Le changement climatique accroitra les inégalités. Les effets du réchauffement, tout comme les politiques d'adaptation et de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), auront un impact accru sur les populations les plus défavorisées. En réaction à un tel phénomène, le Conseil économique social et environnemental (CESE) a présenté aujourd'hui son projet d'avis "La justice climatique : enjeux et perspectives pour la France". Le texte a été voté dans l'après-midi du 27 septembre en assemblée plénière.
Intégrer la justice climatique à l'agenda politique
A quarante jours de la COP22 à Marrakech, les auteurs du document, rapporté par le climatologue Jean Jouzel et Agnès Michelot, présidente de la Société Française pour le Droit de l'Environnement (SFDE), espèrent ainsi faire intégrer les principes de justice climatique à l'agenda politique national et international. "Nous avons un rôle à jouer pour renforcer la mise à l'agenda de ce principe dans les politiques publiques" affirme Anne-Marie Ducroux, présidente de la section environnement du CESE.
Le constat d'une injustice croissante occasionnée par le changement climatique est d'ores et déjà présent dans le préambule de l'Accord de Paris sur le climat. Le projet d'avis rappelle qu'au niveau du territoire national, une hausse de 0,5°C des températures aura un impact plus grand sur les personnes fragiles telles que les personnes âgées ou malades. Les conséquences peuvent être plus néfastes encore lorsque les difficultés physiques sont couplées à une situation économique défavorable. "L'observation des revenus des personnes décédées lors de la canicule de 2003, précise le rapporteur Jean Jouzel, montre clairement que les catégories les plus pauvres sont celles qui ont le plus souffert de l'épisode de chaleur." De même, la réorientation des secteurs d'activité dans le cadre de la transition énergétique n'aura pas le même impact selon le niveau de qualification, l'âge et la mobilité de chacun. Enfin, des inégalités de genre peuvent être approfondie par le changement climatique, en particulier dans les pays en voie de développement. Ainsi, les femmes, du fait d'un accès à l'éducation, au travail et à la protection des droits socio-économiques plus difficile, subissent plus directement et durablement les conséquences du réchauffement. Le rapport ajoute : "Cette remarque générale concerne également la France et ses Outre-mer."
Un principe qui traverse tous les domaines politiques
Cependant, les initiatives politiques manquent encore pour réduire les inégalités dans l'atténuation et l'adaptation au réchauffement climatique. D'où les très nombreuses recommandations émises par le CESE. Agnès Michelot explique cette diversité de propositions : "Nos préconisations concernent tous les domaines des politiques publiques car les principes de prévention, de précaution, d'information des populations, de droit de l'environnement ou des générations futures peuvent trouver une application dans les politiques urbaines, l'organisation du monde du travail ou l'élaboration du futur Plan National d'Adaptation au Changement Climatique (PNACC)."
Le CESE suggère donc une meilleure prise en compte des disparités dans les choix d'investissement et dans la construction d'une taxe carbone "qui va monter en puissance jusqu'à 2020", comme l'a affirmé le climatologue Jean Jouzel. Ce dernier soutient pleinement l'utilisation d'un taux d'actualisation (calculé pour déterminer la valeur actuelle de flux futurs) qui prenne mieux en compte l'impact des projets économiques sur les générations futures. En matière d'assurance, le Conseil souhaite "qu'une réflexion soit conduite sur l'augmentation des franchises à laquelle conduit l'absence de Plan de Prévention des Risques (PPR)". Est aussi considéré comme urgent une refondation de la couverture des risques climatiques, en particulier du régime de catastrophe naturel, pour garantir aux plus pauvres l'accès à l'assurance.
La justice climatique à l'échelle nationale et internationale
Les auteurs du projet d'avis espèrent qu'à travers ces recommandations la justice climatique soit mise en œuvre dans la seconde phase du PNACC, qui " doit prévoir des instruments d'évaluation des politiques et des mesures pour lutter contre le changement climatique au regard de leurs bénéfices pour les 20% les plus pauvres afin de s'assurer que ces mesures ne creusent pas les inégalités".
A l'échelle internationale, le CESE soutient le projet de "désignation d'un.e représentant.e spécial.e pour la sécurité climatique rattaché.e au ministère de la Défense en lien avec le ministère de l'Environnement, le ministère des Affaires sociales et le ministères des Affaires étrangères." L'avis incite notamment la France à mettre le sujet du statut des réfugiés climatiques à l'ordre du jour de la COP22. Enfin, l'assemblée consultative demande à ce que les objectifs de la justice climatique soient intégrés au sein du modèle d'accord d'investissement étranger.
La présidente de la section de l'environnement du CESE se veut confiante quant à l'influence qu'auront ces propositions auprès des décideurs : "C'est l'institutionnalisation progressive de ce type de concept qui appelle les pays à appliquer un principe tel que celui de justice climatique." Validé en assemblée plénière à 151 voix pour le projet d'avis sur 181 votes, l'avis sera bientôt présenté au gouvernement et aux instances parlementaires.