« La quasi-totalité (97 %) des 25 millions de salariés des secteurs publics et privés sont polyexposés, c'est-à-dire exposés à au moins deux contraintes (…) au cours de leur carrière professionnelle », révèle un rapport (1) , publié mardi 23 novembre.
Cette étude, réalisée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), Santé publique France (SPF), ainsi que la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail, avait pour objet d'identifier des groupes homogènes de salariés polyexposés. Reposant sur les résultats de l'enquête Sumer 2016-2017, elle fait suite à un état des lieux, (2) réalisé en décembre 2018 dans le cadre du troisième Plan santé au travail (PST 3), dont une des actions prévoyait d'améliorer la prise en compte de la polyexposition.
Prédominance de l'exposition aux contraintes organisationnelles et relationnelles
Les risques auxquels sont soumis les salariés relèvent de cinq catégories : chimiques (contact avec des polluants), biologiques (bactéries, virus ou moisissures), physiques (contraintes posturales, nuisances thermiques ou sonores, exposition aux rayonnements), organisationnels (horaires de travail, rythme et/ou exigences élevés, manque de moyens, faible autonomie, changements organisationnels), relationnels (forte pression, faible reconnaissance au travail, hostilité des collègues ou de la hiérarchie, tensions, etc.).
Une première analyse a montré la prédominance de l'exposition aux contraintes organisationnelles et relationnelles. « Souvent moins documentées, ces dernières sont en effet inhérentes à toute activité salariée, étant propres à l'organisation du travail et à la coopération avec d'autres travailleurs, ainsi qu'aux interactions avec les clients ou usagers », explique l'Anses.
Ensuite, « une analyse statistique a permis de regrouper les salariés selon douze profils décrivant les situations d'expositions cumulées les plus courantes », ajoute l'établissement public. À titre d'exemple, les travailleurs du profil C « Bruit, risques chimiques et contraintes posturales » sont principalement des hommes (ouvriers du BTP, de la maintenance, de la mécanique, des industries de process), tous exposés au bruit, en association fréquente à des contraintes chimiques et posturales, révèle l'étude. Ceux rattachés au profil F « Risques biologiques d'origine environnementale ou agro-alimentaire, chimiques et physiques » sont majoritairement des ouvriers ou techniciens, tous potentiellement exposés à des agents biologiques via un réservoir environnemental ou agroalimentaire, et se retrouvent dans les secteurs des services à la personne et aux collectivités, l'hôtellerie, la restauration, l'alimentation, l'agriculture, la pêche ou la vente.
Prendre en charge les salariés de façon plus globale
Cette approche et les résultats obtenus doivent permettre de mieux orienter la prévention du risque sanitaire au travail et de prendre en charge les salariés de façon plus globale. « Ils permettent en particulier de ne pas se limiter à la prise en compte de certaines contraintes bien connues et facilement identifiables par la nature de l'activité professionnelle (chimiques, physiques, biologiques), et d'y associer d'autres contraintes concomitantes, notamment organisationnelles ou relationnelles, qui peuvent accentuer les premières citées », expliquent les auteurs.
« Suite à ces travaux, la caractérisation plus précise des professions particulièrement polyexposées mériterait d'être réalisée, comme par exemple pour les personnels de santé », conclut l'Anses, qui cite les travaux déjà en cours concernant les agents de nettoyage ou les travailleurs du secteur des déchets. Autre voie de recherche jugée nécessaire par l'Anses ? Celle permettant de mieux comprendre comment « l'interaction entre certaines contraintes peut conduire à une aggravation des effets pour la santé des travailleurs ». Ce qui devrait permettre de mettre en œuvre le concept d'exposome, qui vise à « prendre en compte les cumuls d'expositions : cumul dans le temps, cumul entre facteurs d'exposition » et, au-delà, « cumul entre les expositions en milieu de travail et dans la vie courante ».
Sans attendre de nouveaux travaux de recherche, les préventeurs peuvent déjà s'emparer des conclusions de cette étude. Tout comme le ministère du Travail, qui en est le coauteur, afin, le cas échéant, de faire évoluer la réglementation en conséquence.