Le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, et la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, souhaitent autoriser l'emploi de produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes pour aider la filière betteravière-sucre qui est frappée par une crise « inédite » de jaunisse véhiculée par des pucerons. Jusqu'à 50 % de la production nationale pourrait être détruite.
Ces pesticides, nocifs pour les pollinisateurs comme les abeilles, sont interdits depuis septembre 2018 par la loi Biodiversité de 2016. Une modification législative sera donc discutée à l'automne pour « pérenniser » la production de sucre en France, ont annoncé, le 6 août, M. Denormandie et les syndicats agricoles FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA).
L'utilisation via l'enrobage des semences de néonicotinoïdes devrait être ré-autorisée pour les semis du printemps 2021, « et le cas échéant des deux années suivantes, laissant le temps à la recherche d'aboutir », ont salué la FNSEA et JA. Le Gouvernement prévoit de prendre au moment des semis une dérogation de 120 jours pour les semences enrobées, « dans des conditions strictement encadrées ». Cette dérogation est permise par le règlement européen d'octobre 2009 sur la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, a justifié le ministre de l'Agriculture, « comme le font d'autres pays européens confrontés aux mêmes difficultés ».
Cinq millions d'euros pour la recherche d'alternatives aux néonicotinoïdes
Et d'ajouter : « Face à cette crise, les alternatives aux néonicotinoïdes pour la betterave se sont avérées inefficaces pour l'instant. Les néonicotinoïdes sont donc la seule solution de court terme pour sauver la filière ».
Les deux ministres prévoient de débloquer 5 millions d'euros pour la recherche d'alternatives pour la filière de la betterave et mettre en place un comité de suivi spécifique. « Par alternatives, il faut entendre des solutions chimiques moins dangereuses, mais aussi d'autres pratiques, des parcelles plus petites et/ou converties au bio par exemple, qui peuvent contribuer à lutter contre la diffusion de virus », a souligné Mme Pompili. Elle assure « que plus de 90 % des usages des néonicotinoïdes restent interdits ».
Maintenir leur interdiction pour protéger les abeilles
Pour leur part, les défenseurs de l'environnement et les apiculteurs fustigent ce retour à l'utilisation de néonicotinoïdes pour les producteurs de betteraves. Ils craignent pour la santé des insectes pollinisateurs.
Les ONG Générations futures et Pollinis, ou encore le syndicat agricole Confédération Paysanne et le syndicat apicole Unaf, demandent « que tous les néonicotinoïdes restent interdits ! ». Ils dénoncent « un recul inacceptable » de la loi Biodiversité, alors que les producteurs de maïs ont demandé à leur tour une telle dérogation. Cette décision « serait catastrophique pour la filière apicole et pour l'ensemble des insectes pollinisateurs déjà fortement fragilisés en France », déplore l'Unaf.
Les ministres justifient que « les betteraves ne produisent pas de fleurs avant la période de récolte, ce qui circonscrit l'impact de ces insecticides sur les insectes pollinisateurs ». Mais les défenseurs des abeilles estiment que cette mesure « visant à interdire de planter des cultures à fleur après la culture de la betterave « aux néonicotinoïdes » ne sera pas suffisante » pour les protéger. Générations futures a lancé une pétition pour s'opposer à cette dérogation qui a déjà recueilli plus de 93 000 signataires.