Entre 25.000 et 30.000 mégawatts (MW). C'est l'objectif total de puissance éolienne installée à l'horizon 2020 selon les schémas régionaux éoliens (SRE), élaborés après concertation par les Présidents de région et les Préfets de région, comme le prévoit les lois Grenelle. Pourtant, ce chiffre ambitieux sur le papier est bien éloigné du volume des projets qui pourront effectivement voir le jour. En effet, des barrières qualitatives, administratives et financières (identifiées dans les premiers schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables) devraient freiner sur le terrain l'aboutissement de certains projets.
Au 1er janvier 2013, 7.196 MW d'éoliennes terrestres étaient raccordés au réseau. En tête, les régions Champagne-Ardenne et Picardie, qui comptent respectivement 1.052 MW et 939 MW installés. Suivent la Bretagne (738 MW), la Lorraine (679 MW) et la région Centre (672 MW). Les mauvais élèves sont l'Aquitaine et l'Alsace (0 MW raccordés), l'Ile-de-France (19 MW), la Franche-Comté (30 MW), le Limousin (33 MW) et la région PACA (47 MW).
Quant à l'offshore, seuls 1.920 MW devraient être raccordés d'ici 2016. S'y ajouteront, d'ici 2021-2023, deux projets d'une puissance installée de 1.000 MW, qui font actuellement l'objet d'un appel d'offres.
Six schémas sont jugés insuffisants
En comparant le potentiel chiffré de l'éolien et la définition des zones favorables des SRE, France énergie éolienne (FEE) a tiré un premier bilan de ces schémas. Sept sont jugés positifs pour le développement de l'éolien, 8 sont jugés corrects et six apparaissent insuffisants aux yeux des industriels. A noter que trois régions sur 21, les Pays-de-la-Loire, le Limousin et le Languedoc-Roussillon, n'ont pas adopté définitivement leurs schémas.
"Il y a parfois une inadéquation entre les objectifs quantitatifs et la définition de zones favorables", souligne Vincent Masureel, directeur du développement chez Nordex France et délégué régional de FEE. En effet, les schémas régionaux doivent identifier les contraintes environnementales, patrimoniales de chaque territoire et définir les zones où l'implantation de parcs éoliens sera possible. La région Centre, par exemple, n'a défini que très peu de zones propices au développement de l'éolien, très clairsemées sur son territoire, alors qu'elle vise 2.600 MW de puissance installée. Résultat : "Les surfaces proposées ne suffisent pas à installer la puissance visée".
Deux régions sont au contraire considérées comme les "locomotives" de l'éolien en France : la Picardie et la Champagne-Ardenne. Avec respectivement 939 MW et 1.052 MW d'éolien raccordé au réseau début 2013, elles sont également les régions les plus ambitieuses avec des objectifs à 2.800 MW et 2.870 MW en 2020.
Le Languedoc-Roussillon affiche aussi une belle ambition avec 2.500 MW visés et un territoire jugé propice dans sa quasi totalité. Jugés bons élèves également la Bretagne, les Pays-de-la-Loire, la Bourgogne et le Nord-Pas-de-Calais, qui visent respectivement 1.800 à 2.500 MW, 1.770 MW, 1.500 MW et 1.346 MW et ont défini de grandes zones favorables.
L'Ile-de-France, malgré un objectif de 200 à 540 MW d'ici 2020, est jugée "très réaliste et très ambitieuse" par Vincent Masureel.
En revanche, certaines régions, comme Poitou-Charentes ou l'Auvergne, "n'ont pas fixé des objectifs en phase avec leur potentiel".
Des coûts de raccordement parfois élevés
La loi Grenelle 2 prévoyait également que soient adoptés par le gestionnaire du réseau RTE, six mois après la publication des Schémas régionaux climat, air, énergie (SRCAE), qui comprennent le schéma éolien, des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR).
Alors qu'au niveau national, la méthodologie pour leur élaboration est en discussion, plusieurs documents ont déjà été adoptés (Picardie, Champagne-Ardenne, Bourgogne, Alsace) ou sont en cours de discussion (Centre, Midi-Pyrénées, Auvergne).
La loi prévoit que ces schémas définissent les lignes ou postes électriques à renforcer ou à créer pour atteindre les objectifs fixés par les SRCAE. Ils doivent également définir "un périmètre de mutualisation entre les producteurs du coût des ouvrages électriques à construire afin de permettre l'évacuation de l'électricité produite à partir de sources d'énergies renouvelables". Cette quote-part due par les producteurs s'ajoutera aux frais de raccordement propre à leur installation.
Or, dans certaines régions, les coûts de raccordement peuvent mettre en péril certains projets, estime FEE, en doublant la contribution propre. En Midi-Pyrénées, par exemple, ce surcoût est évalué à 81 k€/MW alors qu'en Alsace, il est nul, RTE ayant estimé que les objectifs fixés pour l'éolien ne nécessitent pas de renforcement de réseau. Dans les autres régions, le coût estimé par les S3REnR va de 20 k€/MW (Centre) à 59 k€/MW (Picardie). FEE, qui rappelle que, dans son avis du 21 février 2012, la Commission de régulation de l'énergie avait émis plusieurs réserves sur les surcoûts engendrés par ce dispositif, a déposé en octobre dernier un recours devant le Conseil d'Etat.
Quid des autres barrières administratives ?
FEE rappelle que d'autres barrières freinent le développement de l'éolien, comme les Zones de développement de l'éolien, la règle des 5 mâts minimum par parc et le statut ICPE. L'association se dit néanmoins confiante dans la volonté affichée par le gouvernement de simplifier le cadre règlementaire de l'éolien. Plusieurs dispositions dans ce sens ont d'ailleurs été intégrées à la proposition de loi Brottes sur la tarification progressive de l'énergie, dont l'examen va se poursuivre le 17 janvier.
Par contre, les professionnels se disent davantage inquiets quant à l'avenir du tarif d'achat. En mai dernier, le Conseil d'Etat a en effet renvoyé devant la Cour de justice européenne un recours déposé par le collectif Vent de Colère pour annuler l'arrêté tarifaire, jugé illégal car non notifié à la Commission européenne en tant qu'aide d'Etat. FEE demande au gouvernement de prendre sans tarder un arrêté tarifaire notifié, afin de sécuriser les investissements, et donc la filière.