Après avoir posé les enjeux liés à la préparation de la conférence de Copenhague sur le climat, les sénateurs rappellent les spécificités de la fiscalité environnementale : son assiette a vocation à disparaître à long terme dès lors que l'incitation à changer les comportements produit ses effets, et il s'agit d'une fiscalité qui ne répond pas à un objectif de rendement budgétaire. Pourquoi ? Parce qu'elle vise à infléchir les comportements et, si elle y parvient, son assiette a vocation à diminuer. Du coup, elle ne fournit pas de recettes pérennes.
Une assiette à géométrie variable
De nombreuses questions demeurent sur le champ des énergies couvertes par la contribution et l'articulation de son tarif avec la valeur du marché du carbone. La taxation de l'empreinte carbone des produits, entendue comme la quantité de carbone émise à la fois pour les fabriquer et les transporter, apparaît séduisante. Selon le rapport, une telle taxe présenterait en effet le double avantage de fournir aux consommateurs une information sur les émissions de gaz à effet de serre induites par leurs choix, et de ne créer aucune distorsion de concurrence, en frappant les produits importés selon les mêmes critères que les produits fabriqués sur le territoire national. Selon l'ensemble des interlocuteurs auditionnés par le groupe de travail, une telle solution demeure inenvisageable à court terme, compte tenu des difficultés techniques pour identifier le contenu carbone des produits. Cela supposerait de confier à un organisme indépendant le soin de réaliser une analyse du cycle de vie de chaque produit, opération complexe, coûteuse et irréalisable dans un délai raisonnable.
Le groupe de travail estime donc que l'objectif de mise en œuvre à court terme d'une contribution climat-énergie conduit à privilégier l'hypothèse d'une taxe sur les consommations énergétiques, solution retenue dans l'ensemble des pays ayant instauré une taxe sur le CO2. Reste à trancher l'arbitrage relatif à l'inclusion ou non de l'électricité d'origine nucléaire dans l'assiette de la contribution. La réponse se trouve déjà dans l'article 2 du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, selon lequel l'objet de la contribution climat-énergie sera d'intégrer les émissions de gaz à effet de serre dans les systèmes de prix par la taxation des consommations d'énergies fossiles. Selon l'ADEME, la contribution climat-énergie (CCE) pourrait être assimilée à une taxe carbone si son assiette vise exclusivement les combustibles fossiles ou le contenu en CO2 du kilowattheure électrique. Si l'électricité d'origine nucléaire est mise à contribution, la CCE serait plus largement assimilable à une taxe sur l'énergie. Les sénateurs notent qu'une contribution climat-énergie, conçue comme un instrument exclusif de réduction des émissions de CO2 mais s'appliquant à l'électricité d'origine nucléaire, serait vraisemblablement déclarée inconstitutionnelle. Dans sa décision du 28 décembre 2000, le Conseil constitutionnel avait ainsi censuré l'article 37 de la loi de finances rectificative pour 2000, qui étendait la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à la production d'électricité. Le Conseil avait motivé sa décision du fait qu' en raison de la nature des sources de production de l'électricité en France, la consommation d'électricité contribu(ait) très faiblement au rejet de gaz carbonique.
Reste le contenu en CO2 de l'électricité, lors des pics de consommation durant les vagues de froid en hiver, et, surtout, les canicules en été. Lors de la vague de chaleur du 2 juillet, la France a importé 4000 mégawatts de ses voisins européens. D'où, pour Fabienne Keller, présidente de ce groupe de travail, la possibilité d'inclure l'électricité d'origine nucléaire dans la contribution, tant pour faire baisser les consommations d'énergie que pour taxer le contenu marginal en carbone produit par les centrales thermiques lors des périodes de pointe.
Un Fonds vert pour la mutation énergétique ?
Même si ce n'est pas sa vocation première, la fiscalité environnementale peut, au moins dans un premier temps, dégager de nouvelles ressources, pour lesquelles se pose alors la question de leur utilisation. Les sénateurs l'affirment sans détour : même dans un contexte de déficit budgétaire, la contribution climat-énergie n'est pas une taxe de rendement ayant vocation à équilibrer le budget général. Son produit doit être réutilisé, soit sous la forme d'une diminution d'autres prélèvements, soit sous la forme de transferts budgétaires ou d'incitations fiscales dans le domaine de l'efficacité énergétique. Cette réutilisation est cruciale pour garantir l'acceptabilité de la contribution. Ces recettes peuvent, par exemple, être utilisées pour financer des mesures de compensation pour les ménages les plus modestes. Selon Fabienne Keller, le « chèque vert » devrait être réservé aux seuls ménages à faibles revenus plutôt qu'intégralement réparti. Cette distribution sous conditions de ressources permet de garder une partie de la recette de la taxe pour financer l'aide à l'investissement des ménages dans l'isolation, les énergies renouvelables, les véhicules décarbonés, etc., plaide Fabienne Keller dans un entretien récent à La Croix. Membre de ce groupe de travail, la sénatrice (PS) Nicole Bricq renchérit en proposant la création d'un Fonds de mutation énergétique européen. A suivre.