La convention d'Aarhus garantit l'accès à la justice en matière d'environnement. Par une décision du 14 juin, le Tribunal de l'UE a jugé, en application de ce traité international, que l'action judiciaire des ONG n'était pas limitée à la contestation des seules mesures de portée individuelle prises par les instances communautaires.
L'arrêt a été rendu dans le cadre d'un contentieux opposant deux ONG, ayant pour objet la protection de l'environnement et la lutte contre l'emploi de pesticides chimiques, à la Commission européenne.
En janvier 2008, la Commission a adopté le règlement 149/2008 fixant des limites maximales de résidus de pesticides dans les denrées alimentaires. Par lettres des 7 et 10 avril 2008, les deux ONG ont demandé à la Commission de procéder au "réexamen interne" de ces dispositions sur le fondement du règlement 1367/2006 concernant l'application aux institutions et organes de l'UE de la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement.
Par deux décisions du 1er juillet 2008, la Commission a rejeté les demandes de réexamen des ONG. Pour elle, le règlement contesté n'est pas une mesure de portée individuelle. Or, le règlement 1367/2006 limite les demandes de réexamen interne à "toute mesure de portée individuelle au titre du droit de l'environnement arrêtée par une institution ou un organe communautaire et ayant un effet juridiquement contraignant et extérieur".
Règlement non conforme à la convention d'Aarhus
Les ONG ont alors introduit un recours contre les décisions de la Commission, recours fondé sur deux moyens, dont le deuxième, tiré de l'invalidité de l'article 10, paragraphe 1, du règlement 1367/2006, a été accueilli par le Tribunal.
Que prévoit cet article ? "Toute organisation non gouvernementale satisfaisant aux critères prévus à l'article 11 est habilitée à introduire une demande de réexamen interne auprès de l'institution ou de l'organe communautaire qui a adopté un acte administratif au titre du droit de l'environnement ou, en cas d'allégation d'omission administrative, qui était censé avoir adopté un tel acte." La notion d'acte administratif contenue dans cette disposition est définie à l'article 2 du règlement comme étant "toute mesure de portée individuelle au titre du droit de l'environnement arrêtée par une institution ou un organe communautaire et ayant un effet juridiquement contraignant et extérieur".
Or, la validité des dispositions de ce règlement doit être vérifiée par rapport à la convention d'Aarhus qui, signée et approuvée par l'UE, "bénéficie de la primauté sur les actes communautaires dérivés". L'article 9, paragraphe 3, de cette convention prévoit que "chaque Partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d'autorités publiques allant à l'encontre des dispositions du droit national de l'environnement".
Et c'est là que le bât blesse. Car, comme le relève le Tribunal, cette disposition de la convention d'Aarhus ne peut être interprétée comme se référant uniquement aux mesures de portée individuelle. Par conséquent, le règlement 1367/2006, en ce qu'il limite la notion d'"actes" de l'article 9, paragraphe 3, de la convention d 'Aarhus aux seules "mesures de portée individuelle", n'est pas compatible avec ladite convention. Le Tribunal annule par conséquent les décisions de la Commission qui avaient rejeté les demandes des ONG.
Un impact positif énorme pour les ONG
"Cet arrêt du Tribunal ouvre donc de manière bien plus large la possibilité pour les ONG de solliciter le réexamen des décisions de la Commission européenne en matière d'environnement", analyse Arnaud Gossement. Pour l'avocat spécialisé en droit de l'environnement, cette décision "ne sera pas sans conséquence pour les conditions du lobbying auprès des institutions de l'Union européenne et l'avenir du droit de l'environnement", qui, rappelle-t-il, "est d'abord un droit européen".
"Cette décision aura un impact positif énorme sur les ONG dans la défense des intérêts publics devant la justice européenne", se félicite l'association Générations Futures. François Veillerette, son porte-parole et président de PAN-Europe, l'une des deux ONG à l'origine du recours, regrette toutefois que la justice européenne doive "forcer l'UE à respecter les traités internationaux qu'elle a signés et demande à la Commission et au Conseil de ne pas aller en appel".