Dans une décision du 2 octobre, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) impose de nouvelles mesures de restriction pour le prosulfocarbe, afin d'accentuer la protection des riverains. L'agence rend cette décision après deux alertes sur la présence dans l'air et sur des cultures non cibles de résidus de cette substance herbicide.
Enfants : un risque d'exposition par voie cutanée ?
Après investigations, l'Anses indique que les niveaux de concentration relevés sur des denrées alimentaires contaminées (roquette, cresson, pommes) ne dépassent pas les seuils de risque pour les consommateurs. En revanche, la contamination de cultures non cibles crée des préjudices économiques, notamment pour les filières biologiques, souligne-t-elle. Depuis 2020, la filière du sarrasin bio déplore plus d'un demi-million d'euros de pertes, estime ainsi la Fédération nationale de l'agriculture biologique (Fnab).
Sur la présence de résidus dans l'air, les niveaux mesurés dans les situations d'alerte ne présentent pas de préoccupation sanitaire, souligne l'agence. En revanche, « l'Anses ne peut pas exclure, pour une exposition par voie cutanée principalement, le dépassement des seuils de sécurité pour des enfants se trouvant à moins de 10 mètres de distance de la culture lors des traitements ». Elle s'est appuyée sur les méthodes d'estimation de l'exposition réactualisées en 2022 par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). D'où les nouvelles mesures de restriction, dont l'objectif est de réduire les dérives de cette substance très volatile.
Des mesures de restriction au 1er novembre
Les doses maximales d'application seront réduites d'au moins 40 % à partir du 1er novembre. Les utilisateurs devront doter les rampes de traitement de buses à 90 % de réduction de dérive (au lieu de 66 % aujourd'hui), comme c'est déjà le cas en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Ils devront également respecter une distance de sécurité de dix mètres, contre cinq aujourd'hui. Cette distance devra être portée à vingt mètres le temps d'équiper les rampes de traitement.
Si elle salue ces premières mesures, l'ONG Générations futures s'interroge sur leur efficacité, mais aussi sur leur effectivité : des contrôles spéciaux vont-ils être mis en place ? Et de regretter que l'Anses n'ait pas procédé à un retrait immédiat des AMM. Même son de cloche chez Eau et rivières de Bretagne : « Le durcissement des conditions d'utilisation permet de surseoir à la nécessité d'une procédure de retrait pure et simple du prosulfocarbe. Compte tenu de la volatilité de cette molécule, il ne doit pas être question de mieux l'utiliser mais bien d'en interdire l'usage. »
Une décision européenne repoussée à 2027
Le prosulfocarbe, autorisé depuis 1990 en France, est la deuxième substance active la plus vendue (6 500 tonnes par an). Son utilisation a particulièrement augmenté dans les années 2010, en raison de la baisse des substances actives autorisées, explique l'Anses. Cet herbicide est employé sur un tiers des surfaces cultivées en céréales, sur les deux tiers des cultures de pommes de terre et sur la moitié des surfaces de carottes, pour lutter contre des graminées adventices.
Cette substance est classée toxique aigu par voie orale. Elle peut également provoquer une allergie cutanée et est toxique pour les organismes aquatiques, avec des effets à long terme (biopersistance).
Le renouvellement de son approbation est actuellement en cours à l'échelle européenne. La Commission européenne a décidé, mi-septembre, de prolonger son autorisation jusqu'en 2027, au lieu du 31 octobre 2023 initialement, afin de mener les évaluations nécessaires.