Plus aucun pays n'échappe à la réalité du changement climatique, même les Etats-Unis. C'est la leçon et l'alerte martelée par les ONG à la veille de cette COP 23 (23ème Conférence des parties sur les changements climatiques), qui se déroulera à Bonn (Allemagne), siège de l'UNFCCC, du 6 au 17 novembre, en présence de 196 pays.
Les Etats-Unis sous la menace
Aux Etats-Unis, la version finale du Climate Science Special Report (CSSR), rapport officiel publié tous les quatre ans, a été rendue publique avec l'accord de la Maison Blanche sans qu'aucune référence y soit faite sur son site officiel. Les scientifiques en avaient fait filtrer des extraits dans la presse en août, craignant un possible véto du cabinet de Donald Trump. Co-élaboré par les treize agences fédérales concernées par le climat, dont la Nasa et la NOAA, le document brosse un décor alarmant de la réalité du changement climatique dans le pays dirigé par des climatosceptiques.
Le CSSR pointe la vulnérabilité particulière des Etats-Unis face à la montée des océans, qui ont grimpé de 20 centimètres depuis 1900, et pourraient augmenter encore de 20 cm au rythme actuel d'ici à 2100. La tendance aux ouragans dans le Sud, incendies et sécheresses dans l'Ouest devrait persister durablement, annoncent les scientifiques. Ces événements extrêmes ont coûté 1.100 milliards de dollars depuis 1980 aux Etats-Unis.
Le mécanisme ''pertes et dommages'', dispositif crucial
A la veille de cette COP, les rapports se multiplient, comme pour conforter le principe de réalité qu'est devenu le changement du climat, une réalité longtemps considérée comme un bruit de fond et qui se manifeste désormais au premier plan de la géopolitique mondiale, comme en atteste un document d'Oxfam sur les déplacés du climat, qui souligne le coût humain et la profonde injustice du changement climatique.
Les personnes les moins responsables sont les premières victimes, alors même qu'elles ont les ressources les plus faibles pour faire face aux catastrophes. D'où l'importance du mécanisme sur les pertes et dommages, qui pour l'heure manque d'ambition, estime le Réseau action climat : ''Pour les deux premières années, il se limite à mieux définir le périmètre des pertes et dommages alors qu'il est plus que temps de mettre en place des mesures concrètes pour appuyer les populations qui en sont déjà victimes''.
Alors, qu'attendre de cette 23ème conférence climatique ? Pour David Levaï, directeur du programme climat de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) par interim, ''cette COP va plutôt susciter l'intérêt pour ce qui se déroule en zone verte, c'est-à-dire du côté des acteurs et de l'Agenda de l'action, qu'en zone bleue, c'est-à-dire les négociations''.
Foisonnement d'actions
Une trentaine d'ONG des 28 pays de l'UE ont lancé le 2 novembre la campagne ''Europe Beyond Coal'' qui vise à accélérer la sortie du charbon dans toute l'Union européenne. C'est le pendant européen de la campagne américaine Beyond Coal, lancée en 2010 par l'ONG Sierra Club, qui a récemment reçu une donation de 64 millions $ de la part de la fondation de Michael Bloomberg. Ce dernier sera à Bonn cette semaine pour présenter la ''promesse de l'Amérique'' (''Americas's Pledge").
''Le contrecoup de Trump et de ses tergiversations a été de fédérer et solidariser très largement les pays, les villes, les territoires, les entreprises derrière la poursuite de l'action climatique'', observe David Levaï, qui s'attend à un foisonnement d'initiatives, notamment de la part de la société civile américaine.
A la veille de cette COP, l'Etat fédéral de Berlin a adopté une loi afin d'éliminer les centrales à charbon de son territoire d'ici à 2030. Dotée d'une capacité de 50 gigawatts, l'Allemagne, pays hôte de la conférence, brûle encore beaucoup de charbon et pourrait ne pas parvenir à réaliser ses objectifs climatiques d'ici à 2020. Une grande marche pour la justice climatique et la fin du charbon s'est déroulée à Bonn le 4 novembre.
Une COP de l'ambition ?
''La question qu'on voudrait voir émerger de cette COP, c'est celle de l'ambition. L'enjeu est de changer la donne par une transformation structurelle de l'économie. Il ne s'agit pas d'un ajustement conjoncturel du secteur énergétique mais d'une transformation structurelle vers le bas carbone. Car la question climatique touche à la structure du modèle économique, d'où le lobbying des acteurs industriels sur les Etats. Les objectifs ont des limites et ne peuvent pas être l'alpha et l'oméga des Etats. Ils doivent être adossés à des mesures réelles, à des déclinaisons sectorielles, à un cheminement pour y arriver et un maintien vers un cap de long terme, au-delà des aléas électoraux, par des dispositifs et des législations pérennes,'' souligne David Levaï, résumant une note de l'Iddri.
L'ONG "Les guerriers du Pacifique" compte bien se faire entendre durant cette COP. Elle réclame l'élimination totale des centrales thermiques de la planète, leur remplacement par des énergies renouvelables, et la prohibition de l'industrie fossile à la participation au processus des Nations unies sur le climat ''de manière à ce qu'elle cesse de retarder, affaiblir et bloquer l'action sur le changement climatique''.