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Construction illégale d'éoliennes : la démolition sous astreinte confirmée

La cour d'appel de Nîmes a confirmé l'ordre de démolition du parc éolien de Bernagues, dans l'Hérault, dont le permis de construire avait été annulé du fait d'une insuffisance de l'étude d'impact sur les aigles royaux présents sur le site.

Aménagement  |    |  L. Radisson
Construction illégale d'éoliennes : la démolition sous astreinte confirmée
Droit de l'Environnement N°329
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°329
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C'est une décision qui ne va pas passer inaperçue auprès des développeurs éoliens et des associations de protection de la nature et du paysage. Par un arrêt du 7 décembre 2023, la cour d'appel de Nîmes a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Montpellier relatif au parc éolien de Bernagues (Hérault), exploité par la société Énergie renouvelable du Languedoc (ERL) qui appartient au groupe Valeco. Le 19 février 2021, ce tribunal avait condamné l'exploitant à démolir, sous astreinte, les sept éoliennes et le poste de distribution constitutifs de ce parc après l'invalidation de son permis de construire par les juridictions administratives.

Alors que l'exploitant avait fait appel de ce jugement, la cour d'appel de Montpellier lui avait donné raison en juin 2021 au motif que l'annulation du permis de construire le parc éolien avait été motivée par l'insuffisance de l'étude d'impact liée à la présence d'un couple d'aigles royaux sur le site. Motif qu'elle avait considéré comme une simple règle de procédure insusceptible de fonder une demande de démolition. Mais c'était sans compter le pourvoi en cassation des associations de protection du paysage (1) opposées à l'implantation de ce parc érigé sur les hauteurs de la commune de Lunas.

Par une décision du 11 janvier 2023, la Cour de cassation a en effet jugé que toute méconnaissance des règles d'urbanisme pouvait servir de fondement à une action en démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé ultérieurement, dès lors que le demandeur démontre un préjudice personnel résultant de la violation de ces règles. Elle en a déduit que l'insuffisance de l'étude d'impact faisait partie des règles d'urbanisme dont la violation pouvait justifier l'action en démolition si, conformément à l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme (2) , le permis de construire a été annulé par le juge administratif et si la construction se trouve dans une des zones protégées listées dans cet article. Elle avait, par conséquent, renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Nîmes pour être rejugée.

Influence sur la décision du préfet

La cour d'appel estime remplie la première condition liée à l'annulation du permis de construire du fait de la méconnaissance des règles urbanisme. L'omission ou l'incomplétude de l'étude d'impact sont « de nature à nuire à l'information complète de la population, notamment au travers des associations dont il n'est pas contesté qu'elles ont pour objet de défendre notamment la bonne information de leurs adhérents sur les questions environnementales qu'elles cherchent à préserver, et également à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ». Et les juges d'en déduire : « Il s'agit donc d'une règle de fond d'urbanisme dont l'inobservation a conduit au prononcé de l'annulation du permis de construire ».

“ La société ne justifie pas de la mise en œuvre d'une solution technique efficace d'aménagement afin de remédier à la mortalité aviaire constatée. ” Cour d'appel de Nîmes
La seconde condition, liée au préjudice subi par les demandeurs, est également remplie. « Le préjudice subi en conséquence du non-respect de l'exigence d'une étude d'impact suffisamment complète tient (…) à la fois au défaut d'information des associations, de leurs adhérents et du public dont elles représentent les intérêts et à l'atteinte au site, que les associations ont précisément pour but de préserver, celles-ci ayant, en effet, pour objet statutaire la défense des intérêts du patrimoine environnemental (…) », juge la cour.

En ce qui concerne, enfin, la condition liée à la situation de la construction litigieuse dans une zone protégée, la cour estime qu'il est suffisamment démontré que le terrain en question se trouve dans un espace du patrimoine naturel et culturel montagnard (C. urb., art. L. 122-9 et L. 122-26, 2° (3) ) et dans un secteur délimité par le plan local d'urbanisme (PLU) au titre de la protection du cadre de vie (C. urb., art. L. 151-19 (4) et L. 151-23). Or, cette exigence de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme est satisfaite du seul fait que le site est localisé sur l'une de ces zones.

Atteintes environnementales avérées

L'exploitant avait également fait valoir le caractère disproportionné d'une mesure de démolition totale du parc, estimant qu'elle pouvait se limiter à la démolition de la seule éolienne impliquée dans la mort d'un aigle royal en janvier 2023. Les juges d'appel rejettent également ce moyen, après avoir relevé que les arguments produits par les associations n'étaient pas remis en cause par la société ERL : les installations ont été exploitées et sont amorties pour près de moitié ; leur contribution au développement des énergies renouvelables est modeste ; d'autres parcs d'une puissance quatre fois supérieure existeront, fin 2023, dans le département. « La réalité des atteintes environnementales sérieuses est par ailleurs avérée (…) et la société ne justifie pas de la mise en œuvre d'une solution technique efficace d'aménagement afin de remédier à la mortalité aviaire constatée », ajoute la cour.

Compte tenu de ces éléments, les juges confirment l'ordre de démolition. En revanche, ils revoient à la hausse le délai accordé à l'exploitant pour remettre le site en état : quinze mois au lieu de quatre. Et à la baisse le montant de l'astreinte, qu'ils fixent à 1 000 euros (contre 3 000 euros en première instance) par jour de retard pour chacune des trois associations pendant cent-quatre-vingts jours. La cour juge par ailleurs irrecevable l'action indemnitaire des associations, compte tenu du délai de prescription de deux ans à compter de l'achèvement des travaux.

« Cette décision rétablit la cohérence, étant donné que le permis de construire avait été annulé par le juge administratif. Il apparaît logique qu'il y ait une sanction, et celle-ci ne pouvait être que la démolition », réagit Nicolas Gallon, avocat des associations.

Mais l'histoire contentieuse de ce projet, dont le premier permis de construire a été délivré par le préfet en 2004, n'est pas totalement achevée. En effet, la société ERL annonce d'ores et déjà un pourvoi en cassation. « Le parc fonctionne conformément à son arrêté préfectoral », tient à rappeler également l'exploitant. Une exploitation qui a fait l'objet de restrictions complémentaires par le préfet en 2020, mais qui va se poursuivre au minimum jusqu'à la décision attendue de la Haute Juridiction judiciaire.

1. Association Vigilance patrimoine paysager et naturel (VPPN), Association protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodèvois (Apprel), Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF) - Sites et monuments2. Consulter l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041411186
3. Consulter l'article L. 122-6 du code de l'urbanisme
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033726387
4. Consulter l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033034409

Réactions2 réactions à cet article

Une bonne nouvelle, même si la messe n'est pas encore totalement dite... Reste à voir le contenu de "démolition" : extraction des socles en béton, remise en état des terrains, compensation de RTE... Dans le domaine tout est possible.
Et maintenant... on va espérer que ça fera jurisprudence, à voir tous les sites éoliens situés sur des routes de migration d'oiseaux ou sur des zones protégées...

dmg | 13 décembre 2023 à 09h38 Signaler un contenu inapproprié

J'attends qu'on démolisse aussi toutes les automobiles car je peux vous certifier qu'il y a parfois des hérissons écrasés.

DJ71 | 14 décembre 2023 à 23h09 Signaler un contenu inapproprié

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