"La sécurité de l'alimentation électrique est assurée jusqu'en 2015", a indiqué le réseau de transport de l'électricité (RTE) qui a présenté le 5 septembre un bilan prévisionnel de l'équilibre offre-demande de l'électricité en France jusqu'en 2017. En revanche, à compter de 2016, la situation deviendra plus tendue, estime RTE.
Parmi les grandes tendances, le ralentissement de la consommation électrique, lié à la crise économique, qui "est de nature à atténuer les tensions sur l'équilibre offre-demande en Europe et en France". Ainsi, RTE a revu ses prévisions de consommation à la baisse par rapport à son bilan 2011 (-4TWh). Cependant, "la crise entraîne également le report de plusieurs projets de production ou l'arrêt anticipé de certaines centrales, jugées non rentables".
Quelle demande d'électricité en 2015 ?
Parmi les défis posés à RTE, celui d'estimer l'évolution de la consommation d'électricité. Les tendances passées montrent un ralentissement tendanciel de la demande en énergie, lié au ralentissement de la croissance économique, une amélioration de l'intensité énergétique, une baisse de la consommation industrielle liée à une modification du tissu industriel et des actions d'efficacité énergétique, une augmentation de la consommation du secteur résidentiel et du tertiaire. Parallèlement, la consommation électrique devient de plus en plus thermosensible et les pointes de consommation ne cessent d'atteindre des records. Principal responsable de ce phénomène : le chauffage électrique, auquel s'ajoute l'augmentation des usages spécifiques de l'électricité (appareils électriques…).
A moyen terme, RTE s'interroge sur les "futurs possibles". Plusieurs scénarios ont été étudiés, tous susceptibles de se réaliser : référence (entre 0,2 % et 1 % de croissance du PIB), haut (entre 0, 7% et 1,9 % de croissance du PIB), bas (de -0,8 % à +0,2 %). Car la première inconnue, et non des moindres, est bien celle de l'évolution du PIB français, qui influe directement sur la consommation d'énergie. RTE a également étudié un scénario de maîtrise de l'énergie renforcée.
Subsistent néanmoins de nombreuses incertitudes : la vitesse d'évolution du parc de logements neufs et anciens, les impacts de la crise sur l'industrie (fermeture de sites…), le niveau de développement des véhicules électriques et hybrides rechargeables.
Les politiques d'efficacité énergétique, selon qu'elles seront plus ou moins ambitieuses, joueront un rôle important. D'ores et déjà, RTE identifie plusieurs points qui contribueront à une baisse rapide de la consommation électrique. La disparition progressive des ampoules à incandescence devrait avoir un effet dès 2017 : "A cet horizon, la baisse de la puissance appelée par l'éclairage résidentiel à la pointe d'un jour d'hiver est estimée entre 0,5 et 0,8 GW". La réglementation européenne, qui impose un niveau minimal de performance énergétique pour l'électroménager et les appareils électriques, devrait également avoir un impact non quantifié à moyen terme. En excluant quasiment les solutions électriques classiques, la RT2012 devrait entraîner des reports significatifs en matière d'énergie de chauffage.
Résultat, selon les scénarios, les prévisions de consommation à 2017 se situent entre 470 TWh (scénario bas) et 510 TWh (scénario haut), avec des estimations intermédiaires à 485 TWh (scénario maîtrise de l'énergie renforcée) et 497 TWh (scénario de référence). Les pointes de consommation devraient encore augmenter et nécessiter une puissance de 102,3 GW.
Quelle évolution de l'offre ?
"Un changement significatif du parc de production s'annonce, sous le coup du déclassement d'installations thermiques, du développement des énergies renouvelables et de la fermeture de Fessenheim en 2017", note RTE.
Au 1er janvier, la capacité totale des moyens de production en France représentait 124,1 GW. D'ici 2016, 3,6 GW de groupes charbon et 4 GW de groupes fioul devraient être déclassés en raison du durcissement des normes de pollution européennes (directives GIC et IED). Quatre nouveaux cycles combinés sont attendus d'ici 2017 mais ne devraient pas compenser toutes ces fermetures.
De plus, "le parc de cogénération subit actuellement une réduction importante du volume fonctionnant sous obligation d'achat, en raison de la fin de contrats signés il y a une douzaine d'années". RTE estime cette baisse de capacité à 3 GW.
Concernant le nucléaire, RTE prend l'hypothèse de la fermeture de Fessenheim en 2017 (1,8 GW) et de l'ouverture de Flamanville en 2016 (1,6 GW).
Enfin, "le rythme de développement des énergies renouvelables est en légère baisse, mais reste dynamique". RTE table sur un développement annuel de l'éolien et du photovoltaïque respectivement de 800 et 500 MW.
Ainsi, si RTE estime que la sécurité énergétique est assurée jusqu'en 2015, à l'horizon 2016, la situation devient tendue avec un risque de défaillance évalué à 5h par an et une puissance manquante de 1,2 GW. En 2017, l'insécurité s'accentue avec une durée de défaillance annuelle de 6h30 et une puissance manquante de 2,1 GW. "Ces besoins peuvent être couverts par la mise en service à ces échéances de projets suffisamment avancés, de nouveaux projets de moyens de pointe (y compris effacements) ou le report de fermeture de certaines centrales thermiques fossiles", observe RTE.
Principaux enseignements pour RTE
A plus long terme, les scénarios prospectifs sont encore plus empreints d'incertitudes. Cependant, "la maitrise de la pointe de consommation électrique doit rester une préoccupation centrale des mesures d'efficacité énergétique pour envisager les transferts d'usages énergétiques vers l'électricité tout en assurant la sécurité d'approvisionnement", analyse le président de RTE, Dominique Maillard. Effacements et reports de consommation aux heures creuses constituent des solutions prometteuses, selon lui.
De plus, le développement des énergies renouvelables et la nouvelle répartition des lieux de production nécessiteront "une évolution structurelle du réseau de transport de l'électricité", comme le montre l'exemple de l'Allemagne. "Pour RTE, le défi est de s'adapter au rythme d'évolution de ce nouvel environnement énergétique".