Qu'il s'agisse des collectivités locales, des particuliers, des bailleurs de surfaces commerciales ou des industriels du photovoltaïque, le Grenelle imprime sa marque dans tous les contrats et détermine de nouvelles pratiques juridiques, parfois encore peu définies.
Dans le domaine des ventes, l'environnement apparaît dans le classement énergétique des biens immobiliers : toutes les annonces devront être assorties d'un diagnostic de performance énergétique (DPE) à compter du 1er janvier 2011. Le gouvernement a voulu que la qualité thermique d'un bien devienne un élément de valorisation, afin d'encourager les propriétaires à se doter d'équipements d'isolation, voire d'énergies renouvelables.
Pour Sylvain Coopman, délégué général de la chambre des diagnostiqueurs auprès de la FNAIM, ce nouvel enjeu financier pour le vendeur risque d'amener "une pression supplémentaire sur les diagnostiqueurs. Il faudra se prémunir des diagnostics de complaisance". Etant donné qu'un acte pourra être déclaré nul en cas d'absence d'affichage énergétique, les diagnostiqueurs vont avoir un rôle crucial. Leur appréciation déterminera en partie le prix d'un logement. La question des limites de leur responsabilité est également posée : ils sont soumis à l'obligation d'informer. Même s'ils ne sont pas responsables de vices cachés, ils sont tenus de les déceler, comme l'amiante dans un bâtiment.
D'autant que les DPE ne relèvent pas d'une science exacte et d'une doctrine inscrite dans le marbre. Leur périmètre est susceptible d'évoluer en fonction des éléments des futures réglementations thermiques. Au cœur des transactions, les notaires voient évoluer le droit. C'est ainsi que Maître Bruno Vié constate que l'épaisseur des actes de vente a été multipliée par dix en dix ans. Après la surface, le DPE va selon lui devenir un deuxième critère de choix des logements. Le rôle d'information du notaire vis-à-vis de son client sera d'autant plus nécessaire que le droit se complexifie.
Création juridique continue
La fiscalité verte détermine elle aussi un droit émergent. Eco-prêts à taux zéro, encours verts de LDD (livrets développement durable) finançant les crédits d'impôt, PTZ (prêt à taux zéro) et PTZ+ font apparaître un nouvel environnement juridique et mettent autour de la table des compétences diverses, mixant banquiers, professionnels du bâtiment, experts et collectivités locales. "Le problème va tourner autour de la garantie liée à ces prêts, qui va solliciter une forte évolution juridique", analyse Arnaud Berger, responsable développement durable du groupe Banque populaire BPCE. Que se passera-t-il si un bâtiment basse consommation (BBC) est livré avec des dysfonctionnements et ne satisfait pas aux critères ? Quel tiers financeur couvrira l'éventuelle annulation de prêts bonifiés ?
La fiscalité verte sert aussi à raboter certaines niches fiscales. Exemple : à partir de 2011, l'investissement locatif Sellier est verdi, mais le crédit d'impôt est réduit de 15 à 10%. En revanche, précise le notaire Xavier Lièvre, il est majoré de 10 points pour les acquisitions et constructions de logements qui répondent aux critères BBC. De même les crédits d'impôts sur les intérêts d'emprunt payés au titre d'investissement sur la résidence principale sont progressivement rabotés sauf si l'investissement est vert. Ils seraient remplacés par les PTZ+, qui, à la différence des prêts à taux zéro, ne relèvent pas d'un critère social.
"Avant chacun travaillait dans son coin. Aujourd'hui, les intervenants doivent se mettre en phase : promoteurs, notaires, banquiers, juristes", constate Maître Lièvre. Dans un environnement complexe et exigeant, mais encore flou et changeant, le notaire agit de plus en plus comme un conseil. "Dans ce marché émergent, les fonds de garantie pallieront le manque de responsabilité civile des intervenants", poursuit le notaire.
Nouveaux dialogues
Les baux verts commerciaux pour les surfaces de plus de 2.000 m2 suscitent encore bien des questions. L'obligation d'annexe environnementale à ces baux de grandes surfaces commerciales entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2012. Cette annexe engage le preneur à suivre ses consommations d'énergie et de fluides, à supprimer les éclairages halogènes, à respecter les températures de confort, été comme hiver, à employer des matériaux d'aménagement éco-certifiés lors des travaux d'aménagement. Toutes les parties prenantes s'engagent à communiquer dans le cadre d'une concertation environnementale.
En 2009, le groupe Unibail-Rodamco a pu réduire ses consommations de 23.000 MWh en anticipant ces baux verts. "Reste à concevoir des DPE spécifiques pour le commerce, et à laisser le bailleur effectuer des travaux dans des locaux loués", précise Christophe Garot, responsable développement durable d'Unibail Rodamco. Le preneur devra accepter une certaine ingérence : contrôle des matériaux et des équipements, des niveaux d'éclairage et de la maintenance. Reste aussi à savoir qui va payer les mesures préconisées et qui va bénéficier des économies réalisées, dans un contexte encore flou, où l'annexe environnementale ne préconise pas d'objectif chiffré de réduction des consommations d'énergie.
L'émergence de la production photovoltaïque en France, qui devrait passer des 600 mégawatts crête (MWc) actuels à 5400 MWc en 2020 soulève des questions juridiques autour du foncier attribué sur des domaines publics aux opérateurs de fermes solaires. Le Grenelle 2 a introduit dans le Code de l'environnement une disposition permettant à une autorité administrative de désigner d'intérêt général un ouvrage photovoltaïque. Les baux emphytéotiques ou les conventions d'occupation devront donc être conclus pour l'accomplissement d'une mission de service public ou d'intérêt général.
Reste aussi à intégrer les panneaux solaires en toitures au régime de garantie décennale. Les assureurs s'y préparent, en élaborant de nouveaux systèmes de garanties de risques chantiers et de performances, assure Jean-Baptiste Crocombette, agent général chez AXA. Eléments importants de sécurisation du marché, ces nouveaux produits sont en cours d'élaboration, et sont très attendus par la filière photovoltaïque.