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Les espèces exotiques envahissantes constituent une menace largement sous-estimée

Le nouveau rapport de l'Ipbes révèle la menace majeure que constituent les espèces invasives pour la nature, mais aussi pour l'économie, la sécurité alimentaire et la santé. Les coûts quadruplent tous les dix ans depuis 1970.

Biodiversité  |    |  L. Radisson
Les espèces exotiques envahissantes constituent une menace largement sous-estimée
Actu-Environnement le Mensuel N°439
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°439
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C'est l'un des inconvénients de la mondialisation de l'économie et de l'explosion des échanges. Les espèces exotiques envahissantes ont vu leur rôle s'accentuer fortement depuis 1970. Ces espèces, qu'elles soient végétales ou animales, ont été introduites par les humains en dehors de leur aire de répartition naturelle, volontairement ou accidentellement, rappelle la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB).

La grave menace mondiale que représentent ces espèces est « sous-appréciée, sous-estimée et souvent méconnue », révèle le nouveau rapport (1) de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes), approuvé le 2 septembre, à Bonn (Allemagne), par les représentants des 143 États membres de ce Giec de la biodiversité.

En 2019, dans son rapport d'évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques, l'Ipbes avait identifié les espèces exotiques envahissantes comme l'un des cinq principaux facteurs directs de perte de biodiversité, avec le changement d'utilisation des terres et des mers, l'exploitation directe des espèces, le changement climatique et la pollution. À la suite de ce constat, les gouvernements des États membres l'avait chargé d'établir l'état de la science sur cette question et de présenter les politiques permettant de contrer les invasions biologiques en cause. « Si les quatre autres cavaliers [de l'apocalypse de la biodiversité] sont relativement bien compris, des lacunes subsistent en ce qui concerne les espèces envahissantes », confirmait Inger Andersen, directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue).

Le rapport publié ce jour vient combler ces lacunes. Rédigé par 86 experts de 49 pays après un travail de plus de quatre ans, il s'appuie sur plus de 13 000 références constituées d'articles scientifiques, de rapports gouvernementaux, mais aussi de savoirs autochtones. Cette somme de connaissances sans égal donne des clés aux décideurs pour mettre en œuvre le Cadre mondial pour la biodiversité, adopté en décembre 2022 à Montréal. « En décembre dernier, les gouvernements du monde entier ont convenu, dans le cadre du nouveau Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal, de réduire l'introduction et l'établissement d'espèces exotiques envahissantes prioritaires d'au moins 50 % d'ici à 2030. Il s'agit d'un engagement essentiel, mais aussi très ambitieux. Le rapport de l'Ipbes fournit les preuves, les outils et les options nécessaires pour rendre cet engagement plus réalisable », explique Anne Larigaudie, secrétaire exécutive de l'Ipbes.

Plus de 37 000 espèces introduites

Plus de 37 000 espèces exotiques ont été introduites par l'activité humaine, établit le rapport, dont plus de 3 500 sont considérées comme « envahissantes » du fait de leur propagation et de leurs effets négatifs sur la nature, mais souvent aussi sur les personnes. « Environ 6 % des plantes exotiques, 22 % des invertébrés exotiques, 14 % des vertébrés exotiques et 11 % des microbes exotiques sont connus pour être envahissants », rapporte l'Ipbes.

“ La bonne nouvelle, c'est que, pour presque tous les contextes et toutes les situations, il existe des outils de gestion ” Anibal Pauchard, coprésident de l'évaluation
Si l'objectif initial des introductions était le plus souvent de bénéficier des avantages qu'elles procurent, les experts mettent en avant l'impact considérable de celles qui sont devenues envahissantes tant pour la nature que pour l'économie ou la santé. Concernant la nature, le rapport établit que les espèces exotiques envahissantes ont joué un rôle majeur dans 60 % des extinctions de plantes et d'animaux sur la planète. « En fait, 85 % des impacts des invasions biologiques sur les espèces indigènes sont négatifs », indique le professeur Anibal Pauchard, coprésident de l'évaluation.

L'ensemble de la planète est concerné par les effets des espèces exotiques envahissantes. « Trente-quatre pour cent des impacts des invasions biologiques ont été signalés dans les Amériques, 31 % en Europe et en Asie centrale, 25 % en Asie et dans le Pacifique et environ 7 % en Afrique. » En termes de milieux, ce sont les espaces terrestres qui sont le plus impactés (75 % des impacts) plutôt que les habitats d'eau douce (14 %) ou les écosystèmes marins (10 %). Les îles paient un lourd tribut : 90 % des extinctions globales qui s'y produisent sont attribuées aux espèces exotiques envahissantes, et le nombre de plantes exotiques dépasse désormais celui des plantes indigènes dans plus de 25 % des îles.

