Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l'économie (CGEIET) ont publié, le 10 octobre, un rapport sur la fin de vie des éoliennes et leur recyclage. Alors que le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit de rendre obligatoire, d'ici 2023, le recyclage des matériaux lors du démantèlement des éoliennes, l'ex-ministre de la Transition écologique, François de Rugy, avait demandé aux deux conseils généraux de faire des propositions permettant l'émergence d'une économie circulaire dans cette filière.
L'enjeu : les fondations et les pales
Aujourd'hui, la réglementation prévoit seulement la constitution de garanties financières pour assurer le démantèlement des turbines et la remise en état des sites (50 000 € par éolienne). Mais elle ne prévoit que l'excavation partielle des fondations. « Sur ce point, la mission a constaté qu'une excavation totale est obligatoire dans plusieurs pays européens et facultative en France, mais en pratique systématique en cas de réimplantation de nouvelles éoliennes sur le même site (opération dite de " repowering ") », souligne le rapport, qui préconise donc d'engager une concertation avec les exploitants sur l'obligation de réaliser une excavation complète.
La mission dresse d'autres recommandations, notamment sur le recyclage des pales, véritable enjeu de la filière. En effet, le béton, l'acier et les matériaux électroniques, représentant en volume l'essentiel des déchets provenant des éoliennes, peuvent être absorbés par les filières traditionnelles de collecte et de recyclage de ces matériaux. La question des terres rares, utilisées pour la fabrication d'aimants permanents, ne concerne que 3 % du parc éolien terrestre installé et représente un défi à plus long terme pour les éoliennes en mer. En revanche, les pales sont constituées de matériaux composites, pour lesquels le défi du recyclage est le plus important.
Pour l'heure, les pales arrivant en fin de vie, essentiellement en fibre de verre, sont valorisées énergétiquement en cimenterie. Mais la valorisation matière sera envisageable pour les nouvelles générations de pales en fibre carbone. Plusieurs projets s'y emploient aujourd'hui. « Une autre voie, plus prometteuse à terme, consisterait à remplacer, dans la fabrication des pales d'éoliennes, les résines thermodurcissables actuelles par une résine thermoplastique, plus facilement recyclable », estime la mission. Autrement dit, écoconcevoir les pales. La société Arkema planche sur la validation d'un prototype d'ici 2020.
Une REP pour les pales et des critères de recyclabilité
Par ailleurs, les appels d'offres devraient intégrer, dans leur notation, une analyse de cycle de vie (ACV) et deux critères « objectifs » : l'efficacité massique de l'éolienne en tonne/MW (hors fondations) et un bonus de notation fondé sur la recyclabilité des matières utilisées pour les pales. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) préconisait récemment d'introduire ce type de critères dans les futurs appels d'offres.
Selon la mission, les volumes attendus sont suffisants pour permettre l'émergence d'une filière industrielle de démantèlement et de recyclage (marché estimé entre 210 et 440 M€ d'ici 2030). Mais encore faut-il que les industriels du recyclage réalisent « une marge opérationnelle satisfaisante ». La mission recommande donc d'augmenter les garanties financières provisionnées pour chaque éolienne, en prenant notamment en compte la masse dans une part variable. Cela permettrait également « d'inciter à l'éco-conception et à l'optimisation des quantités de matières mises en œuvre par les constructeurs ».
Repowering : plus de déchets mais...
Mais les volumes de déchets dépendront également de la stratégie qu'adopteront les exploitants lorsque les parcs éoliens arriveront au terme de leur contrat d'achat (quinze ans pour les premières générations) : prolongation de la durée de vie du parc, démantèlement ou repowering. Dans les cinq prochaines années, quelques 1 500 turbines (environ 2 GW) arriveront en fin de contrat.
« L'impact des opérations de repowering au bout de quinze ans, comme cela semble être le cas pour les parcs démantelés récemment, peut en particulier générer des flux de déchets plus importants que prévu dans les années à venir », note la mission. Cependant, elle ne juge pas opportun de « brider » de telles stratégies, « le repowering étant favorable à l'atteinte de l'objectif national de développement de l'énergie éolienne, tant en puissance qu'en taux de charge, et à la prévention des risques liés aux éoliennes ».
La mission penche plutôt pour une évaluation au cas par cas des projets de repowering, comme c'est le cas aujourd'hui. Elle propose néanmoins un meilleur pilotage du renouvellement du parc éolien. Une cartographie sur les parcs existants, les zones de vent identifiées et les obstacles au repowering (zones Natura 2000, radars…) pourrait « guider l'évaluation par les préfets des dossiers qui leur sont soumis ».