Difficile pour l'instant de connaître les chiffres exacts de la population de loups en France. Le bilan 2022 est en cours de publication, mais les principaux chiffres ont été dévoilés, lundi 3 juillet, à Lyon, par la préfète coordinatrice du Plan national loup, Fabienne Buccio. Cette communication a eu lieu à l'occasion d'une réunion des membres du Groupe national loup destinée à dresser le bilan du plan actuel, qui couvre la période 2018 à 2023, et préparer le nouveau qui couvrira la période 2024 à 2029.
L'estimation provisoire fait état de 906 loups, pour 921 spécimens il y a un an. Soit une possible baisse, le chiffre devant être affiné durant l'été, alors que leur nombre n'a cessé d'augmenter durant la décennie écoulée, avec plus d'un doublement depuis 2018 (430 individus). Ce chiffre a toutefois suscité la colère de plusieurs organisations agricoles (FNSEA, JA, FNO, FNB, FNC, Chambres d'agriculture de France) qui ont décidé de claquer la porte de la réunion. Il faut dire qu'il conditionne le nombre maximal de loups pouvant être détruits chaque année.
« Hausse des destructions illégales »
« Cette évolution intervient après l'année 2022 au cours de laquelle 162 loups ont été tués lors de tirs légaux dérogatoires. Un nombre record accompagné d'une hausse des destructions illégales », observe l'Association nationale pour la défense et la sauvegarde des grands prédateurs (Férus). « La facilitation de la politique de tirs combinée à une forte augmentation du taux annuel de destructions légales – passé de 10 % de la population estimée en 2018 à 19 % en 2020 – risquait de provoquer une baisse du taux de survie et un affaiblissement de la population. C'est ce qui se vérifie aujourd'hui », estime l'association naturaliste.
Dans son avis du 24 mai dernier sur les projets d'arrêtés de régulation du loup, le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) estime, au contraire, que le seuil de viabilité de la population n'est pas atteint. « La taille efficace en dessous de laquelle la conservation d'une population démographiquement et écologiquement viable n'est plus assurée sur le long terme correspond à 500 adultes potentiellement reproducteurs, et non pas 500 individus, ce qui est bien différent », explique l'instance consultative. Fort de cet avis, Férus réclame au Gouvernement de revoir le taux annuel maximal de destructions légales à la baisse, sans même attendre la finalisation du prochain plan national.
Expansion géographique
La préfecture de région Auvergne-Rhône-Alpes, chargée de la coordination du Plan loup, confirme une hausse des attaques, mais précise qu'elle concerne surtout les nouveaux territoires de prédation. Car l'expansion géographique du canidé se poursuit. « En 2022, 53 départements sont désormais impactés par la prédation, contre 27 en 2017. Soit cinq nouveaux départements par an ! » pointe la Confédération paysanne. « La gravité de la situation exige donc autre chose que la posture de la FNSEA et de ses satellites qui continuent d'entretenir le déni avec l'objectif "zéro attaque", totalement démagogique et irresponsable, qui mène l'élevage plein air, pastoral et herbager dans l'impasse », estime le syndicat paysan. « L'objectif des prélèvements est de réduire les dégâts aux troupeaux et non de réguler la population de loups ! » tient à rappeler ce dernier.
« Dans les régions où le loup est installé depuis longtemps, les attaques contre les troupeaux diminuent », rappelle toutefois France Nature Environnement (FNE). « Le nombre de victimes reste stable sur le plan national », assurent effectivement les services de l'État. Ce nombre était de 10 800 en 2021. Dix nouveaux départements peuvent désormais prétendre au dispositif d'aide à la protection, ajoute la préfecture, ce qui porte leur nombre à soixante. Cette dernière annonce également « une enveloppe financière complémentaire de 1,5 million d'euros (…) pour accompagner les éleveurs dans de nouveaux besoins de protection ». En 2021, l'État avait engagé 30 millions dans la protection des troupeaux et 3,5 millions en indemnisation des dommages.
Parmi les actions annoncées dans le cadre de cette rallonge budgétaire figurent des diagnostics de vulnérabilité territoriaux dans les territoires les plus prédatés, une aide au choix des clôtures et à leur déploiement, le recensement et la gestion des incidents impliquant des chiens de protection ou encore l'expérimentation de moyens de protection ou d'effarouchement dans les élevages bovins.
Ces annonces suffiront-elles à faire revenir les organisations agricoles autour de la table ? Pas sûr. La prochaine réunion du Groupe national loup est prévu le 4 septembre prochain en vue de présenter le nouveau Plan loup, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2024. Les organisations démissionnaires réclament « un plan de sauvegarde de l'élevage ». « Il y a urgence à inverser les tendances (…). Les tensions dans les territoires ruraux touchés par la prédation s'accroissent d'année en année », assurent ces dernières.
« Le plan loup 2024-2029 ne sera pas à la hauteur des enjeux à venir ! » estime dès à présent la Confédération paysanne, qui réclame un financement à 100 % des mesures de protection. « Face à l'explosion de la prédation, un budget constant pour les cinq prochaines années serait insuffisant et irresponsable », juge le syndicat paysan.