Plus de 420 Md$ de coût annuel

En termes économiques, le coût mondial est estimé à 423 milliards de dollars par an en 2019, avec un quadruplement à chaque décennie depuis 1970. Quatre-vingt-douze pour cent de ces coûts résultent des atteintes aux services fournis par la nature et 8 % de la gestion des invasions biologiques. Ainsi, les espèces invasives peuvent causer des dommages aux ressources alimentaires, comme l'illustre le crabe enragé sur les bancs de coquillages commerciaux en Nouvelle-Angleterre (États-Unis) ou la jacinthe d'eau sur les ressources piscicoles dans le lac Victoria (Afrique de l'Est). Elles peuvent également toucher la qualité de vie. Ainsi, des espèces de moustique exotiques envahissantes propagent des maladies comme le paludisme, le Zika et la fièvre du Nil occidental.

Et ces coûts devraient continuer à augmenter. « Même sans l'introduction de nouvelles espèces exotiques, celles déjà établies continueront à étendre leur aire de répartition et à se répandre dans de nouveaux pays et de nouvelles régions », explique Helen Roy, coprésidente de l'évaluation. « Mais le maintien du statu quo est en fait peu probable », estime la scientifique britannique, compte tenu de l'aggravation prévue d'autres facteurs de changement. Ainsi, les plantes exotiques envahissantes peuvent interagir avec le changement climatique, en contribuant par exemple à des feux de forêt de plus grande intensité, qui vont libérer encore davantage de dioxyde de carbone dans l'atmosphère.

Efficacité des mesures de gestion

Quant aux politiques publiques mises en place, elles se révèlent insuffisantes, pointe le rapport. Si 80 % des États ont des cibles liées à la gestion des espèces exotiques envahissantes dans leurs plans nationaux pour la biodiversité, 83 % restent sans législation ou réglementation nationale spécifique. Pourtant, les plans d'action se montrent efficaces en la matière. « La bonne nouvelle, c'est que, pour presque tous les contextes et toutes les situations, il existe des outils de gestion, des options de gouvernance et des actions ciblées qui fonctionnent réellement », positive Anibal Pauchard. « La prévention est absolument la meilleure option, la plus rentable, mais l'éradication, le confinement et le contrôle sont également efficaces dans des contextes spécifiques », ajoute le scientifique chilien.

De nombreux exemples ont montré l'efficacité des mesures de prévention, telles que la biosécurité aux frontières et les contrôles à l'importation. Et les auteurs de citer la réduction de la propagation de la punaise diabolique en Australasie ou le programme PlantwisePlus de surveillance des nouvelles espèces exotiques en Afrique, Asie et Amérique latine. Les mesures d'éradication se sont révélées « efficaces et rentables », notamment lorsque les populations sont peu nombreuses et se propagent lentement dans des écosystèmes isolés. Ainsi, le taux de réussite des programmes d'éradication s'élève à 88 % dans les îles. L'éradication du rat noir et du lapin de garenne en Polynésie française sont là pour l'illustrer, avancent comme exemple les scientifiques de l'Ipbes.

Quant aux mesures de confinement et de contrôle, elles peuvent intervenir dans les cas où l'éradication n'est pas possible. « Le confinement peut être physique, chimique ou biologique, bien que la pertinence et l'efficacité de chaque option dépendent du contexte local », expliquent les scientifiques, qui mentionnent également des possibilités de lutte biologique. « Ce qu'il faut, c'est une approche intégrée spécifique au contexte, à travers et au sein des pays et des différents secteurs concernés par la biosécurité, y compris le commerce et le transport, la santé humaine et végétale, le développement économique, etc. », explique le canadien Peter Stoett, troisième coprésident de l'évaluation.

« Je demande à tous les décideurs d'utiliser les recommandations de ce rapport comme base pour agir face à cette menace croissante pour la biodiversité et le bien-être humain et de contribuer réellement à la réalisation du Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal d'ici à 2030 », exhorte Inger Andersen, la directrice du Pnue.

