C'est un décret d'application de la loi sur la biodiversité particulièrement sensible que le ministère de l'Environnement soumet à la consultation du public jusqu'au 30 novembre prochain. Il s'agit du projet de texte relatif à l'agrément des sites naturels de compensation.
L'acquisition d'unités de compensation dans ces sites constitue l'une des trois voies offertes aux aménageurs par la loi sur la biodiversité pour mettre en œuvre leur obligation de compensation écologique. Cette obligation doit être mise en oeuvre lorsqu'ils ne sont parvenus ni à éviter, ni à réduire les impacts de leur projet sur l'environnement (application de la séquence ERC).
Une possibilité dénoncée par certains, comme l'ancienne ministre de l'Environnement Delphine Batho, qui pointent les risques de financiarisation de la biodiversité. D'autres, comme Geneviève Gaillard, rapporteure de la loi à l'Assemblée nationale, estiment le principe acceptable à condition qu'il soit bien encadré par les pouvoirs publics. C'est tout l'enjeu de ce décret qui prévoit les modalités d'agrément des sites par l'Etat.
Que prévoit ce texte ? Il fixe quatre conditions pour que les sites puissent prétendre à l'agrément. La maîtrise foncière doit être assurée pour la durée d'agrément demandée, soit par acquisition, soit par "signature de contrats à long terme", soit par "la mise en place de tout autre dispositif adapté", par un opérateur de compensation disposant de la capacité technique et financière pour assurer la mise en œuvre des mesures de compensation. Le site doit ensuite permettre la mise en œuvre "par anticipation et mutualisation" des mesures de compensation d'atteintes à la biodiversité "préalablement identifiées". L'opérateur doit disposer d'une évaluation de la demande prévisionnelle des mesures de compensation sur l'aire de service proposée. Enfin, il doit disposer d'un programme prévisionnel détaillant les étapes de mise en œuvre de ces mesures.
Le texte prévoit aussi la procédure d'agrément elle-même. Le silence gardé par l'Administration pendant deux mois sur la demande d'agrément vaudra rejet. L'agrément est accordé, pour une durée minimale de 30 ans, par arrêté du ministre chargé de l'environnement après avis du Conseil national de la protection de la nature (CNPN). Il doit notamment préciser les atteintes à la biodiversité susceptibles d'être compensées, l'état écologique final visé sur le site, le statut foncier des terrains, les conditions préalables à la mise en vente des unités de compensation, la durée de la période de vente de ces unités, ainsi que l'évaluation du niveau de reconquête de la biodiversité obtenu.
Le décret précise également les possibilités de modification des conditions d'agrément ou d'abrogation. "Aucune modification ne peut porter sur des unités de compensation déjà vendues", précise le texte. Quant à l'abrogation, elle pourra être prononcée par le ministère de l'Environnement en cas de défaillance de l'opérateur dans la mise en œuvre des mesures de compensation ou si le site cesse de remplir l'une des conditions ayant permis l'agrément.
Comité de suivi local
Le texte prévoit par ailleurs un dispositif de suivi des sites. Ce dispositif passe par la création d'un comité de suivi local de chaque site sous la responsabilité du préfet de région. Ce comité devra veiller à la mise en œuvre des mesures de compensation et à leur évaluation, ainsi qu'au suivi des ventes des unités de compensation.
Les sites feront également l'objet d'un suivi par leurs opérateurs via la transmission d'un rapport annuel au ministre de l'Environnement, précisant notamment le suivi et l'évaluation de la mise en œuvre des mesures et de leur efficacité, ainsi qu'un suivi des unités de compensation vendues. Les opérateurs sont également tenus de transmettre chaque année à l'Administration les informations utiles pour la mise à jour du système d'information géographique (SIG) prévu par la loi pour géolocaliser les mesures de compensation sur le territoire national.
L'équivalence écologique est-elle garantie ?
"Ce décret mériterait d'être précisé sur deux points fondamentaux, estime Justine Roulot, chargée de mission au sein de l'association Humanité & Biodiversité : la garantie d'une équivalence écologique dans les faits ainsi qu'une réelle plus-value pour la biodiversité des opérations engagées".
L'Institut de développement durable et des relations internationales (Iddri), qui a publié une note sur la loi biodiversité en septembre, estime, quant à lui, que le "véritable point faible" du mécanisme de compensation réside dans les moyens dont dispose l'Administration pour contrôler la réalisation des mesures.
L'institut de recherche souligne aussi la nécessaire "vigilance de la société civile" pour "assurer le respect des engagements des maîtres d'ouvrage" mais aussi "prévenir toute tentation spéculatrice des opérateurs de compensation « par l'offre »".
La question est de savoir si les garanties prévues par ce décret permettront de répondre à ces craintes.