Tous lobbyists ?
Quelle définition donner au terme ''lobbyiste'' ? La question divise. Fondée en 1991, la principale association de lobbyistes en France, l'Association Française des Conseils en Lobbying et affaires publiques (AFCL) livre une définition officielle sur son site internet. L'article 1 du code de déontologie des lobbyistes français stipule sobrement que le conseil en lobbying ou lobbyiste conseille des entreprises, associations ou collectivités territoriales dans la défense de leurs droits et intérêts auprès d'organismes susceptibles de prendre des décisions les affectant, au moyen de la diffusion d'une information rigoureuse, reflet de l'état des connaissances disponibles. Pour le député Jean-Pierre Roux, venu soutenir le lancement de ''l'appel des 18'', il y a plusieurs types de lobbying. Membre de l'association Anticor, une structure transpartisane rassemblant des élus de droite et de gauche, il relativise : Demain si je coopte la candidature d'un jeune étudiant auprès d'un collègue susceptible de pouvoir l'embaucher, c'est aussi du lobbying !. Toutefois les enjeux ne sont pas toujours les mêmes…
Yvelyne Nicolas, pour sa part, souligne à quel point le sujet est d'actualité : Alors que la loi du Grenelle 1 est en discussion, nous voyons bien l'influence néfaste de ceux qui, en matière d'énergie ou d'agriculture par exemple, détricottent aujourd'hui le formidable travail collectif réalisé l'an passé. Pour elle, comme pour tous ceux qui lancent cet appel citoyen, la définition du lobbying est donc simple : Il y a ceux qui agissent en fonction de l'intérêt général, aux faibles moyens financiers, et il y a les autres qui protègent eux des intérêts particuliers grâce à de gros investissements…
Des méthodes douteuses
Catherine Lemorton, député de Haute-Garonne, pharmacienne de formation, chargée de rédiger début 2008 un rapport d'information sur la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments, est venue témoigner devant ''le collectif des 18'' des pressions nombreuses dont elle fut victime récemment : Ces acteurs d'influence, payés par les groupes pharmaceutiques, ont harcellé mon secrétariat pour m'inviter à des réunions, au restaurant... A l'époque, ces VRP très spéciaux, aux méthodes bien rôdées voulaient infléchir le budget 2009 de la Sécurité sociale et ainsi influencer les parlementaires et faire passer des amendements pro domo. Des manoeuvres dénoncées également dans un livre (Députés sous influences, Le vrai pouvoir des lobbies à l'Assemblée nationale de V.Nouzille et H.Constanty, Fayard), brandi pendant la conférence de presse par un membre d'Anticor qui témoigne à son tour : Aujourd'hui les approches se diversifient. Tous les moyens sont bons : le clubbing, le colloquing, la bonne table, la tribune lors d'un colloque de scientifiques qu'ils sponsorisent ou les pressions psychologiques…
Des propositions concrètes pour améliorer la transparence
Pour soigner ce que Jacques Testard, biologiste, qualifie de cancer généralisé de notre démocratie, pour limiter la corruption d'élus (voyages, cadeaux…) et éviter que certains parlementaires se fassent involontairement abuser, le ''collectif des 18'' suggère plusieurs pistes comme la mise en place de la Haute Autorité de l'Expertise et de l'Alerte que suggérait Corinne Lepage dernièrement dans un rapport malheureusement enterré par la droite ; mais aussi des badges électroniques obligatoires pour les lobbyistes ayant accès au Parlement et dont le budget annuel est supérieur à 5.000 euros/an ; ou encore un code de bonne conduite pour les élus et l'interdiction faite aux groupes de pression d'employer un membre du personnel de l'Assemblée ou l'un de leur proche… Au final, pour le collectif, une loi votée à la lumière est désormais indispensable.
Aux Etats-Unis, où 35.000 lobbyistes sont recensés, les tractations se font moins dans l'ombre des palais et une législation, dépoussiérée ces dernières années, existe depuis 1946. En France les diverses initiatives prises depuis 2006 par plusieurs députés UMP ( P.Baudouin, A.Grosskost, J.P. Charié et M.Le Fur), pour initier un débat au sein de commissions parlementaires, peinent encore à se concrétiser. Cet appel citoyen, auquel peuvent encore se joindre les associations et syndicats qui le souhaitent, stimulera-t-il le travail parlementaire ?