1. Télécharger le résumé pour les décideurs (en anglais) du rapport de l'Ipbes
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-42465-especes-invasives-rapport-ipbes-resume-decideurs.pdf

Réactions7 réactions à cet article

Dans une autre dimension :
«La concentration de meutes de loups...est devenue un réel danger pour le bétail et, potentiellement, pour l'homme»
déclaration de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen en septembre 2023.

Pour la commission : "le retour du loup dans des régions de l'UE où il était absent depuis longtemps entraîne de plus en plus de conflits avec les communautés locales d'agriculteurs et de chasseurs, en particulier lorsque les mesures visant à prévenir les attaques sur le bétail ne sont pas pleinement mises en oeuvre".

ouragan | 05 septembre 2023 à 09h18 Signaler un contenu inapproprié

Bonjour,
Je vous conseille vivement de lire "La grande invasion. Qui a peur des espèces invasives ?" de Jacques Tassin écologue au Cirad.
Cordialement
Sylvain Gilles

SGilles | 05 septembre 2023 à 10h11 Signaler un contenu inapproprié

et nous sommes responsables aussi par laxisme, idéologie.....ex le cas d'école de la Pyrale du buis qui aurait pu être stoppée si traitements réalisés avec un insecticide couramment utilisé en agriculture et ceci sur les foyers de buis ornementaux au nord de la France. Cela n'a pas été fait et sa progression rapide a fait que cette pyrale s'est installée dans le sud en détruisant les buis dans nos bois (traitements non envisageables à ce stade maintenant) et chez les particuliers qui doivent traiter chaque année (en particulier cette année) s'ils veulent sauver les buis ornementaux...
Les pouvoirs publics n'ont pas réagi, les relais d'informations, journalistes et chroniqueurs radios décrivant bien les cycles du parasites mais au nom d'une idéologie systématiquement contre les "pesticides" se contentaient de préconiser l'arrosage des buis au jet d'eau!! ...(je précise que bien sûr il faut développer le bio quand techniquement cela est possible)
Les conséquences écologiques sont irrémédiablement maintenant là, sauf qu'un prédateur efficace apparaisse ....
Cordialement.

Ségala | 05 septembre 2023 à 12h42 Signaler un contenu inapproprié

Le sujet de l'article porte exclusivement sur les espèces exotiques envahissantes et non sur les espèces autochtones comme le Loup gris. Certaines obsessions n'ont rien d'exotique mais sont en revanche très invasives...

Pégase | 06 septembre 2023 à 14h25 Signaler un contenu inapproprié

Merci Pégase.
Puis, Ségale, le traitement bio contre la pyrale du buis fonctionne très bien! Je le pratique depuis plusieurs années.
Finalement, c'est dommage qu'ils montrent en photo un insecte bénéfique! (mais pas indigène)

Erikk | 06 septembre 2023 à 15h55 Signaler un contenu inapproprié

Bonjour,

Ok avec Pégase
Ok avec Ségala pour le terme "laxisme"
Pourtant, avec le cas de l' ambroisie de gros efforts (couteux) d'informations (ARS) , même un arrête préfectoral d'arrachage obligatoire dans mon département il y a plus de 15 ans, des référents dans chaque commune etc etc.. ... mais jamais de sanctions. " cause toujours tu m'intéresses" !!
surtout que Big Pharma est gagnante avec les traitements pour les personnes "malades"....

J'ai vu très récemment un reportage au JT sur la Jussie qui "étouffe" la Loire. Interview de personnes en tenues propres, et logo . CBN et CEN locaux parlent ... Qu'ont-ils fait depuis 20 ans ces Br... leurs ?. Payés pour étudier les atteintes à la biodiversité qui est (ama) leur raison d'exister (i.e. être salariés avec tous les avantages) ...mais "pas le bras assez long" pour orienter les budgets des pouvoirs publics ?en dehors du financement de leurs prérogatives ... (même constat avec la renouée du japon )
Dans une société aussi HYPOCRITE , n'attendons aucun résultat pour ces problèmes . Je constate que le dérèglement climatique fait autrement plus de dégâts ... et en attendant Pou tine , pardon Godot. (mon doigt à fourché)...
Patrick

ZYGENE | 07 septembre 2023 à 12h07 Signaler un contenu inapproprié

Pégase, belle réflexion! J'avais pourtant bien précisé "dans une autre dimension" mais peut être considérez vous les lecteurs pour des benêts d’où votre post de rectification?
Voulez vous que je cite le nombre de fois ou vous êtes hors sujet sans même vous en rendre compte?
Cordialement

ouragan | 08 septembre 2023 à 12h31 Signaler un contenu inapproprié

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