« La réussite globale de la filière méthanisation en France suppose que les premières installations soient exemplaires et ne produisent pas de nuisances », rappelle un rapport (1) du ministère de la Transition écologique qui formule une série de recommandations pour y parvenir. Le document étudie le cas particulier du méthaniseur industriel de BioQuercy à Gramat (Lot) qui fait l'objet d'une vive opposition. Les recommandations formulées par les services du ministère s'adressent d'abord aux acteurs du projet. Mais elles « peuvent [aussi] être transposées sur de futurs projets pour que l'acceptabilité sociale de cette production d'énergie soit améliorée », explique la mission, qui propose que ses recommandations « soient (…) étudiées comme base de réflexion à l'amélioration continue de la réglementation nationale ».
Systématiser l'utilisation de filtres à charbon
Le méthaniseur de BioQuercy, d'une capacité annuelle de 57 000 tonnes de matière organique, est un cas d'école. Il a fait l'objet d'une opposition dès l'enquête publique. « Dès son démarrage », il a connu des difficultés d'exploitation qui se sont traduites par deux arrêtés préfectoraux de mise en demeure en 2018. « Ces dysfonctionnements ont alimenté des réactions de défiance renforçant les inquiétudes [initiales] », alertent les services du ministère, qui estiment que cette situation « [peut] porter un discrédit sur l'ensemble de la filière de méthanisation ».
L'un des principaux points de contestation concerne les odeurs. La méthanisation, qui fonctionne en milieu anaérobie, est effectuée dans un digesteur confiné. Par contre, le stockage et le broyage des matières premières sont sources d'odeurs. Normalement, les flux associés sont filtrés. Problème : « le biofiltre mis en place différait de celui présenté dans le dossier de demande d'autorisation ». Les résultats n'étant pas à la hauteur, un filtre à charbon actif a donc été installé en parallèle du biofiltre. Cet équipement donnant satisfaction, le rapport recommande de « systématiser [son] utilisation ».
Une autre source de contestation importante concerne les intrants et le digestat. Certains acteurs ont estimé que des déchets non autorisés (boues de stations d'épuration communales, carcasses d'animaux...) ont été utilisés. Par ailleurs, à deux reprises, les caractéristiques du digestat n'ont pas été rigoureusement conformes, ce que n'a pas signalé l'industriel. Concernant, les intrants, « aucun élément n'a été signalé aux services de l'État ou détecté par la mission ». Mais pour couper court aux suspicions, le rapport suggère d'identifier systématiquement, sur le registre entrée-sortie, les dénomination et localisation du fournisseur d'intrant ou du destinataire de digestat. Le rapport recommande aussi d'améliorer la mise en ligne des résultats des autocontrôles.
Renforcer le suivi des épandages
S'agissant des non-conformités constatées sur les sites de stockage de digestat, notamment chez les agriculteurs, le rapport propose de modifier l'arrêté préfectoral d'autorisation pour y intégrer des spécifications et fixer la responsabilité des exploitations. Il recommande aussi de « confier l'inspection et le suivi de l'ensemble du stockage du digestat, y compris chez les agriculteurs, au service chargé de l'inspection de l'unité de méthanisation ».
Enfin, les opposants ont émis des doutes quant à l'innocuité du digestat pour les abeilles, la microfaune, ou encore les eaux souterraines. Toutes ces questions ne sont pas tranchées. « La mission considère [donc] souhaitable de doter la commission locale de suivi d'un observatoire participatif à même d'avancer sur ces questions complexes en s'appuyant sur des données locales tenant compte des spécificités du territoire ».