La ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, a présenté le 11 avril 2013 un plan de mobilisation pour la prévention des risques technologiques prenant en compte le retour d'expérience de l'incident survenu dans l'usine Lubrizol de Rouen en janvier dernier. Ce site Seveso seuil haut avait été à l'origine d'un dégagement de gaz très odorants pendant plusieurs jours, ressentis jusqu'au Royaume-Uni.
Une force d'intervention rapide
La première composante du plan présenté par la ministre consiste à mettre en place une force d'intervention rapide (FIR) en cas d'accident. Elle permettra de procéder sur place à la mesure des rejets accidentels grâce à des partenariats signés par les industriels avec des laboratoires indépendants et à l'implication des associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air (AASQA).
La FIR permettra ensuite de mutualiser les ressources des industriels grâce à une extension du protocole Transaid existant en matière d'accident de transport de matières dangereuses. La Direction générale de la prévention des risques a d'ores et déjà lancé des travaux avec les principales fédérations professionnelles en ce sens.
Enfin, la force d'intervention permettra, indique la ministre, de mobiliser immédiatement les capacités des services de l'Etat. "Cette capacité d'expertise rapide pourra également s'appuyer 24 h sur 24 sur les moyens de la cellule d'appui aux situations d'urgence (CASU) de l'Ineris", ajoute-t-elle.
Le dispositif pourrait être complété le cas échéant après la remise début mai du rapport sur la gestion de crise et les dispositifs d'alerte commandé par Delphine Batho et Manuel Valls suite à l'accident Lubrizol.
Accélérer les PPRT
Leitmotiv des ministres de l'Ecologie successifs, la deuxième action du plan vise à accélérer l'élaboration des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) prévus par la loi Bachelot de 2003 suite à l'accident AZF et visant à maîtriser l'urbanisation autour des sites à "hauts risques".
Dix ans après l'adoption de cette loi, seulement 228 plans sur les 407 à réaliser sont approuvés, soit 56%. Les raisons du retard ? Delphine Batho évoque la complexité des études préalables, certaines lenteurs mais aussi "la mauvaise volonté de certains industriels que l'Etat ne peut accepter". Si la ministre salue l'effort de la plupart d'entre eux qui ont investi 200 à 300 millions d'euros par an dans des mesures de réduction des risques à la source, elle indique avoir rappelé à l'ordre par courrier une dizaine d'industriels, dont des grands groupes, qui traînent des pieds.
Face à ces retards, la ministre n'annonce pas moins de douze mesures afin d'accélérer la mise en œuvre des plans avec un objectif de 75% des PPRT approuvés fin 2013 et 95% fin 2014. Il s'agit d'abord de mobiliser les moyens de l'Etat : élaboration d'un "planning ambitieux" inscrit dans une circulaire que la ministre vient d'adresser aux préfets, mise en œuvre de "task forces" au sein des directions départementales des territoires (DDT), mobilisation de France Domaines sur les évaluations à mener. "Il n'y aura pas de réduction budgétaire en matière de prévention des risques", a tenu à préciser la ministre.
La deuxième salve de mesures vise à répondre aux attentes des riverains et des élus. Un amendement du député Yves Blein, également président de l'association Amaris, au projet de loi d'adaptation au droit de l'UE dans le domaine du développement durable (DDADUE) a été adopté en commission mardi dernier afin que soit portée à 90% la prise en charge des travaux imposés aux riverains, selon la clé de répartition suivante : Etat (40% sous forme de crédit d'impôt), industriels (25%) et collectivités locales (25%). Le plan envisage également un financement tripartite des coûts de démolition des bâtiments expropriés, aujourd'hui à la seule charge des collectivités. Mais aussi un accompagnement des riverains afin qu'ils bénéficient de micro-crédits et des aides de l'Anah.
La troisième série de mesures vise à lever les obstacles qui empêchent la bonne application des PPRT une fois approuvés. Parmi celles-ci une simplification administrative des procédures d'expropriation, avec la possibilité pour l'Etat de décharger les collectivités d'une partie des formalités.
Densifier les plateformes industrielles
Plus originale, la troisième mesure du plan vise au développement économique des grandes plateformes industrielles soumises à PPRT. Il s'agit de changer la doctrine actuelle afin de permettre l'implantation d'activités industrielles nouvelles sur ces plateformes, qui sont au nombre d'une quinzaine en France, alors que les PPRT gelaient jusqu'à présent toute nouvelle activité dans ces "zones grises".
Delphine Batho a défini les grandes règles de la nouvelle doctrine, qui seront listées dans une instruction aux préfets : possibilité de maintenir ou d'accepter de nouvelles activités à risques dans ces zones, mise en place de dispositifs de protection des salariés exposés, organisation d'une gouvernance collective de la plateforme en matière de sécurité entre tous les industriels de la plateforme.
"Il ne s'agit pas d'en rabattre sur les exigences en matière de risques ou d'augmenter l'exposition des populations", prévient Delphine Batho, mais de "faire d'une contrainte un facteur d'attractivité". Les activités n'ayant pas de culture de gestion du risque ne pourront pas s'implanter. "De plus, cette implantation ne doit pas créer d'exposition supplémentaire", précise Patricia Blanc, directrice générale de la prévention des risques au ministère de l'Ecologie.
Et de prendre l'exemple de la plateforme de Port-Jérôme en Haute –Normandie qui regroupe sept sites Seveso seuil haut et où plusieurs centaines d'hectares pourront être libérés pour accueillir des activités nouvelles. Des discussions seraient d'ores et déjà en cours pour l'implantation d'une activité de cogénération, le développement d'une activité portuaire et l'extension d'entreprises riveraines…