Interrogé récemment par Actu-environnement, le président sortant de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) André-Claude Lacoste déclarait : "Un champ d'action nous soucie, celui de la sécurité sur le plan technique, de la résistance aux actes terroristes notamment. Nous nous sommes proposés pour le contrôle des sources et le transport ; à terme nous devrions en être chargé". La sécurité est justement un champ au cœur des préoccupations du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) et des 38 Comités et Commissions locales d'informations instituée autour des INB (Installations nucléaires de base), dont 36 adhèrent à l'ANCCLI (Association nationale des comités et commissions locales d'information). Des instances qui "se communiquent tous renseignements utiles à l'exercice de leurs missions et concourent à des actions communes d'information", stipule l'article V de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (TSN).
Réunis ce lundi 29 octobre dans une salle prêtée par l'ASN, les membres du Conseil d'administration de l'ANCCLI ont invité la presse pour alerter sur le manque de considération dont ils se sentent victimes en France. "Au niveau européen, nous sommes reconnus pour notre gouvernance participative, pour toutes les démarches et tous les travaux que nous menons avec la Commission européenne en lien avec le HCTISN. Mais en France, serions-nous trop entrés dans le paysage pour qu'on ne nous y voie plus ?" s'est interrogé le président de l'ANCCLI Jean-Claude Delalonde, sous le regard témoin du président du HCTISN, le sénateur Henri Revol. Les actions menées depuis 2009 avec diverses organisations non gouvernementales européennes dans le suivi des activités nucléaires, ponctuées par l'expérience des Stress tests européens sur la sûreté nucléaire, amènent l'ANCCLI à participer à une consultation "dans le but de favoriser la création d'une organisation européenne de la société civile pour développer la transparence des activités nucléaires (sûreté, environnement, santé, économie...)". Celle-ci a abouti cet été à une première proposition : la création d'une ONG européenne baptisée Nuclear Transparency Watch.
Les CLI, absents du débat sur la politique énergétique ?
Le financement des CLI repoussé aux calendes grecques
Alors que se discute la nouvelle loi de Finances, l'ANCCLI monte une énième fois au créneau pour demander l'exécution de l'article VI de la loi TSN, qui stipule : "Si la commission [locale d'information] est dotée de la personnalité juridique [d'association], outre les subventions qui peuvent lui être attribuées par l'Etat, ces collectivités et ces groupements, elle peut recevoir une partie du produit de la taxe instituée par l'article 43 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999) dans les conditions définies en loi de finances." Une part des 600 M€/an de la taxe sur les INB que payent les exploitants nucléaires à l'Etat est sensée leur revenir directement. Mais dans les faits, le seul financement des CLI et de l'ANCCLI émanant de l'Etat transite par l'ASN avec, à force d'insistance, un budget passé de 600 000 € à 1 M€ l'an dernier. "On voudrait qu'il n'y ait pas de contrôle mais il y en a, confie Jean-Claude Delalonde. Nous sommes impatients d'entendre le législateur dire que ces crédits alloués l'an dernier sont pérennisés, et sommes demandeurs que la loi s'applique."
Actuellement, en considérant les charges supplétives (locaux, matériel de bureau...), les CLI fonctionnement avec un budget provenant à 70 % d'un Conseil général et à 30% de l'ASN, selon une gamme budgétaire très inégalitaire : de 2.000 €/an pour la CLI de l'irradiateur d'aliments Ionisos à 190.000 €/an pour celle du site de Cadarache. Et seules dix d'entre elles ont réussi à passer le cap d'entité interne à un conseil général à celle d'entité indépendante à statut associatif : les CLI de Areva-La Hague, Belleville, Cadarache, Golfech, Iter, Marcoule-Gard, Saint Laurent des eaux, Seivea (autour du site militaire de Valduc), Soulaines, Chooz, auxquelles s'ajoute le CLIs de Bure institué en association par la loi de 2006 sur les déchets. Toutes les autres CLI restent soumises à la lourdeur des procédures d'appels d'offres publiques et aux restrictions budgétaires des départements. "Nous sommes dans un système de blocage", estime Jean-Claude Delalonde.
A l'heure où nous bouclons cet article, la ministre de l'environnement Delphine Batho s'excuse de n'avoir pas convié l'ANCCLI à la conférence environnementale, et l'assure de sa participation à l'élaboration de la feuille de route sur la politique énergétique nationale. Reste à régler la question du financement. Ce lundi, le président de l'ANCCLI évoquait l'éventualité d'un ultimatum : qu'aucun membre de CLI ne participe à la 24ème conférence des CLI co-organisée avec l'ASN le 12 décembre 2012. "Depuis la création de l'ANCCLI, toutes les décisions ont été prises à l'unanimité, prévient le président. Malgré la diversité des points de vue pour ou contre le nucléaire, on est unanime pour dire qu'on veut tout faire pour la sécurité. Est-ce cela qui gêne ?". Pour ces instances sans pouvoir de décision, une position prise à l'unanimité peut avoir du poids. A titre d'exemple, quand en début d'année AREVA NC a annoncé sa décision d'externaliser la production d'électricité du site de retraitement de La Hague, la CLI Areva-La Hague a pris position et voté contre à l'unanimité. Cela servit d'appui aux syndicats pour faire revenir la direction sur sa décision.