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L'approche technologique du Sedif pour la qualité de l'eau potable divise

Le Syndicat des eaux d'Île-de-France compte équiper quatre usines d'eau potable du procédé d'osmose inverse basse pression en commençant par celle d'Arvigny. Les oppositions au projet sont toutefois fortes. Le préfet doit arbitrer d'ici la fin de l'année.

Eau  |    |  D. Laperche
L'approche technologique du Sedif pour la qualité de l'eau potable divise
Actu-Environnement le Mensuel N°419
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°419
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Une chose est sûre : le projet d'installer un procédé d'osmose inverse basse pression (OIBP) dans l'usine de production d'eau potable d'Arvigny (Seine-et-Marne) porté par le Syndicat des eaux d'Île-de-France (Sedif) ne fait pas consensus. Le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst), dernière commission à se prononcer avant l'arbitrage final du préfet, lui a opposé un accueil réservé mi-octobre. « Le projet a recueilli 10 voix contre et 11 abstentions, souligne Marie-Paule Duflot, membre du Coderst 77, administratrice et chargé de mission risques industriels à l'association France Nature Environnement Ile-de-France. En vingt ans de participation au Coderst, je n'avais jamais vu l'administration s'abstenir. »

Pour le Sedif, ce procédé améliorerait encore la qualité de l'eau potable distribuée à ses usagers. « Notre objectif est, pour la santé du consommateur, d'ôter les micropolluants de l'eau prélevée – dans la mesure du possible –, de retenir la matière organique afin de distribuer une eau moins chlorée mais aussi limiter le calcaire », explique Véronique Heim, directrice des études et de la prospective du Sedif. Le syndicat compte, grâce à cette eau adoucie, réduire l'usure des appareils électroménagers et éviter des traitements individuels contre le calcaire. Il estime que le gain par an et par foyer pourrait ainsi s'élever à une double économie de 11 kilowatts d'énergie et de 100 euros, notamment en raison des traitements ou des adoucisseurs évités.

« La directive européenne Eau potable, adoptée en décembre 2020, nous demande d'être vigilants sur un certain nombre de paramètres, rappelle Véronique Heim. La liste des métabolites de pesticides réglementés pourrait s'allonger à moyen terme, et la limite de qualité pourrait être dépassée dans l'eau distribuée. Notre projet va sécuriser à long terme la qualité de l'eau produite au robinet. »

Cet objectif « d'une eau pure, sans calcaire et sans chlore » a également compté dans le choix du plus grand syndicat d'eau potable de France de rester en délégation de service public après 2023.

Une consommation d'électricité en hausse

Pour les opposants à cette technologie, le coût environnemental et financier du procédé limite toutefois son intérêt. « La consommation d'électricité [de l'usine d'Arvigny], aujourd'hui de 1,7 million de kilowattheures par an, va passer à 4,7 millions annuels », regrette ainsi Marie-Paule Duflot.

Autre argument contre le projet : le procédé d'osmose inverse basse pression implique de prélever plus d'eau dans la nappe de Champigny (1) , déjà sous tension, pour un volume de production identique. À chaque passage à travers une membrane, les éléments indésirables sont en effet retenus avec une certaine quantité d'eau (le concentrât), le tout étant ensuite éliminé. « Environ 15 % d'eau supplémentaire seront extraits de la nappe de Champigny, chiffre Michel Bisson, président de la communauté d'agglomération Grand-Paris-Sud. Puiser davantage de ressource dans cette nappe potentiellement en alerte est un contresens écologique. »

“ Environ 15 % d'eau supplémentaire seront extraits de la nappe de Champigny ” Michel Bisson, président de la communauté d'agglomération Grand-Paris-Sud

Par ailleurs, en sortie de filtration membranaire, l'eau est insuffisamment riche en minéraux, une fraction de l'eau produite classiquement nécessite d'être conservée pour être mélangée à l'eau osmosée et garantir les apports nécessaires en ions.

Autre point de tension : la filtration membranaire implique la gestion du concentrât contenant les substances dissoutes retenues par les membranes, mais aussi celle des eaux de lavage des membranes. L'option choisie par le Sedif est de rejeter l'ensemble dans la Seine par l'intermédiaire d'une canalisation qui traversera les communes de Savigny-le-Temple, Nandy et Seine-Port. Selon le dossier d'autorisation environnementale, le flux représentera moins de 0,02 % du débit moyen de la Seine. « Ce concentrât aurait eu vocation à rejoindre le réseau d'assainissement et à être traité dans une station d'épuration, mais du fait de la saturation des réseaux, un refus d'absorber ces flux a été opposé, ce qui explique le choix du rejet direct en Seine, indique Michel Bisson, président de la communauté d'agglomération Grand-Paris-Sud. Le point de rejet se trouve immédiatement à l'amont du périmètre de protection rapprochée de l'usine de potabilisation de Morsang-sur-Seine. »

