
Président de la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier (Fidi)
Actu-Environnement : Comment les diagnostiqueurs immobiliers accueillent le nouveau DPE des logements qui sera appliqué à compter du 1er juillet ?
Lionel Janot : La Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier (Fidi) accueille avec beaucoup de satisfaction le nouveau DPE car il est amélioré, fiabilisé et plus lisible. Le fait que le DPE devienne opposable a une vertu car cela permet de rendre le document plus important pour toutes les parties.
Le vendeur, le propriétaire ou le maître d'ouvrage devra faire attention aux informations qu'il va communiquer sur les travaux qui ont eu lieu ou les matériaux et les équipements utilisés, de manière à ce que l'étiquette soit la plus fiable possible pour les ventes et les locations. Les diagnostiqueurs seront responsables des informations qui seront intégrées dans le DPE mais pas des recommandations de travaux.
La réforme du DPE harmonise également les règles de calcul des consommations énergétiques pour tous les types de bâtiments en conservant la méthode « 3CL ». La méthode sur factures, qui était basée sur la consommation des occupants, ne sera plus utilisée, ce qui est très positif.
AE : Comment vont se passer sur le terrain les nouveaux diagnostics ?
LJ : La profession est dans les starting-blocks et mobilisée pour intégrer les différentes modifications à mettre en place. Toutefois, aujourd'hui on ne peut pas réaliser le nouveau DPE « version 3 » car les logiciels ne sont pas encore disponibles et sont en cours de finalisation. Nous sommes informés qu'ils devraient sortir avant le 1er juillet. Nous devrons nous adapter rapidement ! Mais aujourd'hui, 1er juin, nous commençons à être assez inquiets car nous ne pouvons pas encore « prendre en main » les nouveaux logiciels, même pour réaliser des tests.
Ce nouveau DPE prendra plus de temps car l'opérateur devra enregistrer plus de données qu'auparavant et collecter et analyser plus de documents pour établir une étiquette la plus représentative. En amont, il y aura des échanges plus importants entre les maîtres d'ouvrage et les diagnostiqueurs immobiliers pour obtenir les informations. L'opposabilité implique en effet que toutes les données soient précises et vérifiées par des documents transmis par le propriétaire.
AE : Serez-vous prêts au 1er juillet ?
LJ : Comme je l'évoque, à l'heure où je vous parle, nous n'avons pas de version tests des logiciels. Les dates de mise à disposition des logiciels restent incertaines et il semble que tous les bugs ne seront pas corrigés pour le 1er juillet. Ces incertitudes impliquent une période de préparation trop courte voire inexistante, un risque de tension forte avec nos partenaires, les professionnels de l'immobilier, ainsi qu'un risque de confusion pour les propriétaires et bailleurs, sachant que si les logiciels ne sont pas stabilisés, le risque d'étiquette fausse est envisageable. Le nouveau DPE est l'un des leviers importants de la loi climat et résilience, un mauvais départ va décrédibiliser gravement le nouveau DPE avec des conséquences juridiques. Nous demandons aux pouvoirs publics de permettre l'utilisation de la méthode 3CL version 2 (actuelle) en parallèle de la version 3 dès qu'elle sera disponible et ce jusqu'au 30 septembre 2021. Ce qui va permettre aux pouvoirs publics et aux éditeurs de logiciels de terminer sereinement les logiciels, et de permettre à la filière et aux professionnels de l'immobilier de poursuivre leur préparation, déjà bien commencée pour s'approprier tous les mécanismes et les conséquences de ce nouveau DPE.
AE : Le nouveau DPE nécessitera donc plus d'investigations de la part du diagnostiqueur. Son prix actuel est d'environ 200 euros. Coûtera-t-il plus cher ?
LJ : Tout dépend des diagnostiqueurs. Le nouveau DPE nécessitera un temps supplémentaire de gestion documentaire et administrative qu'il n'y avait pas auparavant, de plus le temps sur place sera également plus long que pour la version V2. En conséquence, le temps total de réalisation d'un DPE sera plus important. Si le temps de travail est plus important pour le nouveau DPE, le tarif pourra être revalorisé en proportion.
AE : L'interdiction de location des passoires thermiques dès 2025 pour l'étiquette G, et en 2028 pour l'étiquette F, est prévue par le projet de loi climat. Les diagnostiqueurs ne craignent-ils pas des pressions des clients pour améliorer le résultat du DPE ?
LJ : L'opposabilité et les risques de mise en cause juridique pour le propriétaire comme pour le diagnostiqueur clarifient les choses, et permettent de bien mesurer les conséquences aussi bien pour ceux qui feraient des pressions que pour ceux qui seraient susceptibles de les accepter. Donc non, je ne crains absolument pas que nous subissions des pressions. Il y aura peut-être des demandes, nous expliquerons alors clairement pourquoi toute pression n'est pas acceptable. Il est dans notre mission d'expliquer et d'être pédagogues, techniquement et juridiquement.