"La transition énergétique vient d'être lancée par les députés, l'éolien reprend espoir". C'est par ces mots que Nicolas Wolff, président de France Energie Eolienne, commente la fin des débats à l'Assemblée nationale sur la proposition de loi pour une tarification progressive de l'énergie. Quel rapport direct entre cette loi et le développement de l'éolien en France ? Aucun. Mais le gouvernement et plusieurs députés ont souhaité profiter de l'examen de ce texte pour mettre en œuvre les annonces issues de la conférence environnementale visant à relancer cette énergie renouvelable. Plusieurs modifications du code de l'énergie et de l'urbanisme ont ainsi été adoptées. Reste à savoir si elles seront maintenues par les sénateurs.
Des dérogations à la loi littoral
De même, les parcs éoliens terrestres en outre-mer pourraient être exemptés du principe d'urbanisation en continuité. Selon le code de l'urbanisme, "l'extension de l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et villages existants" dans les communes littorales. Mais selon le cadre de l'énergie, les parcs éoliens doivent être situés à "une distance de 500 mètres par rapport aux constructions à usage d'habitation, aux immeubles habités et aux zones destinées à l'habitation définies dans les documents d'urbanisme en vigueur à la date de publication de la même loi". Deux dispositions difficiles à respecter en outre-mer comme l'avait démontré la société Vergnet.
La dérogation au principe d'urbanisation en continuité en zone littorale dans les départements d'outre-mer serait accordée par le préfet, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites et des ministres chargés de l'urbanisme, de l'environnement et de l'énergie.
Suppression du seuil des 5 mâts
Les députés ont par ailleurs supprimé l'exigence des 5 mâts instituée suite au Grenelle 2. "Le but de l'introduction d'un tel seuil était d'assurer un regroupement des installations de production afin d'éviter le mitage visuel du territoire. Cette problématique importante est déjà traitée de manière très satisfaisante par le régime des ICPE. La suppression du seuil fixé de manière absolue ne constitue donc pas un recul des outils de planification territoriale, mais vise à permettre au contraire un développement de l'éolien prenant en compte la logique de chaque territoire", explique François Brottes rapporteur du texte et rédacteur de l'un des amendements adoptés portant sur ce sujet.
Des tarifs d'achats en dehors des ZDE
Un amendement du gouvernement supprime l'obligation de développer les parcs éoliens on-shore dans des Zones de Développement de l'Eolien (ZDE) pour bénéficier de l'obligation d'achat. "Initialement pensé comme un instrument de planification subordonnant le bénéfice de l'obligation d'achat à l'implantation des éoliennes en son sein, le dispositif des zones de développement de l'éolien terrestre a révélé une certaine fragilité juridique", a justifié le gouvernement. De nombreux arrêtés préfectoraux de création de ZDE ont en effet été annulés par les tribunaux administratifs. Avec cette modification législative, il ne serait plus nécessaire d'instaurer une ZDE pour monter un projet éolien et bénéficier des tarifs d'achat. Tous les parcs éoliens quelle que soit leur localisation pourront bénéficier du tarif d'achat.
Toutefois, dans ses explications de texte, le gouvernement précise que "la planification sera désormais traitée par le schéma régional éolien (SRE) annexé au schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie (SRCAE)." Pourtant rien n'a été modifié dans les codes de lois dans ce sens. Sachant que les SRE ne sont pas, à l'heure actuelle, des documents prescriptifs, le gouvernement va-t-il maintenir son orientation ou se tourner vers les récentes propositions du CGEIET et du CGEDD ? Dans un rapport commun, remis en septembre dernier, les deux comités proposaient la création de "zones d'accueil des éoliennes" au sein des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plans locaux d'urbanisme (PLU). Ce qui constituerait un renforcement des contraintes d'implantation des parcs.
Cette suppression des ZDE inquiète d'ailleurs l'association Amorce qui regroupe des collectivités et des entreprises. Sachant que la définition des ZDE était portée par les Maires, l'association y voit un recul dans l'implication des communes. "Une telle mesure réduit le rôle des collectivités locales et pourrait fragiliser l'acceptabilité locale des projets", prévient l'association qui donne d'autres pistes pour simplifier les procédures : respect des délais d'instruction, retours de consultations plus rapides et sécurisation du tarif d'achat.
L'avocat Arnaud Gossement spécialiste des questions énergétiques relève pour sa part de nombreuses zones d'ombres juridiques et notamment la question de l'extension des ZDE existantes. Le tarif d'achat s'appliquera-t-il automatiquement ? De même, de nombreuses ZDE font l'objet de recours. Si elles sont annulées, que deviennent les contrats d'achat en cours ? Les amendements prévus pour sécuriser ses questions ont tous été retirés et par conséquent n'ont pas été débattus en séance plénière. Le débat est désormais entre les mains du Sénat.