Robots
Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
Actu-Environnement

Les projections inquiétantes sur la biodiversité en Nouvelle-Aquitaine

Les sentinelles du climat, programme rassemblant divers acteurs locaux, ont dressé un constat amer sur de nombreuses espèces de la région. Le réchauffement climatique impactera irrémédiablement l'équilibre naturel néoaquitain.

Biodiversité  |    |  E. Miculita
Les projections inquiétantes sur la biodiversité en Nouvelle-Aquitaine

Végétaux, papillons ou encore lézards... Tout un cortège d'espèces animales et végétales ont été observées lors d'une étude d'ampleur portant sur les futurs effets du changement climatique dans le sud-ouest de la France. Baptisé « Les Sentinelles du climat », ce programme de recherche est mené par un collectif d'associations et de laboratoires spécialisés dans l'étude des milieux naturels régionaux et coordonné par l'association Cistude Nature. Pendant six ans, les scientifiques ont identifié les évolutions de plus de 2 000 espèces végétales et de plus d'une vingtaine d'espèces animales dans 223 sites régionaux. Et ce, au sein de cinq milieux naturels propres à la Nouvelle-Aquitaine : des pelouses sèches aux milieux forestiers, des zones humides ou encore de montagne, sans oublier la dune atlantique.

À partir des données récoltées entre 2016 et 2021, plusieurs scénarios d'évolution ont été établis en lien avec les prévisions climatiques de la plateforme Drias de Météo-France, elle-même basée sur les prévisions du Giec. L'étude reprend trois options : le scénario 1 (ou RCP2.6), qui table sur un réchauffement de 1 °C d'ici à 2100, peu probable. Deux autres modélisations sont donc privilégiées : le scénario 2 (ou RCP4.5), qui prévoit + 1,8 °C, et le scénario 3 (ou RCP8.5), à + 3,7 °C.

Un habitat perturbé qui impacte l'équilibre naturel

Un premier phénomène commun est à noter : beaucoup d'espèces migreront sur de nouvelles aires, plus favorables à leur survie. C'est déjà le cas de certains insectes. Les scientifiques observent une répartition altitudinale des orthoptères de montagne (criquets, sauterelles, grillons) perturbée, les individus cherchant des milieux plus adaptés. Dans les milieux plus humides, comme les lagunes des landes de Gascogne, les cortèges d'odonates (famille des libellules et demoiselles) sont particulièrement surveillés puisque les conditions favorables à leur développement se réduisent ou disparaissent. Pour 24 à 30 % des espèces étudiées, ces conditions favorables évolueront vers une répartition plus large sur le territoire.

Ces changements d'habitats sont aussi bien illustrés par les différentes espèces de reptiles, dont les lézards présents dans le Sud-Ouest. Ainsi, l'érosion qui menace le milieu dunaire impacte le lézard ocellé, celui-ci préférant les climats arides. Les microclimats humides qui tendent à disparaître dans la région plaisent au lézard vivipare. En protégeant les lagunes du massif landais, cette espèce ne serait pas amenée à se déplacer. Enfin, à l'instar d'autres espèces, la population des lézards gris de montagne, notamment le lézard des murailles, a grimpé de 120 mètres vers les sommets en dix ans.

Quant au futur des milieux, il sera aussi considérablement modifié et 2 181 espèces végétales verront leur habitat fortement déplacé. Une régression de 42,5 % des espèces floristiques dans leurs aires de répartition actuelles est prévue à l'horizon 2100, dans l'hypothèse d'un réchauffement à + 1,8 °C (scénario 2), mais elle sera compensée par une progression de 57,5  % ailleurs dans la région. Des pertes de diversité sont ainsi à prévoir dans le Limousin et dans les vallées aux altitudes moyennes, mais elles seront compensées par des gains, notamment dans le nord-ouest de la région.

S'adapter ou disparaître : un ultimatum naturel imposé

Les changements climatiques provoquent aussi un changement dans le comportement des espèces. Ainsi, les études sur les amphibiens, notamment la rainette ibérique, ont montré que l'espèce a développé sa capacité à s'adapter en régulant ses pertes d'eau. En effet, elles ont besoin de microclimats humides et sont confrontées directement à la sécheresse. Pour éviter de perdre de la masse, les grenouilles se fixent à des supports humides pour résister aux conditions desséchantes. La préservation des milieux humides est donc cruciale pour garantir un équilibre naturel à l'espèce.

Dans le futur, la vipère aspic connaîtra, elle aussi, des pertes d'aires climatiques favorables, malgré sa capacité à plutôt bien s'adapter à la chaleur. Enfin, l'étude montre que le réchauffement climatique perturbe fortement les dynamiques reproductives de certaines espèces, comme la marmotte des Alpes (réintroduite dans les Pyrénées en 1948). Le nombre de marmottons est en baisse continue, notamment en basse altitude depuis 2016, malgré des variations interannuelles. Au-delà du danger que représente la perte de population, les effets du changement climatique induiront une contraction des secteurs favorables à cette espèce de 11 à 47 % à l'horizon 2100, selon les scénarios.

Les espèces végétales comme animales sont donc menacées. Et si certaines d'entre elles devront changer d'habitat ou de comportement, d'autres seront condamnées à disparaître. Si rien n'est fait, les papillons des zones montagnardes s'effaceront. Les conditions favorables à l'apollon (Parnasius apollo) diminueront de 73 à 97 %, en lien avec la réduction du nombre de jours d'enneigement de cinquante jours par an. Dans le cas le plus pessimiste (scénario 3), l'espèce endémique appelée la grenouille des Pyrénées connaîtra une extinction des populations d'ici à 2100. Aujourd'hui, elle est déjà fortement fragilisée.

Des recommandations pour préserver la biodiversité néoaquitaine

À l'issue d'un colloque mené à la clôture du programme, les naturalistes et les chercheurs ont convergé vers des solutions à mettre en place en fonction des milieux naturels. Dans les dunes, l'érosion pourrait être freinée, selon eux, par « la reconnexion des patchs de dune grise ou la progression de forêt de protection », afin de « favoriser la continuité écologique Nord-Sud » pour les végétaux et les animaux. Pour les espèces forestières en danger, il faut travailler à leur résistance, notamment en maintenant ou en recréant ces espaces, toujours dans l'idée de continuité écologique. Il faut allier une gestion forestière douce, diverse, et en exclure « à tout prix » les coupes rases, selon les chercheurs. Dans les écosystèmes comprenant des pelouses sèches, la garantie d'habitats en mosaïque et « une réflexion sur la gestion et les usages des coteaux » s'avèrent nécessaires. Enfin, dans les milieux de montagne, il est urgent de protéger la nature des pressions anthropiques et de sanctuariser les torrents où la grenouille des Pyrénées est présente.

Les propositions d'actions relevées dans cette étude nécessitent « une mise en œuvre politique », selon les chercheurs. La préservation concerne une multitude d'acteurs et de domaines : « De la définition de la politique régionale en faveur de la biodiversité et au soutien des actions entreprises par les citoyens et les associations, jusqu'à la redéfinition des usages humains des domaines publics, en concertation avec les acteurs concernés, les chantiers à entreprendre sont vastes et urgents. » Depuis cette année, le programme de recherche néoaquitain s'axe sur un second volet consacré aux mesures de conservation.

RéactionsAucune réaction à cet article

Réagissez ou posez une question

Les réactions aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Je veux retrouver mon mot de passe
Tous les champs sont obligatoires

Partager

Leko, système d'écoute et de suivi de la biodiversité Birdz