Les données sur les masques "antipollution" sont insuffisantes pour attester d'un bénéfice sanitaire et recommander leur utilisation. Telles sont les conclusions d'une étude de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) (1) commandée par les ministères de la Santé et du Travail en 2015. Celle-ci porte sur l'efficacité de certaines techniques pour limiter l'exposition de la population à la pollution de l'air. La demande se centrait sur deux ensembles : la population générale, et en particulier les personnes les plus sensibles à la pollution de l'air d'une part, et certaines populations spécifiquement exposées comme les travailleurs intervenant sur la voie publique ou les personnes expatriées dans des zones du monde très polluées.
Un bénéfice sanitaire non prouvé
Les études existant sur le sujet comportent de nombreuses limites : elles concernent de faibles effectifs et ont été réalisées sur des périodes courtes notamment. L'Anses conclut donc à "l'insuffisance de données disponibles, notamment en conditions réelles d'utilisation, pour attester d'un bénéfice sanitaire lié au port de masque «antipollution» par le grand public". Elle pointe aussi que l'efficacité d'un masque dépend de sa conception, des performances du filtre dont il est équipé, et d'autres paramètres tels que son adaptation à la morphologie de l'utilisateur. Ainsi, "l'efficacité d'un masque testé en laboratoire (…) ne reflète pas l'efficacité en conditions réelles d'utilisation par la population en général", analysent les auteurs. En outre, la plupart des masques recensés sur le marché français sont conçus pour protéger des particules présentes dans l'air ambiant et ne protègent pas contre les substances à l'état gazeux. L'Anses recommande donc d'améliorer la transparence sur les revendications d'efficacité des produits mis sur le marché : "un masque ne filtrant que les particules ne peut revendiquer une protection contre la pollution de l'air ambiant".
Autre problème identifié : le port de ces masques peut donner "un faux sentiment de protection à son utilisateur et entrainer des comportements conduisant éventuellement à une surexposition aux polluants dans l'air". Il peut aussi occasionner une gêne pour l'utilisateur.
Au vu de ce constat, l'agence ne recommande pas aux pouvoirs publics d'encourager le port de ces dispositifs.
Une utilisation très limitée en France
Le marché français de la protection respiratoire contre la pollution de l'air ambiant est un marché de niche. Les articles les plus représentés sont les demi-masques – qui recouvrent la bouche, le menton et le nez -, en particulier ceux à usage multiple, et les filtres intra-nasaux (2) . Il est à noter qu'en France, ces produits présentent "un succès très mesuré en comparaison à d'autres pays", et notamment aux métropoles asiatiques. Relativement peu de fabricants français sont pour l'heure positionnés sur le marché. En Europe, l'action publique est en effet plus favorable à la limitation de la pollution qu'à la protection individuelle. Dans les milieux professionnels exposés, la culture de la sensibilisation prime aussi sur celle de la protection.
Si le marché connaît récemment une légère croissance auprès des cyclistes, une enquête menée par le cabinet de conseil Nomadéis et la Fédération française des usagers de la bicyclette (Fub) rapporte que "nombre [de cyclistes] estiment que l'amélioration de la qualité de l'air ambiant est de la responsabilité des acteurs publics et privés, et refusent ainsi de se « résigner » à s'en protéger, ce qui pourrait donner l'impression qu'ils acceptent les hauts niveaux de pollution".
Réduire les polluants à la source
Plutôt qu'encourager la protection individuelle, l'Anses rappelle l'importance d'agir à la source de la pollution en limitant les émissions polluantes. Elle rappelle aussi que l'Etat ne doit pas cibler uniquement les pics de pollution, dont l'impact sanitaire est très inférieur à celui de l'exposition à la pollution régulière. Le gouvernement doit d'ailleurs formuler de nouvelles mesures en la matière vendredi 20 juillet. L'agence préconise également d'améliorer l'information de la population et des personnes sensibles sur les bons comportements à adopter face à l'exposition.
Concernant les travailleurs particulièrement exposés à la pollution de l'air ambiant, l'agence appelle à "développer des outils de sensibilisation et de prévention à destination des employeurs et d'initier une réflexion sur la faisabilité et la pertinence d'élaborer des valeurs limites d'exposition professionnelle spécifiques à la pollution de l'air ambiant".