Par deux décisions en date du 17 octobre, la Cour de cassation confirme l'incompétence du juge judiciaire dans les litiges portant sur l'implantation des antennes relais. Mais affirme en revanche sa compétence pour connaître des litiges portant sur l'indemnisation des dommages causés par une antenne-relais qui n'a pas le caractère d'ouvrage public.
Police spéciale des communications électroniques
"Il résulte des articles L. 42-1 et L. 43 du code des postes et communications électroniques ainsi que des articles L. 2124-26 et L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques que le législateur a organisé une police spéciale des communications électroniques confiée à l'Etat", juge la Cour.
Afin d'assurer sur l'ensemble du territoire national, et conformément au droit de l'UE, "un niveau élevé et uniforme de protection de la santé publique contre les effets des ondes électromagnétiques émises par les réseaux de communications électroniques" ainsi qu'"un fonctionnement optimal de ces réseaux", le législateur a confié aux seules autorités publiques qu'il a désignées "le soin de déterminer et contrôler les conditions d'utilisation des fréquences ou bandes de fréquences et les modalités d'implantation des stations radioélectriques sur l'ensemble du territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des ondes qu'elles émettent et contre les brouillages préjudiciables", ajoute la Cour.
La Haute juridiction judiciaire rejoint par là la position du Conseil d'Etat formulée dans sa décision déniant aux maires toute compétence pour réglementer les antennes relais et la décision du Tribunal des conflits sur les compétences respectives du juge administratif et du juge judiciaire dans ce domaine.
Le juge judiciaire incompétent en matière d'implantation d'antenne….
Par suite, la Cour de cassation considère que l'action portée devant le juge judiciaire en vue d'obtenir l'interruption d'émission, l'interdiction d'implantation, l'enlèvement ou le déplacement d'une antenne relais régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le domaine public, pour des raisons sanitaires ou du fait qu'elle provoquerait des brouillages, implique "une immixtion dans l'exercice de la police spéciale dévolue aux autorités publiques compétentes en la matière".
De ce fait, en raison du principe de la séparation des pouvoirs, le juge judiciaire n'est pas compétent pour juger une telle demande, même si les titulaires d'autorisations sont des personnes morales de droit privé et ne sont pas chargés d'une mission de service public.
Ainsi, dans la première affaire jugée, la Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d'appel de Rennes qui avait jugé la juridiction judiciaire compétente pour juger le litige. En effet, ce dernier portait sur l'implantation d'une antenne relais par la société Orange dans le Finistère : le demandeur avait arguer de sa crainte d'exposer l'implant médical qu'il portait à des champs électromagnétiques de nature à en perturber le fonctionnement.
… mais compétent en matière d'indemnisation des dommages
En revanche, tranche la Cour, le juge judiciaire reste compétent, "sous réserve d'une éventuelle question préjudicielle, pour connaître des litiges opposant un opérateur de communications électroniques à des usagers ou à des tiers aux fins d'indemnisation des dommages causés par l'implantation ou le fonctionnement d'une station radioélectrique qui n'a pas le caractère d'un ouvrage public".
Ainsi, dans la deuxième affaire, la Cour confirme la compétence du juge judiciaire. En effet, la plaignante, une habitante de Strasbourg, ne demandait ni l'interruption d'émission, ni le déplacement ou le démantèlement de l'antenne-relais mais sa protection personnelle et la réparation de son préjudice. Elle avait fait assigner SFR et Orange, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, afin d'obtenir réparation de son trouble de jouissance et de son préjudice physique et moral, et de les faire procéder au blindage de son appartement. Elle alléguait des troubles d'électro-sensibilité qu'elle attribuait à l'installation d'antennes relais de téléphonie mobile dans son quartier.