
Avocat chez Hélios Avocats, docteur en droit de l'environnement
Paru au Journal officiel le 30 août 2023, et abrogeant le décret du 10 mars 2022, le décret relatif aux usages et aux conditions d'utilisation des eaux de pluie et des eaux usées traitées (Reut) apporte un certain nombre d'évolutions notables par rapport au droit antérieur.
Les principales innovations juridiques apportées par ce texte résident dans :
- la consécration d'un principe général d'utilisation des eaux de pluie pour des usages domestiques sans procédure préalable d'autorisation. Ces eaux sont expressément définies comme les eaux « issues des précipitations atmosphériques collectées à l'aval de surfaces inaccessibles aux personnes en dehors des opérations d'entretien et de maintenance. » Les usages domestiques d'eau de pluie resteront réglementés par l'article L. 1322-14 du code de la santé publique et l'arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie et à leur usage à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments ;
- la possibilité pour le préfet de suspendre le délai d'instruction de 6 mois de la demande d'autorisation d'utilisation des eaux usées traitée ;
- l'ajout de l'interdiction de « l'arrosage des espaces verts des bâtiments » ;
- la suppression du caractère conforme de l'avis de l'Agence régionale de santé (ARS) sur le dossier de demande d'autorisation, au profit d'un avis simple. De même, l'obligation de consulter la commission locale de l'eau lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un Sdage approuvé ou a des effets dans un tel périmètre est supprimée. La consultation du Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) est toutefois maintenue. Si l'avis du Coderst sera réputé favorable passé le délai de 2 mois à compter de sa saisine par le préfet, l'avis de l'ARS sera réputé défavorable à l'issue du délai de 6 mois prévu par le nouvel article R. 211-131 du code de l'environnement ;
- la possibilité pour le ministre chargé de l'environnement et le ministre chargé de la santé de définir, par arrêtés conjoints, des dispositions propres à certains types d'usages fixant des prescriptions générales et/ou des exigences minimales de qualité dérogatoires au droit commun auxquelles les eaux doivent satisfaire. Ces textes devront être pris après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Dans le cas où un projet de Reut respecterait ces exigences minimales ou prescriptions générales, les avis du Coderst et de l'ARS exigés par l'article R. 211-131 du code de l'environnement ne seront plus requis. Les délais de procédure seront ainsi raccourcis ;
- la suppression de la durée maximale de validité de l'autorisation initialement fixée à 5 ans par le décret du 10 mars 2022. Celle-ci sera désormais arrêtée par le préfet dans le cadre de l'arrêté préfectoral d'autorisation du projet de Reut ;
- la suppression de l'obligation pour le bénéficiaire de l'autorisation de transmettre chaque année au préfet et au Coderst un rapport relatif à la mise en œuvre du projet. Afin d'assurer un suivi dans la durée, le bénéficiaire de l'autorisation devra établir et transmettre au préfet un bilan au moins tous les 5 ans à compter de la date de délivrance de son autorisation, ou dans le délai prévu dans son arrêté d'autorisation. Ce bilan devra présenter « de façon qualitative et quantitative les impacts sanitaires et environnementaux ainsi qu'une évaluation économique du projet mis en œuvre ». Celui-ci sera ensuite transmis par le préfet au Coderst pour avis ;
- l'obligation pour le producteur des eaux usées d'informer le préfet et les autres parties prenantes de tout dépassement d'une valeur limite de qualité des boues fixée par l'arrêté pris en application de l'article R. 211-43 du code de l'environnement. Des contrôles des eaux usées traitées devront être réalisés immédiatement afin de s'assurer de l'absence de contamination des eaux ;
- l'obligation pour le titulaire de l'autorisation préfectorale d'informer le préfet en cas de cessation définitive des opérations d'utilisation des eaux usées traitées au plus tard 1 mois avant cette cessation. L'article R. 211-136 permettra, le cas échéant, au préfet d'imposer les prescriptions qu'il juge nécessaires à la cessation de l'activité ou à la remise en état du site.
Le contenu du dossier de demande d'autorisation ainsi que celui de l'arrêté préfectoral d'autorisation, de même que les restrictions d'utilisation des eaux usées dans certains lieux et pour certains usages limitativement énumérés restent, pour l'essentiel, inchangés.
Si ce texte apporte des simplifications administratives attendues et témoigne d'un engouement croissant en faveur de la Reut, l'utilisation d'eaux issues d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) à des fins d'irrigation agricole demeure interdite.
De même, les usages dans une ICPE sont exclus du champ du décret du 29 août 2023 et restent exclusivement régis « par les dispositions qui leurs sont propres ». Dans ces installations, les projets de réutilisation des eaux usées traitées sont en pratique possibles, à condition de savoir naviguer dans un cadre juridique complexe et évolutif.
Dans un contexte de restrictions des prélèvements et de la consommation d'eau des ICPE en période de sécheresse, gageons que les possibilités d'exemptions récemment instaurées par l'arrêté du 30 juin 2023 au profit d'initiatives vertueuses de réduction des prélèvements d'eau encourageront l'émergence de nouveaux projets de Reut.