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Actu-Environnement

Effondrement de la biodiversité : la responsabilité de l'État reconnue par le juge administratif

Par un jugement du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a reconnu la responsabilité de l'État dans l'effondrement de la biodiversité, du fait de ses manquements en matière de gestion des pesticides.

Biodiversité  |    |  I. Chartier
Effondrement de la biodiversité : la responsabilité de l'État reconnue par le juge administratif

Le jugement très attendu de l'affaire « Justice pour le vivant » a été rendu ce 29 juin par le tribunal administratif de Paris. Cinq associations de protection de l'environnement (1) avaient attaqué l'État, le 10 janvier 2022, pour sa responsabilité dans l'effondrement de la biodiversité.

Les ONG lui reprochaient plusieurs manquements : une carence dans le processus d'évaluation des produits phytopharmaceutiques (PPP) avant leur autorisation de mise sur le marché (AMM) ; le non-respect de la trajectoire de réduction de l'utilisation des PPP (prévue dans les plans Écophyto) ; un manquement à l'obligation de protection des eaux souterraines et de surface. Elles soutenaient l'existence d'un préjudice écologique résultant de ces manquements et ont demandé que l'État prenne les mesures nécessaires à sa réparation.

La reconnaissance « historique » du préjudice écologique résultant des pesticides

Le premier enjeu pour les ONG était la reconnaissance par le juge administratif d'un préjudice écologique lié à la contamination des sols, des eaux et de l'air par les pesticides. Avec peu de difficultés, le tribunal administratif, sur le fondement des études scientifiques fournies par les associations, a jugé qu'en l'absence « de toute contestation du ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire sur ce point, le préjudice écologique invoqué par les associations requérantes, résultant de la contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols par les substances actives de produits phytopharmaceutiques, [devait être] regardé comme établi ».

Des fautes de l'État partiellement reconnues par le juge

« (…) Il n'est pas contesté que l'objectif initial de diminution du recours aux produits phytopharmaceutiques de 50 % en dix ans, reporté en 2016 à l'échéance 2025 et confirmé en avril 2019, assorti d'un objectif intermédiaire de - 25 % en 2020, n'est pas en situation d'être atteint », a observé le juge, qui a donc reconnu que, dans ces conditions, les associations étaient fondées à reprocher à l'État le non-respect de la trajectoire de réduction de l'utilisation des pesticides prévue dans les plans Écophyto.

“ Le préjudice écologique n'aurait pas revêtu son ampleur actuelle sans la carence de l'État à respecter ses objectifs en matière de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ” Juge du tribunal administratif de Paris
En outre, se fondant sur les rapports fournis par l'agence de l'eau, qui font tous état « d'une présence significative de substances actives de produits phytopharmaceutiques responsables de la dégradation de l'état chimique des masses d'eau », le juge a également reconnu la faute de l'État concernant l'état des eaux souterraines.

Toutefois, il n'a pas suivi les associations en ce qui concerne les fautes relatives aux procédures de suivi et de surveillance des effets des PPP autorisés, du défaut d'indépendance des missions d'évaluation et d'autorisation reproché à l'Anses (2) ou encore de la violation de l'interdiction de mise sur le marché de produits présentant un risque de dommage grave et irréversible à l'environnement.

La reconnaissance d'un lien de causalité entre les fautes de l'État et le préjudice écologique

Encore fallait-il établir un lien de causalité entre les carences de l'État et le préjudice écologique. Sur ce point, le juge reconnaît qu'en « dépit de ce que le déclin de la biodiversité est multicausal, le préjudice écologique (…) n'aurait pas revêtu son ampleur actuelle sans la carence de l'État à respecter ses objectifs en matière de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ». Il établit ainsi un lien de causalité direct et certain entre la carence de l'État et le préjudice.

Par conséquent, le juge a enjoint le Gouvernement à « prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et prévenir l'aggravation des dommages ». Il prescrit notamment de rétablir la cohérence du rythme de diminution de l'utilisation des PPP et de restaurer et protéger les eaux souterraines. « La réparation du préjudice devra être effective au 30 juin 2024, au plus tard », conclut-il.

Les associations prévoient de faire appel

« Après des décennies d'inaction, l'État est enfin reconnu coupable de l'effondrement de la biodiversité par son incapacité à mettre en œuvre une évaluation des risques des pesticides réellement protectrice du vivant », commentent les associations. « C'est une décision historique car la biodiversité, notamment ordinaire, reçoit ici une consécration protectrice, et je pense aux vers de terre cités dans la décision : c'est une première en droit français », réagit Dorian Guinard, de l'association Biodiversité sous nos pieds.

Mais les associations relèvent que le juge n'a pas ordonné à l'État de revoir les méthodes d'évaluation des risques, ce que préconisait pourtant la rapporteure publique dans ses conclusions. La bataille judiciaire se poursuit donc, les ONG ayant prévu de faire appel.

1. Pollinis, Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds, Anper-TOS et l'Aspas2. Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail

Réactions3 réactions à cet article

bonjour
pouvez vous nous dire quelles sont les ONG dont parle l'article??

lisbeth | 30 juin 2023 à 09h23 Signaler un contenu inapproprié

Bonjour,

Les ONG demanderesses sont mentionnées en début d'article. Il s'agit des associations Pollinis, Notre affaire à tous, Biodiversité sous nos pieds, Anper-TOS (Association nationale pour la protection des eaux & rivières - Truites, Ombres, Saumons) et Aspas (Association pour la protection des animaux sauvages)

Imane Chartier Imane Chartier
30 juin 2023 à 09h40
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Jugement très intéressant et novateur... mais insuffisant pour faire évoluer la situation puisque les responsables ne sont pas nommés et encore moins personnellement condamnés.
Tant que celles et ceux qui ont méconnu durant leurs prises de décisions publiques l'impact réel désastreux des pesticides sur le vivant n'en seront pas personnellement comptables, rien ne changera vraiment sur le sujet. Condamner l’État pour carences fautives est certes déjà une conséquente avancée du droit, grâce à l'action de ces ONG, mais elle est hélas improductive de changement dans le processus de décision publique en tant que telle.
Mais si je me trompe sur le sujet, je suis preneur d'un éclairage.

Pégase | 03 juillet 2023 à 15h51 Signaler un contenu inapproprié

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