"Assurer la viabilité de l'espèce en France tout en protégeant mieux les troupeaux et les éleveurs." C'est ainsi que le ministre de l'Agriculture résume l'objectif du nouveau plan loup qu'il a rendu public avec son collègue de l'Ecologie ce lundi 19 février. Signe de mécontentement de Nicolas Hulot ? Le ministère de la Transition écologique a publié le plan de façon brute sans l'accompagner d'un quelconque communiqué.
Ce dernier avait annoncé en juin 2017 la remise à plat du dispositif de régulation. Le plan, destiné à concilier préservation de cette espèce protégée et protection des intérêts des éleveurs, a fait l'objet courant janvier d'une consultation publique qui a recueilli 5.760 contributions. Il a recueilli en parallèle un avis positif, assorti de fortes réserves, du Conseil national de protection de la nature (CNPN).
Un objectif de 500 loups d'ici 2023
"Le plan loup a pour objectif d'élaborer une nouvelle méthode de gestion de l'espèce, fondée sur une meilleure connaissance de l'espèce et de ses modes de vies, pour mieux la protéger et permettre également la protection des troupeaux et des éleveurs", explique Stéphane Travert. Le ministre de l'Agriculture met en avant plusieurs évolutions méthodologiques : une meilleure intégration des données scientifiques, la mise en place d'un dispositif de gestion de l'espèce pluriannuel permettant une vision de long terme, une réponse territoriale adaptée aux situations vécues par les éleveurs, la révision de la gouvernance du plan en intégrant des élus des territoires concernés.
Pour 2018, le plafond de prélèvement est fixé à 40 spécimens, alors que la population totale était estimée entre 264 et 402 spécimens au printemps dernier. Dès 2019, le plafond est fixé à 10% de la population sur la base de recommandations scientifiques, avec une possibilité de relèvement de 2% du plafond. Le plan se fixe comme objectif d'atteindre 500 loups d'ici 2023. "Une fois l'objectif atteint, le dispositif de gestion de la la population de loups sera réexaminé", indique le gouvernement.
"Plusieurs éléments issus de la concertation du public et des acteurs ont été intégrés dans la version actualisée de ce plan", affirme le ministère de l'Agriculture. Une consultation, dont "75% des contributions [insistaient] sur l'importance de la préservation du loup tandis que 25% [soutenaient] l'élevage face à la prédation", indiquent les deux ministères. Parmi les nouvelles actions ajoutées, ceux-ci mentionnent l'accompagnement du suivi de la population en "mobilisant une expertise de haut niveau en appui de l'ONCFS". Celle-ci sera notamment chargée de se pencher sur la question des loups hybrides. Les deux ministères annoncent également une action de prévention pour mieux gérer les chiens errants.
"Il faut que, pour le loup, la vision d'une brebis, soit synonyme de coup de fusil"
Le plan a été publié à l'heure même de la conférence de presse de la FNSEA à l'occasion du Salon de l'agriculture. Sa présidente, Christiane Lambert, s'est tout d'abord montrée plutôt satisfaite de l'abattage de 40 loups en 2018, tout en manifestant son inquiétude sur la nécessité d'un accord préalable du préfet coordonnateur. Mais la présidente du syndicat agricole majoritaire s'est ensuite positionnée en faveur d'un abattage du prédateur à chaque attaque. "Il faut que, pour le loup, la vision d'une brebis, soit synonyme de coup de fusil", a déclaré Mme Lambert. Le communiqué de son organisation, publié quelques heures plus tard, est très sévère. "Les décideurs politiques font le choix de l'ensauvagement des territoires au détriment des activités humaines. Ce choix n'est pas le nôtre", indique le syndicat agricole, qui cosigne le communiqué avec la Fédération nationale ovine (FNO) et les chambres d'agriculture (APCA).
La colère est palpable également du côté de la Confédération paysanne, selon laquelle le plan ignore la situation qu'endurent les éleveurs. "Pire, affirme le syndicat paysan, il se fixe un objectif d'une population de 500 loups d'ici à la fin du quinquennat, contre 360 aujourd'hui ! Tout en imposant la conditionnalité entre moyens de protection et indemnisation des victimes, sans réelle volonté de dédommager l'intégralité du préjudice". L'organisation agricole rappelle ainsi quelques chiffres : "l'année dernière, la seule protection a coûté 26 millions d'euros, dont 5 millions à la charge des éleveurs pour un résultat dérisoire, puisque plus de 11.000 bêtes ont été tuées".
Carcactère contre-productif des abattages
Les associations de protection de la nature ne sont pas en reste dans les critiques. Cinq d'entre elles (FNE, LPO, WWF, Humanité et biodiversité, Férus) dénoncent "un manque de courage politique". Elles pointent l'inefficacité, voire le caractère contre-productif, des abattages sur la réduction des attaques de troupeaux. Les ONG critiquent également l'incapacité de l'Etat à mettre en avant les bénéfices que peut apporter le retour du prédateur, citant la limitation de l'impact des populations d'ongulés en forêt.
"Au final, on autorise à tuer soixante-quinze loups en dix-huit mois, soit 20% de la population", s'indigne de son côté Madline Reynaud, directrice de l'Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas), dans les colonnes du Monde. Avant même leur parution, cette dernière annonce qu'elle attaquera devant le Conseil d'Etat les deux arrêtés qui prévoient les conditions de destruction du loup. Les projets de texte avaient recueilli un avis négatif du CNPN en janvier.