La Commission européenne a finalement tranché en faveur de droits de douane sur les importations de panneaux photovoltaïques chinois. Elle a toutefois choisi de durcir progressivement la sanction, pour laisser une porte entrouverte à la discussion. Ainsi à partir du 6 juin, des droits antidumping provisoires de 11,8% seront imposés sur les wafers, cellules et modules d'origine chinoise durant deux mois puis, en l'absence d'accord, ces taux passeront en moyenne à 47,6% (1) à partir du 6 août.
"Notre action vise à assurer une concurrence loyale et le respect des règles commerciales internationales de l'Organisation mondiale du commerce auxquelles l'Europe et la Chine ont souscrit, a justifié Karel De Gucht, le commissaire européen au commerce, disposer de panneaux pas chers et abondants semble à première vue intéressant mais cela finira par conduire à une course vers le bas et tout le monde sera perdant ".
Un choix qui divise
Les enjeux liés à cette décision divisent les différentes parties prenantes. En particulier, des pays comme l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas souhaitaient continuer le dialogue et ne pas entrer dans une confrontation ouverte.
A travers Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur et Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, le gouvernement français a, quant à lui, salué et soutenu la position de la Commission européenne. Les ministres appellent désormais "à l'esprit de responsabilité et à la solidarité communautaire".
Selon la Commission, les panneaux chinois occupent 80% des parts de marché de l'UE. La Chine produirait aujourd'hui l'équivalent de 150% de la consommation mondiale totale de panneaux. Autre grief : selon la Commission, un prix de vente "équitable" des panneaux solaire chinois serait 88% plus élevé que le prix actuel.
"Nous sommes soulagés que la Commission européenne ait finalement décidé d'introduire des mesures concrètes contre le dumping chinois, qui a déjà coûté des milliers d'emplois et plus de 60 fermetures d'usines au sein de l'industrie solaire européenne", a réagi dans un communiqué, EU ProSun, groupement de fabricants solaires européens à l'origine de la plainte initiale.
Un soulagement que ne partage pas tous les acteurs de la filière. Pour Jean-Pascal Pham-Ba, secrétaire général de la société Solairedirect, la concurrence livrée par les entreprises chinoises a contribué à la compétitivité du solaire par rapport à d'autres sources d'énergie électrique. "Si nous entrons dans une guerre avec la Chine, il n'y aura pas le meilleur des deux mondes, mais seulement des panneaux photovoltaïques européens peu nombreux et très chers…incompatibles avec le niveau de tarif d'achat - qu'ils bénéficient de la bonification ou pas, déplore t-il, une politique protectionniste aura pour effet immédiat compte tenu des politiques tarifaires gouvernementales, l'arrêt complet du développement de l'activité solaire".
L'Alliance pour une Energie Solaire Abordable (AFASE), "groupement d'entreprises de l'industrie photovoltaïque européenne" s'oppose également à l'imposition de droits antidumping à l'encontre des produits solaires importés de Chine. Celle-ci considère que "des prélèvements à l'importation de 60%" menacent "plus de 240.000 emplois dans l'industrie solaire principalement dans le secteur de la construction et de l'installation". Une position soutenue par plusieurs ONG écologistes. "Plutôt que de regarder la situation dans son ensemble (…), la Commission se concentre sur un problème mineur, estime Stephan Singer, en charge de la politique énergétique mondiale au WWF, la destruction de nouvelles activités commerciales propres en s'engageant dans une guerre commerciale avec la Chine est la dernière chose dont nous avons besoin en ce moment".
Les menaces de rétorsions de la Chine
Yannick Jadot, député européen EELV, vice-président de la commission du commerce international regrette quant à lui la révision à la baisse des mesures anti-dumping finalement adoptées par la Commission. "Depuis plus d'un an, la Chine a menacé de rétorsions d'abord les acteurs de la filière photovoltaïques, puis l'Europe, enfin les États-membres les plus fragiles qui dépendent pour partie des investissements chinois" dénonce t-il.
Cette dernière a mis ses menaces à exécution. En réaction à la décision de la Commission, Pékin a annoncé l'ouverture d'une enquête sur les importations de vins de l'Union européenne. Selon l'AFP, le montant annuel de ces exportations européennes vers la Chine dépasse 1 milliard d'euros. La France est le premier exportateur européen vers la Chine avec 140 millions de litres de vin vendus en 2012, pour un montant de 788 millions de dollars, selon les douanes chinoises.