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La fonte des glaciers, une perte pour le climat mais un gain pour la biodiversité ?

Depuis l'ère préindustrielle, la fonte des glaciers continue inlassablement. Mais derrière les géants gelés apparaissent de nouveaux écosystèmes primaires, que chercheurs et ONG appellent à préserver avant que l'être humain ne s'en empare.

Biodiversité  |    |  F. Gouty
La fonte des glaciers, une perte pour le climat mais un gain pour la biodiversité ?

La vie trouve toujours un chemin, si tant est que l'être humain consente à l'y autoriser. Tel est en quelque sorte l'appel de Jean-Baptiste Bosson. Ce glaciologue suisse travaille à Annecy pour le Conservatoire des espaces naturels de Haute-Savoie (Asters). Il est également membre du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), du Conseil national de la montagne (CNM) et de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Et depuis quelques années, il mène, en compagnie de l'antenne française du Fonds mondial pour la nature (WWF France), un programme de recherche inédit intitulé « Ice & Life ». L'objectif ? Mieux connaître, pour ainsi mieux protéger, les écosystèmes « post-glaciaires ».

« Là où les glaciers fondent ou "se retirent", de nouveaux écosystèmes parfois inconnus apparaissent. Très vite arrivent de nouvelles zones humides de montagne ou des forêts d'épicéa et se forment des lacs ou des rivières. Le tout constitue de nouveaux refuges encore intacts à investir pour la biodiversité locale, dont l'habitat existant disparaît peu à peu. » La fonte des glaciers pourrait-elle être un mal pour un bien ? Et le glaciologue de rappeler l'ordre des priorités : « Les glaciers sont indispensables pour stabiliser le climat terrestre, sans quoi il serait beaucoup plus chaud, mais aussi le cycle de l'eau et la distribution du vivant. En couvrant au moins 10 % des terres émergées, ils renvoient les rayons du soleil et produisent de l'eau claire, contribuant à créer l'écosystème globalement tempéré dans lequel Homo sapiens s'est développé. » Cela étant, continue le chercheur, « les nouveaux écosystèmes primaires qui se forment dans leurs traces constituent de nouveaux puits de carbone qu'il faut à tout prix préserver ».

Là où la glace disparaît, le vivant occupe la place

Le programme « Ice & Life » entend estimer, puis valoriser, cette nouvelle richesse naturelle. D'après ses premières données satellitaires (encore en cours de validation, mais dévoilées lors d'une conférence de presse ce 26 septembre), les Alpes françaises ont perdu 66 % de leur surface glaciaire depuis 1850. Ce « désenglacement », d'une surface de 410 kilomètres carrés (km2), équivalente à quatre fois celle de Paris, a ouvert la voie à une certaine biodiversité. Sur le terrain, les équipes du programme ont identifié 251 espèces animales et végétales dans 14 zones désenglacées rien qu'en Haute-Savoie, là où la glace dominait et quasiment aucune vie ne subsistait. Parmi ces espèces, certaines sont protégées, comme le lagopède alpin (Lagopus muta), gallinacé dont le plumage vire au blanc en hiver. « D'accumuler cette connaissance nous permet de solliciter la réglementation en vigueur et ainsi de protéger ces nouveaux écosystèmes avant qu'ils ne soient impactés », explique le glaciologue. Malgré tout, les risques demeurent : les relevés effectués dans les étendues d'eau post-glaciaires, souvent encore vierges du passage de l'être humain, comportent déjà des traces de microplastiques.

Dans une étude (1) parue dans la célèbre revue Nature le 16 août dernier, les chercheurs du programme ont réussi à évaluer l'ampleur future du retrait glaciaire à l'échelle planétaire. En fonction du réchauffement climatique (+1,5°C ou +4°C d'ici à 2100), l'étendue des 210 000 glaciers terrestres (sans compter les deux calottes polaires) se réduira de 150 000 à 340 000 km2 (soit 21 à 46 % du volume total). Si chaque surface désenglacée était remplacée par une forêt, le tout représenterait entre 2 200 et 10 600 km2 d'équivalent forêt tropicale humide en termes de séquestration du carbone. « Si toutes ces zones étaient strictement sous protection forte pour maximiser leur capacité de séquestration, elles stockeraient, a priori, quelques dizaines à quelques centaines de mégatonnes de carbone, soit environ un an des émissions nationales d'un pays comme la France, estime Jean-Baptiste Bosson, nuançant par ailleurs sur le manque de données sur les conséquences de la perte d'albédo (capacité d'une surface à renvoyer le rayonnement solaire et donc à lutter contre le réchauffement, particulièrement élevée chez les glaciers). Cela ne sauvera pas le climat mais cela peut y contribuer, or cela reste un impensé dans les rapports du Giec. »

La dangereuse exploitation d'un bien commun insoupçonné

“ Il faut à tout prix éviter de dilapider notre héritage glaciaire ” Jean-Christophe Poupet, WWF France
La crainte de l'Asters et du WWF France, c'est de voir le retrait glaciaire devenir un nouveau terrain de jeu pour les activités humaines. Les sols mis à nu sont déjà la cible de certaines compagnies minières en Asie centrale ou en Amérique du Sud. Les nouveaux couverts végétaux sont exploités comme des zones de pâturage ou d'abreuvement pour le bétail. Les lacs et les rivières post-glaciaires sont une source de multiples convoitises : entre hydroélectricité et alimentation des réseaux d'eau potable, notamment pour lutter contre les pénuries pour les populations et les situations d'étiage pour le nucléaire. « Beaucoup d'acteurs veulent se saisir de ces nouvelles ressources, insiste Jean-Christophe Poupet, responsable du programme alpin du WWF France. Il faut à tout prix réguler ces usages par avance si nous voulons éviter de dilapider notre héritage glaciaire. »

