Robots
Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
Actu-Environnement

La neutralité carbone, nouveau mantra de la politique du climat

Le texte succinct de l'avant-projet de loi sur l'énergie renonce à préciser un objectif chiffré des trajectoires d'émissions au profit du concept de neutralité carbone, au risque de rester dans le flou.

Gouvernance  |    |  A. Sinaï

Le 4 février dernier, le gouvernement a saisi le Conseil économique, sociale et environnementale (Cese) d'un avis concernant l'article 1 d'un avant-projet dit de petite loi énergie. Au cœur de cet article, un changement de paradigme : la disparition du facteur 4, objectif climatique de division des gaz à effet de serre adopté au début des années 2000, au profit de celui de ‘'neutralité carbone''.

Nouveau mantra des politiques climatiques, la neutralité carbone, depuis l'Accord de Paris, devient ainsi le principal levier des stratégies de maîtrise des émissions. Il s'agit d'un ''attracteur politique fort'', comme le souligne l'Iddri dans une note parue le 12 février. Au risque d'ouvrir une boîte de Pandore. Car comme le souligne César Dugast, consultant chez Carbone 4, ‘'le Facteur 4 ne souffre d'aucune ambiguïté : il s'agit de réduire les émissions de 75 % par rapport à 1990, point. La « neutralité carbone », elle, ouvre la porte à jouer sur non pas un, mais deux paramètres : les émissions et les puits''.

Beaucoup d'encre a déjà coulé pour tenter de préciser ce que pourrait recouvrir cette arithmétique de carbone ''neutre'' et d'émissions ''nettes'', que l'Iddri définit comme ''point d'équilibre, à un instant donné, entre les émissions inévitables de gaz à effet de serre provenant principalement de secteurs comme l'agriculture et l'industrie lourde et la quantité de carbone que peuvent capter soit les puits de carbone naturels (forêts, sols, océans), contraints par des limites biophysiques, soit, dans un avenir encore hypothétique, des technologies de capture et stockage de carbone. ''

Parvenir à la neutralité carbone à l'horizon 2050 sans recourir à des mécanismes de compensation, constitue, de fait, un véritable défi. Comme le souligne le document officiel de présentation de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), publié en décembre 2018, cela reviendrait à réduire nos émissions d'un facteur 8 environ. ‘'Cette trajectoire nécessiterait des efforts très ambitieux en matière d'efficacité énergétique, mais également en termes de sobriété, impliquant des investissements massifs et une transformation substantielle de nos modes de consommation et de production'', selon les termes mêmes de la SNBC.

Or l'avant-projet de loi énergie annonce une dilution des objectifs. La réduction de la consommation d'énergie finale devrait passer de -20 % entre 2012 et 2030, tel que prévu par la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015, à seulement -17 %. Et ce, de l'aveu du gouvernement, au regard des ‘'leviers'' insuffisants sur la période.

Des politiques à géométrie variable

Le dilemme est d'autant plus patent que le contexte est celui d'un relâchement des trajectoires, en raison de la difficulté de mettre en œuvre des politiques fiscales à l'heure de la révolte des gilets jaunes. La SNBC, présentée en décembre 2018, constate que le bilan de la mise en oeuvre de la première phase de la SNBC n'est pas probant : le premier budget carbone (sur la période 2015-2018) a été dépassé. Celle-ci doit donc concéder un budget carbone plus élevé que prévu dans la phase 2019-2023. Selon le document officiel de la SNBC, le troisième budget carbone devra être respecté sans marge, pour revenir sur la bonne trajectoire.

Comme le souligne Michel Colombier, directeur scientifique de l'Iddri, ‘'la neutralité carbone en soi ne dit pas la hauteur des puits et la hauteur des émissions. Dans la SNBC, la position est rigoureuse, sans offsets (sans compensations extérieures au périmètre, ndlr), avec peu de CCS (captage et stockage de CO2) et une réduction drastique des émissions. Si on le prend comme ça, pas de quoi s'inquiéter. Mais le mot neutralité fait quand même bien flou. Une solution serait de préciser que cette neutralité carbone se fait dans le périmètre national, c'est-à-dire sans recours aux offsets et en limitant les puits technologiques. Sur le nucléaire, on recule l'objectif dans la loi, en le repoussant à 2035, car tout le monde était conscient que 2025 était un objectif inatteignable. Mais c'est le contraire avec les objectifs de réduction de la consommation d'énergie : le gouvernement veut baisser par la loi les objectifs existants, au motif d'une tendance insuffisante à l'heure actuelle, sans en analyser les causes ni chercher à y remédier : on ne peut pas faire ça sans débat". Et ce d'autant que la SNBC n'a pas encore été adoptée et que les acteurs consultés pendant l'élaboration de la programmation pluriannuelle de l'énergie ont fait part de leur désacccord avec le report de ces objectifs.

Dès lors, comment atteindre le ‘'facteur 8'' annoncé en filigrane par la petite loi énergie ? A l'occasion d'une journée d'étude en mai 2017, Jérôme Boutang, directeur général du Citepa, organisme chargé des inventaires nationaux de gaz à effet de serre, estimait qu'à l'horizon 2035, une réduction de 50 % des émissions de GES par rapport à 1990 était nécessaire afin d'atteindre le facteur 4. ‘'Pour atteindre l'objectif de zéro émission nette, de l'ordre de 140 millions de tonnes de CO2 équivalent résiduelles devront être ‘'effacées'' selon divers moyens tels que des abattements complémentaires, des compensations, les puits de carbone ou encore les mécanismes de marché''.

Une étude de l'Iddri (1) a montré, en octobre 2018, que les secteurs des transports et des bâtiments restent à ce jour les plus inquiétants pour les trajectoires d'émissions.

1. Télécharger l'étude de l'Iddri
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-32889-etude.pdf

RéactionsAucune réaction à cet article

Réagissez ou posez une question

Les réactions aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Je veux retrouver mon mot de passe
Tous les champs sont obligatoires

Partager

Conseil en droit de l'Énergie et de la transition énergétique Cabinet Valentin Renoux - Avocat
Accompagner votre démarche Économie circulaire et RSE Eurofins Environnement France