1,4 Md€ sur le second pilier, contre 8 Mds€ et 1,3 Md€ en 2013. "Si des transferts de paiements du deuxième vers le premier pilier sont autorisés, cela va déséquilibrer le deuxième pilier, qui est déjà moins bien doté. Or, l'avenir de la politique agricole et rurale se trouve au travers du deuxième pilier, qui pousse également les agriculteurs à agir collectivement, alors que les paiements directs sont moins légitimes, ce sont des aides individualisées", explique Samuel Féret.
La future PAC vise une meilleure redistribution des aides entre Etats membres et entre exploitations mais aussi un verdissement de ces aides. Elle devrait entrer en vigueur en 2014 mais certains points, dont le verdissement des aides directes, seront appliqués plus tard : en 2015.
De nombreux acteurs regrettent que plusieurs mesures soient optionnelles, entraînant une renationalisation de la politique agricole. Mais pour le commissaire à l'Agriculture, Dacian Ciolos, l'Europe à 27 (et bientôt 28) ne peut plus fonctionner comme l'Europe à 6. "La diversité des instruments permet à chaque Etat de mieux cibler les aides, en fonction des particularités de son territoire. Les objectifs et les priorités de cette PAC restent communes".
Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll s'est dit satisfait de cet accord, estimant que "ce n'est pas la logique libérale qui a gagné". Selon lui, cette réforme permet "une meilleure redistribution des aides, notamment vers l'élevage, un verdissement, une meilleure régulation et un soutien à l'installation des jeunes".
Verdissement : juste le minimum ?
Jusqu'ici, les aides du premier pilier (paiements directs) étaient conditionnées au respect des exigences réglementaires et des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE). A partir de 2015, 30% des aides directes seront conditionnées à la mise en place de mesures d'écologisation dans les exploitations. Pour en bénéficier, trois conditions doivent être réunies. La première concerne une obligation de diversification des cultures. "Mais les exploitations pourront encore pratiquer la monoculture sur 75% des terres arables", regrette Samuel Féret, du collectif Pour une autre PAC. Deuxième condition : les exploitations doivent maintenir les prairies permanentes. Enfin, 5% des terres arables devront être maintenues en surfaces d'intérêt écologique (SIE) (jachères faunistique et mellifère, murs, haies, bandes enherbées…). Cet objectif pourrait être porté à 7% à compter de 2019, comme la Commission le proposait initialement.
Ce verdissement est cependant flexible : les Etats membres ont la possibilité, en lieu et place de ces trois conditions, de mettre en place un système d'équivalence de verdissement, qui reconnaît certaines pratiques agricoles (agriculture bio, régimes agro-environnementaux…). La France pourrait, par exemple, faire le choix d'appliquer cette équivalence aux exploitations certifiées Haute valeur environnementale (HVE). Mais pour Samuel Féret, "cette équivalence dénature le verdissement, elle est difficilement évaluable. Notre collectif demande donc au ministre de ne pas l'utiliser et de s'en tenir aux trois conditions".
Enfin, l'ensemble des aides directes resteront conditionnées au respect de règles environnementales et autres (normes en vigueur, BCAE, santé humaine, bien-être animal…).
Le volet développement rural, autrement dit le deuxième pilier, est également verdi. "30% des aides devront être orientées vers des mesures environnementales, des investissements verts etc. contre 25% pour la PAC actuellement en vigueur", explique le commissaire Ciolos.
Pour ce volet, co-financé par les Etats membres et l'Europe, les Etats définissent des programmes pluriannuels régionaux ou nationaux sur la base des mesures définies au niveau européen. Six priorités ont été fixées avec des objectifs précis pour chacune d'entre elles et déclinées en sous-priorités. Celles-ci concernent l'innovation, la compétitivité, la gestion des risques au sein de la chaîne alimentaire, la restauration, la protection et le renforcement des écosystèmes, l'utilisation efficace des ressources et un volet social.
"C'est un vaste catalogue de mesures facultatives", estime Samuel Féret. Le ministère de l'Agriculture indique vouloir développer "en particulier les mesures permettant d'engager globalement des systèmes de production dans le maintien ou le développement de pratiques combinant performance économique et environnementale. (…) Le soutien à l'herbe et la compensation des handicaps, tout particulièrement dans les zones de montagne, seront renforcés".
Redistribution et couplage des aides
L'une des grosses critiques faites à la PAC est qu'environ 20% des producteurs bénéficient de 80% des aides. Cette réforme a donc visé une meilleure redistribution des aides en sortant des calculs d'attribution basés sur des références historiques et en prévoyant une convergence des aides entre Etats membres et au sein des Etats membres. L'objectif est de limiter à 60% la différence entre les paiements les plus bas et la moyenne nationale, d'ici 2019. A l'origine, la commission proposait une convergence totale d'ici 2020.
Cette convergence sera toutefois relative puisque les Etats membres auront la possibilité de limiter les pertes d'aides pour les plus gros bénéficiaires à 30%. De même, la possibilité d'un plafonnement des aides à 300.000 € a seulement été retenue comme une option. "Ce point ne concerne pourtant que 35.000 exploitations agricoles en Europe sur 13 millions", réagit l'eurodéputé José Bové. En revanche, les aides seront dégressives à partir de 150.000€.
Enfin, certaines mesures ont été décidées pour soutenir les acteurs et/ou secteurs les plus fragiles. Les jeunes agriculteurs et les petites exploitations pourront bénéficier de surprimes. Le couplage des aides, fixé à 13% des aides directes auxquels sont ajoutés 2% pour les protéagineux, devrait permettre aux Etats d'octroyer des paiements à des produits spécifiques. "Ce couplage a pour but d'éviter que les choix agricoles de la France soient dictés par les prix, comme c'est le cas pour les céréales dont les prix sont très volatils, a expliqué Stéphane Le Foll. Il permettra notamment de compenser la plus faible productivité de l'élevage". Pour Samuel Féret, "le couplage des aides est une avancée pour autant que cet instrument soit correctement ciblé vers l'élevage et l'autonomie fourragère".