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Valoriser les coproduits de la méthanisation (2/4) : le digestat, un déchet plein d'avenir ?

Plus de la moitié des exploitants de méthaniseurs épandent leur digestat sous sa forme brute. Quels autres modes de valorisation ce résidu de production peut-il avoir après traitement et, le cas échéant, sortie du statut de déchet ? Éléments de réponse.

TECHNIQUE  |  Energie  |    |  F. Gouty
Valoriser les coproduits de la méthanisation (2/4) : le digestat, un déchet plein d'avenir ?

Si la méthanisation fournit de l'énergie (par injection de biométhane ou par cogénération d'électricité et de chaleur à partir de biogaz), elle demeure avant tout une digestion : celle d'intrants organiques méthanogènes en un coproduit baptisé digestat. Et celui-ci, tout comme le biogaz, peut être valorisé – d'un plus grand nombre de façons qu'on ne le pense.

Revenir sur le retour au sol ?

Environ 90 % du tonnage entrant dans un méthaniseur ressort sous la forme de cette pâte résiduaire. Et « à l'heure actuelle, plus de la moitié des exploitants d'unités de méthanisation (la) valorisent en l'épandant sous sa forme brute sur des parcelles agricoles », rappelle Alice L'Hostis, directrice du Centre technique national du biogaz et de la méthanisation (CTBM) de l'Association technique-énergie-environnement (ATEE). Dans une logique d'économie circulaire, le déchet qu'est le digestat est en effet appelé à revenir au sol et, par sa richesse organique, à servir d'amendement et de fertilisant à la filière agricole locale. Son utilisation est néanmoins soumise au plan d'épandage des exploitations, sous le régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).

Mais, du fait de ses propriétés, le digestat commence à attiser d'autres convoitises. Plusieurs acteurs s'en emparent désormais pour le post-traiter et en obtenir exactement ce qu'ils souhaitent, pour ensuite industrialiser leurs pratiques de valorisation. Certains, en poussant le trait, ambitionnent même de sortir le digestat de son statut de déchet pour en faire un produit commercialisable dont ils tireraient des valeurs agronomiques particulières – et en passant, un profit.

Séparer pour mieux valoriser

D'abord, après une simple digestion ou une post-digestion, le digestat peut subir une séparation de phases. À l'aide d'équipements appelés séparateurs, la part de matière sèche et solide est séparée de la phase liquide, qui représente la plus grande part du digestat en volume. L'opération peut faire appel à d'énormes centrifugeuses ou à des compresseurs, qui pressent le substrat sur des tamis filtrants. En distinguant le digestat sous ces deux formes, son intérêt agronomique se précise : plus riche en carbone et nécessaire à la stabilisation du sol sous sa forme solide ; ou plus riche en azote sous sa forme liquide. De quoi offrir une alternative organique directe aux engrais azotés minéraux.

Cependant, certains défauts peuvent émerger, à en croire les premiers résultats du projet de recherche Métha-BioSol. Les chercheurs du laboratoire d'agroécologie partagé entre l'Institut Agro Dijon et l'Institut national de recherche agronomique (Inrae) ont constaté que le digestat, sous forme liquide ou brute, avait les mêmes effets sur les communautés microbiennes du sol que le lisier (quarante-deux jours après apport dans un sol sans plante, en laboratoire), à savoir une chute de la quantité de micro-organismes. Contrairement à la phase solide du digestat, la phase liquide manque du carbone nécessaire au développement des micro-organismes du sol, même si sa forte concentration en azote peut bénéficier aux plantes. Par ailleurs, explique Sophie Bourgeteau-Sadet, l'une des chercheurs de ce projet, « certaines pratiques agricoles peuvent compenser l'effet d'un digestat. Ainsi, une absence de travail du sol trop intensif (comme le labour conventionnel), une restitution des résidus de culture au sol ou encore une alternance d'épandage de digestat et de fumier une année sur l'autre peuvent contribuer à maintenir ou améliorer la vie du sol ».

De déchet à produit

D'autres travaux sont en cours pour utiliser d'autres bienfaits du digestat. Porté par l'entité recherche et développement (la branche OneTech) de TotalEnergies, le centre de recherche privé Rittmo et le laboratoire Ecosys de l'Inrae et d'AgroParisTech, le projet ValoDig examine la possibilité d'extraire et de caractériser les fractions biostimulantes du digestat afin d'en étudier les effets sur les plantes et la biodiversité du sol en laboratoire. À la différence des engrais ou fertilisants, qui s'appuient surtout sur l'action de l'azote, du potassium et du phosphore pour fournir des nutriments aux cultures, les biostimulants sont des molécules ou des micro-organismes qui améliorent le métabolisme végétal – la tolérance à certains stress abiotiques, l'absorption des nutriments, etc. Ils s'extraient du digestat par lavages successifs avec des solutions acides et basiques. Et des quantités très faibles de la solution produite suffisent à entraîner les effets escomptés.

