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La création d'une véritable police judiciaire de l'environnement reste à achever

Le décret du 17 mars 2023 crée une section réglementaire consacrée aux officiers judiciaires de l'environnement. Ce texte s'inscrit dans un mouvement de renforcement du contentieux pénal de l'environnement, mais présente certaines lacunes.

DROIT  |  Commentaire  |  Gouvernance  |  
Droit de l'Environnement N°323
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°323
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La création d'une véritable police judiciaire de l'environnement reste à achever
Hortense Béthune, Hélène Gélas, Xavier Pernot
Avocats, cabinet Jeantet
   

Le décret du 17 mars 2023 « portant adaptation du code de procédure pénale à la création des officiers judiciaires de l'environnement » intervient au cœur d'un grand mouvement législatif et crée une nouvelle section réglementaire consacrée aux officiers judiciaires de l'environnement au sein du chapitre dédié à la police judiciaire.

La loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, avait créé un article 28-3 au sein du code de procédure pénale qui dote les inspecteurs de l'environnement « des mêmes prérogatives et obligations que celles attribuées aux officiers de police judiciaire ».

La parution de ce décret remet à l'ordre du jour cette mesure fondamentale de la loi du 24 décembre 2020, pourtant restée peu traitée en doctrine, dans les différents travaux parlementaires (1) et dans les avis du Conseil d'État (2) , mais ne permet pas lever les incertitudes quant aux garanties qu'offrirait ce nouveau dispositif.

I. Une évolution législative majeure en matière de réponse pénale contre les atteintes à l'environnement

Depuis l'intégration de la Charte de l'environnement de 2004 au sein du préambule de la Constitution, une série de réformes est intervenue afin de renforcer l'efficacité de la réponse judiciaire en matière de protection de l'environnement.

Une ordonnance du 11 janvier 2012 a regroupé, sous l'appellation « d'inspecteurs de l'environnement », l'ensemble des agents publics qui disposent de pouvoirs de police judiciaire pour la répression des atteintes à l'environnement.

De même, une loi du 8 août 2016 a intégré au sein du code civil la notion de préjudice écologique (3) . Cette même loi a également créé un établissement public dédié à la répression des atteintes à l'environnement, l'Agence française de la biodiversité (aujourd'hui Office français de la biodiversité).

Enfin, une loi du 24 juillet 2019 a autorisé les juges d'instruction à délivrer des commissions rogatoires aux inspecteurs de l'environnement et a instauré la possibilité de cosaisine des officiers de police judiciaire et des inspecteurs de l'environnement pour diligenter des enquêtes en matière d'infraction environnementale.

II. Le choix d'une police judiciaire thématique pour la répression des atteintes à l'environnement

L'étude d'impact réalisée à l'occasion du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée révèle que le contentieux de l'environnement représente une faible part de l'activité des juridictions pénales (0,5 % du total des affaires tous contentieux confondus (4) ).

Un rapport (5) remis au Gouvernement en 2019 mettait l'accent sur la trop grande technicité du droit pénal de l'environnement, rendant sa mise en application complexe pour les enquêteurs et les magistrats.

Conscient que la protection de l'environnement nécessite des compétences policières et techniques spécifiques, le législateur est venu étendre les pouvoirs de police judiciaire des inspecteurs de l'environnement, à l'instar de ce qui a été fait pour les douanes et le fisc (6) .

III. Création d'une véritable police judiciaire de l'environnement : les officiers judiciaires de l'environnement

La loi du 24 décembre 2020 et le décret du 17 mars 2023 sont donc venus créer les « officiers judiciaires de l'environnement » (7) (OJE) et ainsi compléter les prérogatives des inspecteurs de l'environnement afin qu'ils puissent, sous le contrôle du procureur de la République, conduire pleinement leurs enquêtes, de la recherche de l'infraction au renvoi du prévenu devant le tribunal compétent et ce sans avoir à se dessaisir au profit d'un officier de police judiciaire, comme le prévoyait le régime antérieur.

Compte tenu de leur domaine de compétence (police de l'eau, espaces naturels, faune et flore, minéraux, pêche, abandon d'ordures), les inspecteurs de l'environnement, qui regroupent des ingénieurs, des techniciens et des agents techniques, pourront adopter une approche sectorielle, qui leur permettra d'appréhender les aspects les plus techniques.