Hormis la neutralisation du pH de ces eaux rejetées, le Sedif ne prévoit pas de traitement spécial. Dans ce flux déversé dans la Seine, en plus de la pollution initialement retrouvée dans la nappe de Champigny, deux types de réactifs pourront être présents : des séquestrants (phosphonates), utilisés pour éviter le dépôt de carbonate, et des polycarboxylates, nécessaires au lavage chimique. « Dans un avis (2) , l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a émis des réserves quant au rejet sans traitement de ces produits dans le milieu naturel », oppose Grand-Paris-Sud.

Un avis favorable du commissaire enquêteur

« Nous avons évalué l'impact de ce rejet sur le milieu en répondant à la doctrine des services de la police de l'eau, souligne Véronique Heim. Le dossier a été soumis à l'Autorité environnementale, qui a donné un avis favorable. Nous retirons de la nappe polluée par des pratiques agricoles ces polluants, mais nous travaillons aussi par ailleurs à réduire et à prévenir ces pollutions agricoles. »

Dans son rapport, le commissaire enquêteur estime notamment que la canalisation de rejet des effluents en Seine ne crée pas une zone dangereuse aux abords immédiats, mais également qu'il n'existe pas d'incompatibilité avec l'usine de production d'eau potable de Morsang-sur-Seine, en aval du rejet. Il recommande toutefois que les mesures de la qualité de l'eau effectuées à cet endroit soient facilement accessibles au public.

Le projet ne pourra toutefois pas compter sur un soutien financier de l'agence de l'eau Seine-Normandie. Sa commission des aides estime, en effet, que « le projet d'osmose inverse basse pression d'Arvigny relatif à la pureté de l'eau potable présente des effets sur l'environnement (rejets au milieu, bilan énergétique défavorable) qui ne semblent pas suffisamment contrebalancés par les intérêts visés par le programme de l'agence (sécurisation de l'approvisionnement, impact positif pour la ressource en eau, impact positif sur la santé) ».

Un appel à une réflexion à l'échelle régionale

D'autres acteurs, comme la communauté d'agglomération Grand-Paris-Sud, souhaiteraient que le projet évolue vers un modèle plus « coopérant ». « Cela amène à une réflexion sur un nouveau modèle de la gestion de l'eau en Île-de-France. Si le Sedif part seul sur un dispositif technologique onéreux, nous envoyons un signal inverse à ce qu'il faudrait faire en terme écologique et social, considère Michel Bisson, président de la communauté d'agglomération Grand-Paris-Sud. Nous privilégions les démarches qui assurent que l'eau de la Seine soit la plus pure possible à travers des politiques publiques que nous pouvons mener entre agglomérations, notamment en direction de l'agriculture. C'est d'abord sur ces sujets qu'il nous faut positionner nos investissements. »

Grand-Paris-Sud s'interroge également, avec l'arrivée de ce procédé, sur les possibilités d'interconnexion des réseaux. « Dans le cas où le Sedif déploierait ce dispositif d'osmose inverse sur l'ensemble de ces usines de production d'eau potable, en mélangeant leurs eaux avec d'autres de qualités potentiellement différentes, l'osmose inverse aurait alors été inutile, pointe Michel Bisson. Nous souhaitons que les syndicats aient la maîtrise publique de leurs outils de production de manière à pouvoir orienter comme ils le souhaitent les investissements nécessaires. »

Des recours à prévoir en 2022

L'arbitrage du préfet devrait être rendu d'ici à la fin de l'année. « Si nous obtenons l'aval du préfet à la fin de l'année, nous pourrons tenir le délai d'une mise en service en 2024 pour notre usine pilote d'Arvigny, indique Raymond Loiseleur, directeur général des services du Sedif. Sur ce dossier, notre détermination est totale. Notre plan de déploiement de l'OIBP prévoit de commencer par Arvigny et de finir, en 2030, par trois autres usines, Neuilly-sur-Marne, Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) et Méry-sur-Oise (déjà équipée de membranes de nanofiltration, les travaux y seront moins importants). »

2022 devrait donc s'ouvrir avec le recours d'une des deux parties.

1. Consulter l'état des lieux Champigny 2060
https://prezi.com/view/SGPQFHBMv2HX6KEMY1Il/
2. Consulter l'avis de l'Afssa
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-38481-Avis-AFSSA-polycarboxylates-osmose-inverse.pdf

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