
En 2006, le parc éolien offshore mondial était de 900 MW exclusivement situés en Europe, soit 2 % du parc éolien total. Si aujourd'hui, le Royaume-Uni et le Danemark font la course en tête, de nombreux autres pays rivalisent de projets de parcs éoliennes offshore. En France, le Grenelle de l'environnement préconise une multiplication par 4 des éoliennes et par 10 de la puissance installée, soit une capacité de production électrique de 25.000 MW dont 6.000 MW d'offshore, pour parvenir à l'objectif de 20 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) d'énergies renouvelables supplémentaires en 2020. L'Allemagne envisage quant à elle de construire une trentaine de parcs éoliens en mer du Nord et en mer Baltique d'ici 2030 pour une puissance de 25 000 MW.
Pourtant, cette industrie a de nombreux défis à relever avant de pouvoir compléter les mix énergétiques européens. D'un point de vue technique, les installations offshore ont dans un premier temps été développées à partir des modèles terrestres, malgré la différence de contextes. Les éoliennes situées en mer sont pourtant soumises à des conditions météorologiques difficiles. Mais de larges progrès technologiques ont été réalisés ces derniers temps et les constructeurs développent aujourd'hui des machines adaptées aux conditions en mer. Les procédures administratives, les réseaux électriques sont également à adapter à ce type de production électrique. Les obstacles techniques qui restent à lever sont de taille…
Une nécessaire planification des zones de développement de l'éolien en mer
Le Royaume-Uni et l'Allemagne ont établi des zones de développement de l'offshore, ce qui n'est pas encore le cas en France. Pourtant les exemples anglais et allemand montrent qu'il faut une planification territoriale, estime Philippe Gouverneur, directeur du groupe Enertag qui réalisera le premier parc éolien offshore français à Veulettes-sur-Mer (Seine-Maritime). En France il y a une superposition des règles terrestres en mer et des incertitudes juridiques sur chaque projet. Jusqu'à maintenant, le dispositif de zone de développement de l'éolien (ZDE), mis en place pour l'éolien terrestre, était appliqué pour l'offshore. Une situation qui devrait rapidement changer : Le ZDE n'est pas adapté à l'éolien en mer. Le pilotage du dispositif est aux mains des élus locaux alors que le territoire maritime est géré par l'Etat. Nous allons mettre en œuvre une planification stratégique avec une définition du zonage pour l'installation de parcs éoliens. Cette planification sera réalisée par l'Etat, en concertation avec les différents acteurs concernés. En étant optimiste, les discussions pourraient aboutir dans un an. La difficulté réside dans le fait de parvenir à une vision prospective à 30 ans des différents usages de la mer, que ce soit des activités traditionnelles (pêche, commerce…) ou nouvelles (extraction d'hydrocarbures, éolien offshore…), note Christophe Le Visage, chargé de mission au Secrétariat général de la mer.
La France métropolitaine dispose d'un fort potentiel éolien, le deuxième d'Europe, réparti globalement sur trois zones géographiques où s'appliquent des régimes de vent différents : la façade Mer du Nord – Manche, le front Atlantique et la zone Méditerranéenne. Aujourd'hui, selon Gro de Saint Martin du Réseau de transport d'électricité (RTE), les deux tiers des projets offshore se situent en mer du Nord et dans la Manche, près d'un tiers en Atlantique, et quelques projets en Méditerranée où la profondeur est un obstacle réel. Tous les projets français se situent dans des zones territoriales de 2 à 20 km des côtes, contrairement à l'Allemagne où les zones proches des côtes sont protégées.
Pour identifier les zones possibles de développement de l'éolien, chaque pays vérifie que de tels projets ne compromettront pas le transport maritime, n'auront pas d'impact sur l'environnement (faune et flore) ou ne créeront pas d'autres conflits d'usage (pêche, tourisme, militaire…). Un certain nombre d'études sont en cours aujourd'hui sur ces questions.
Vérifier l'adéquation avec le réseau électrique et avec la demande
Outre la nécessité de vérifier si l'implantation de parcs éoliens en mer ne rentre pas en conflit avec d'autres usages, il faut également qu'il y ait compatibilité avec le réseau électrique actuel, notamment entre l'offre et la demande. Des questions de sûreté du réseau sont soulevées quant à la prévision, l'observabilité ou encore le contrôle de la production électrique éolienne offshore. Il faut pouvoir intégrer cette demande dans l'équilibre offre demande, note Gro de Saint Martin.
Aujourd'hui, aucune ferme offshore n'est raccordée au réseau public en France. En 2008, une quinzaine de demandes d'études exploratoires ont été déposées auprès de RTE, pour des projets de 100 à 600 MW. Evaluer la faisabilité de tels projets est difficile, explique Gro de Saint Martin. Si en Bretagne et sur la côte atlantique, les capacités d'accueil sont favorables, à Fos ou dans le Nord l'intégration au réseau est plus difficile. Le RTE souhaiterait d'ailleurs que la problématique réseau soit intégrée dans la planification à venir et que les procédures administratives pour l'implantation de parcs éoliens soient coordonnées avec les procédures réseau.
Dans les zones territoriales, RTE est prêt à assurer le raccordement au réseau. Jusqu'à présent, nous proposons une liaison exclusive par projet. Mais nous étudions un projet de réseau offshore qui pourrait accueillir plusieurs projets, explique Gro de Saint Martin. La liaison individuelle ne fait pas sens, analyse Tim Meyerjurgens, responsable des procédures d'autorisation chez E.on Netz offshore (réseaux offshore) en Allemagne. Nous travaillons à la réalisation de plateformes. Ces clusters de parcs éoliens permettraient de réduire les coûts de raccordement. Un aspect non négligeable en France où le raccordement au réseau est financé par le porteur de projet, contrairement à l'Allemagne où les pouvoirs publics prennent en charge la liaison.
Le renforcement des réseaux et leur développement devraient prendre plusieurs années et être confrontés à une possible pénurie de matériaux : nous risquons d'être face à un goulot d'étranglement d'ici 4 à 5 ans concernant les câbles sous-marins, regrette Tim Meyerjurgens. Seuls deux ou trois constructeurs en fabriquent en Europe et ceux-ci n'ont pas anticipé la demande croissante.