Malheureusement, l'une de ces menaces pèse déjà sur ces nouveaux espaces naturels : le tourisme. Ce dernier participe, par exemple, à répandre des espèces envahissantes dans ces jeunes écosystèmes primaires. Le résultat, souvent, d'une méconnaissance des rares mesures déjà prises. En octobre 2020, la préfecture de la Haute-Savoie a pris un arrêté de protection des habitats naturels (APHN) du Mont-Blanc en réponse au développement, depuis quelques dizaines d'années, d'une forêt primaire au pied du célèbre sommet. Cette mesure, à l'image d'un arrêté de biotope, interdit les véhicules à moteur, les prélèvements et les déplacements hors des sentiers dans une zone de 32 km2. « Et malgré cela, témoigne Jean-Baptiste Bosson, nous croisons encore des touristes avec des chiens qui dérogent à ce niveau de protection. »

Le glacier, future entité juridique à part entière ?

Comment, alors, parvenir à protéger et consolider cette nature naissante ? « Les glaciers et leurs environs occupent le plus souvent des surfaces foncières communales, donc publiques, à la différence des forêts, privées pour la plupart, souligne le glaciologue. Les coûts économique et politique devraient donc être faibles, pour un gain environnemental non-négligeable. » Mais encore faudrait-il, pour préserver ces biens communs, qu'ils aient un statut juridique. En menant un état des lieux de la place des glaciers dans le droit français, les équipes du programme Ice & Life ont constaté que le terme lui-même n'apparaissait qu'une seule fois, dans la réglementation encadrant les droits et devoirs des accompagnateurs de montagne diplômés. « Corriger ce manque sera au centre de nos propositions juridiques et réglementaires à venir », affirme Jean-Baptiste Bosson.

D'ici là, « le glacier doit devenir une entité étendard, à l'image du panda du WWF », appelle le chercheur suisse. Dans son pays natal, la protection des glaciers, parts fondamentales de l'économie et de la culture nationales, a été cruciale pour mobiliser les entreprises, les collectivités et le reste des citoyens au bénéfice de la nouvelle loi fédérale sur le climat et l'innovation, imposant la neutralité carbone d'ici à 2050, en juin 2023. Celle-ci a en effet résulté d'un contre-projet de loi répondant, en la complétant, à une initiative populaire lancée en faveur des géants gelés en 2019. Et en novembre 2022, une Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies (ONU) s'est prononcée pour la création d'un fonds international pour la préservation des glaciers. Et Christian Schwoehrer, directeur de l'Asters, de conclure : « Entre sa nouvelle Stratégie nationale pour la biodiversité, sa Stratégie nationale polaire et ces progrès à l'étranger, la France a de quoi se positionner à la croisée des chemins et occuper un leadership sur cette question. » 2025, décrétée « année internationale pour la préservation des glaciers » par l'ONU, sera peut-être le prétexte à saisir.

1. Accéder à l'étude
https://www.nature.com/articles/s41586-023-06302-2

Réactions3 réactions à cet article

L'UICN a déjà tout prévu. Un document s'intitulant

Evaluation des énergies
renouvelables en montagne :
Bilan et recommandations

explique les atouts de la montagne et oublie simplement de parler du pastoralisme dans la 40e de pages ou sont expliquer comment utiliser cette montagne.

ouragan | 02 octobre 2023 à 09h46 Signaler un contenu inapproprié

Vite :

Subventionnons à profusion des brebis divagantes pour entretenir ces nouveaux écosystèmes un peu trop primaires !

Rivelino | 02 octobre 2023 à 22h19 Signaler un contenu inapproprié

Une entité à l'image du panda du WWF.
Au nom de la protection de l'environnement le WWF a participé à la délocalisation et à l'extinction culturelle des peuples indigènes partout dans le monde.
WWF International, l’association de conservation la plus importante au niveau mondial, est accusée de “vendre son âme » en forgeant des alliances avec de puissantes entreprises qui détruisent la nature et utilisent le label WWF pour « verdir » leurs activités.
Des multinationales telles que Coca-Cola, Shell, Monsanto, HSBC, Cargill, BP, Alcoa et Marine Harvest etc etc, ont ainsi bénéficié du label WWF
WWF affirme que l’environnement ne peut être protégé que par le dialogue avec les acteurs engagés dans les industries extractives et polluantes.

Bah, mon cher Rivelino, peut être vaut il mieux se fier au pastoralisme :
« le pastoralisme - la production extensive de bétail dans les pâturages - offre d'énormes avantages à l'humanité et devrait être considéré comme un élément majeur de la transition mondiale vers une économie verte »/…./
« le pastoralisme durable dans les écosystèmes de grands pâturages libres / …/ préserve la fertilité des terres et le carbone présent dans sol, et contribue à la régulation de l'eau et à la conservation de la biodiversité. Les autres avantages qu'il présente se trouvent sous la forme de produits alimentaires de grande valeur. "
Et rassurez vous les subventions brebis sont négligeables.

ouragan | 03 octobre 2023 à 18h26 Signaler un contenu inapproprié

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