« Nous avons observé que l'apport de fractions biostimulantes issues des digestats sur du seigle d'hiver renforçait la croissance racinaire, mais aussi la surface foliaire en culture hydroponique [c'est-à-dire, sur un substrat inerte constamment irrigué, NDLR], accentuant donc sa biomasse, avance Mélanie Salomez, ingénieure R&D chargée du projet chez TotalEnergies, qui produit environ 6 % du volume de biométhane en France. Et aucun effet n'a été attesté sur la microfaune du sol, comme la prise de masse de juvéniles de vers de terre. » Le projet ValoDig fait partie de la vingtaine de projets d'innovation menés actuellement par TotalEnergies sur le thème du biogaz. L'énergéticien s'intéresse, par exemple, à la transformation du digestat sous forme de biochar ou directement sous forme d'énergie à travers des procédés comme la pyrolyse – d'autres voies de valorisation possibles pour ce déchet. Un autre projet vise à détecter et à quantifier les particules de microplastique des digestats issus d'intrants riches en biodéchets. Mais s'agissant du digestat lui-même, l'équipe de recherche planche surtout « pour, à terme, le sortir de son statut de déchet soumis aux contraintes réglementaires des plans d'épandage pour en faire un produit commercialisable », indique Cecilia Sambusiti, cheffe de projet R&D biogaz chez TotalEnergies OneTech.

Une évolution à la marge ?

Mais cette tendance n'en est qu'à ses balbutiements, à en croire Pascale Chenon, fondatrice du cabinet de conseil VoxGaia, expert en réglementation sur les fertilisants et digestats. « La mise sur le marché de digestats sous forme de produits reste pour le moment anecdotique. Onze demandes d'autorisation de mise sur le marché issues de grosses installations françaises ont été délivrées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) entre 2015 et 2023, comparées aux 110 dossiers déposés tous les ans pour des matières fertilisantes. » Selon elle, deux évolutions ont ouvert la voie. Premièrement, le règlement européen de 2019 sur la mise sur le marché des fertilisants autorise la vente de certains digestats sous la forme d'amendement dans les 27 pays de l'UE, « sous certaines conditions d'assurance qualité complexes et coûteuses ». Et deuxièmement, la dernière version des projets de textes français dits « du socle commun », qui pourrait empêcher l'épandage de digestats issus d'effluents d'élevage présentant des seuils trop élevés de cuivre ou de zinc, rajoute une « complexité » que beaucoup d'acteurs pourraient vouloir éviter.

Cela étant, faire du digestat un produit comme un autre n'est pas aussi simple que cela. Comme le souligne Alice L'Hostis, du CTBM, « certaines technologies (de séparation de phases ou de fractionnement) n'apportent pas de plus-value radicalement plus grande que celle du digestat brut et engendrent de forts coûts économiques et énergétiques », sans parler de l'adoption de nouvelles pratiques agronomiques parfois plus difficiles à mettre en œuvre.

Réactions2 réactions à cet article

Le digestat a des effets négatifs sur les populations microbiennes des sols (métha biosol) ! Extra, moins de C procure moins d'énergie pour les microorganismes du sol, fait connu depuis au moins 100 ans !
En revanche pourquoi cet article ne mentionne-t-il pas d'autres effets néfastes des épandages de digestats ? Leur écocidité, leurs émissions accrues de GES par exemple ? Tout ceci est très documenté dans la littérature scientifique, pourquoi ne pas le relater ?

Daniel | 30 avril 2024 à 22h11 Signaler un contenu inapproprié

Digestat solide: pas encore de solution dans l'Aveyron
Infos publiques: le méthaniseur de Montbazens 12 - Prometer 52% / ENGIE 48%
Le méthaniseur de Montbazens à des problèmes de fonctionnement depuis sa mise en route 2022. Les mises en demeures, les arrêtés complémentaires, les arrêtés préfectoraux d'autorisations provisoires - et les dérogations pleuvent sans pour autant régler le problème.
La préfecture de Rodez a décidé, d'autoriser l'épandage de 160 000m3 de digestat liquide jusqu'en 2025 alors que l'arrêté d'autorisation prévoyait du digestat solide 30000 T/an. et 9284 T de digestat liquide qui seraient mélangés aux solide -
sur les sols karstiques...
L'actionnaire principal de Prometer est en Procédure de sauvegarde depuis le 13-02-2024.

AUCASOU | 01 mai 2024 à 14h03 Signaler un contenu inapproprié

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