
Président d'Alfa Laval France et NWA
Environnement & Technique : L'industrie va devoir poursuivre ses efforts en matière de consommation d'énergie. Comment bien débuter une politique d'efficacité énergétique ?
Jean-Jérôme Sémat : Avant de faire des investissements quels qu'ils soient, il faut déjà optimiser la maintenance de tous ses équipements. Quelque soit le process industriel, vous devez chauffer ou refroidir des fluides à plusieurs endroits. Une mauvaise maintenance des pompes ou des échangeurs de chaleur par exemple peut entraîner des surconsommations d'énergie. Il est donc nécessaire de s'assurer, dans un premier temps, que les équipements sont propres, non encrassés. Sur les échangeurs de chaleur, il est conseillé de réaliser des tests d'intégrité, pour vérifier qu'il n'y a pas de plaques percées. Les échangeurs en contiennent parfois entre 300 et 500. Elles sont réparables et reconditionnables. Idem pour les machines tournantes, il faut effectuer la même démarche. L'idéal est d'avoir des équipements connectés qui signalent leur niveau d'usure dans une logique de maintenance prédictive.
De manière automatique, on pense « investissement » et « remplacement de matériel », mais avant tout il faut regarder les usages en cours.
E&T : Ces mesures semblent de bon sens. Comment expliquez-vous qu'elles ne soient pas déjà généralisées dans toutes les usines ?
JJS : Pour les industriels, le point le plus important, c'est de ne pas arrêter la production. Le reste importe moins. Et vous avez beaucoup d'industriels pour lesquels il y a la force de l'habitude. Tant que ça fonctionne, on ne s'y intéresse pas. Et c'est sans compter l'influence du prix de l'énergie. Quand elle ne coûte pas cher, on ne regarde pas. Ce n'est que face au mur que les gens réagissent. Il faut ainsi changer les habitudes dans l'usage des machines, former les gens autrement.
Les poches de progrès sont là, dans la maintenance. Elle permet de conserver les conditions d'origine des équipements, et c'est d'autant plus vrai quand ce sont des infrastructures modernes et innovantes. La sobriété, ça ne coûte pas d'argent. Il faut remettre ça au cœur du logiciel de réflexion des industriels. Surtout que se conjuguent deux enjeux de sobriété désormais : l'énergie et l'eau.
E&T : Et une fois que le process et la production d'utilités sont vérifiés : que faire ?
JJS : Seulement après, on peut commencer à réfléchir à mettre à jour les équipements en place, voire à investir dans de nouveaux équipements plus modernes ou additionnels. Désormais sur le marché, et notamment chez Alfa Laval, vous trouvez des systèmes avec moins de frictions pour les centrifugeuses par exemple. Pour les échangeurs, l'innovation est continue, le design évolue pour maximiser les échanges de chaleur et minimiser la consommation de matières. Si la motivation première est l'efficacité énergétique, le choix du matériel peut aussi avoir un impact sur le bilan de carbone de toute la filière. L'écoconception gagne en effet du terrain et les efforts des uns servent la politique de décarbonation des autres. On ne peut pas faire les choses seuls, c'est une évolution sur toute la chaîne de valeur de l'industrie.