En toute hypothèse, sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction et dans la limite des infractions environnementales (8) , les inspecteurs de l'environnement pourront notamment :

-    recevoir les plaintes (9) et les dénonciations ;

- placer en garde à vue les personnes à l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre un délit puni d'une peine d'emprisonnement (10)  ;

- effectuer des réquisitions à personnes qualifiées (11)  ;

-    interroger des fichiers nominatifs (12) sans que le secret professionnel puisse leur être opposé ;

- mener des auditions ;

- effectuer des perquisitions et des saisies (13) .

IV. Les lacunes du décret du 17 mars 2023

L'article 28-3 du code de procédure pénale a laissé au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions de désignation, d'habilitation et de notation des OJE. Le décret s'inspire largement du régime applicable (14) aux gendarmes et aux officiers de police judiciaire.

La loi a ainsi renvoyé au décret la fixation des modalités d'organisation des épreuves de l'examen technique des candidats à la fonction d'OJE. Toutefois, le décret n'a pas précisé cet examen, pourtant essentiel, qui a été renvoyé à un arrêté (15) conjoint du garde des sceaux et du ministre chargé de l'Environnement.

De même, le décret a donné la possibilité au procureur général de prononcer le retrait ou la suspension de l'habilitation des OJE. Or, ni la loi ni le décret ne précisent les hypothèses dans lesquels un tel retrait ou une telle suspension pourrait être ordonné, donnant aux magistrats un véritable pouvoir discrétionnaire en la matière.

Pourtant, le décret a prévu un système de notation concernant l'activité de l'OJE organisé autour d'un dossier individuel tenu au parquet général. Le dispositif prévoit que le procureur de la République procède tous les deux ans (16) à cette notation. Il aurait pu être envisagé que le décret précise que le retrait ou la suspension de l'habilitation de l'OJE tienne compte de la notation de l'OJE à l'occasion de ces évaluations biannuelles.

Conclusions :

La loi du 24 décembre 2020 et le décret du 17 mars 2023 visent à renforcer le traitement du contentieux pénal environnemental, qui semblait jusqu'ici souffrir d'un manque d'efficacité.

Cela s'inscrit dans un mouvement impulsé par les pouvoirs publics dans un contexte de plus grande prise en compte des impacts des activités humaines sur l'environnement. La solution retenue laisse cependant en suspens des interrogations quant à la fiabilité d'un tel dispositif.

Les pouvoirs donnés aux inspecteurs de l'environnement ont d'ailleurs fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), récemment transmise par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel.

En l'espèce, la question portait sur le point de savoir si les dispositions du code de l'environnement, relatives au contrôle par les agents habilités aux fins de recherche et de constat d'infractions méconnaissent les droits à la vie privée et à un recours juridictionnel effectif garantis par les articles 2 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Dans une récente décision, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions attaquées, en considérant notamment que le régime attaqué répondait à un « objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions ».

Il considère également que les inspecteurs de l'environnement ne peuvent procéder à des visites que sous certaines conditions et doivent informer le procureur de la République qui peut s'y opposer.

Enfin, le Conseil note que ce droit de visite « n'est reconnu qu'à des agents publics spécialement habilités et aux inspecteurs de l'environnement, commissionnés et assermentés à cette fin ».

Les dispositions prévoyant un droit de communication aux inspecteurs de l'environnement, et confiant à ces mêmes agents un pouvoir de saisie, ont aussi été déclarées conformes à la Constitution.

1. Ibid., exposé des motifs2. CE, avis consultatif, 30 janv. 2020, n° 399314, sur un projet de loi organique et un projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice spécialisée3. C. civ., art. 1249 à 12524. Projet de loi relatif au Parquet européen, étude d'impact, p. 1425. Rapport de la mission d'évaluation des relations entre justice et environnement : une justice pour l'environnement, Inspection générale de la Justice, oct. 2019, IGJ n°019-196. CPP, art. 28-27. CPP, art. R. 12-33-29-188. Notamment celles visées par l'article L. 172-1 du code de l'environnement9. CPP, art. 1710. CPP, art. 62-211. CPP, art. 6012. CPP, art. 60-113. CPP, art. 18, al. 314. CPP, art. 16, 2° et 4° ; CPP, art. R. 5 et s. et R. 13 et s.15. CPP, art. R. 15-33-29-2216. CPP, art. R. 15-33-29-28

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