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Comment les syndicats font face à la transition écologique de l'emploi

Réunies pour une table-ronde du Shift Project, les trois principales centrales syndicales – CFDT, CGT et FO – ont évoqué leurs actions et le rapport de leurs adhérents à la transition écologique. Évolution renseignée par de nouvelles estimations.

Gouvernance  |    |  F. Gouty
Comment les syndicats font face à la transition écologique de l'emploi
Actu-Environnement le Mensuel N°442
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°442
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« Nous n'avons eu aucun débat avec les pouvoirs publics et le patronat à propos de l'impact de la transition écologique sur l'emploi et nous manquons d'anticipation », a soulevé Sophie Binet, secrétaire générale de la Confédération générale du travail (CGT), lors d'un débat organisé, le 20 novembre, par le laboratoire d'idées The Shift Project à Paris. Nos syndicats ont trop longtemps sous-estimé l'enjeu environnemental, à l'image de la société en général, face à un patronat qui joue à la dangereuse politique de l'autruche. » Pour preuve, aucune action politique suffisante n'a été jusqu'ici entamée pour relever le défi. L'heure, semble-t-il, étant encore à mesurer l'ampleur de l'évolution en cours.

Quantifier la mutation économique

En septembre 2021, un rapport du laboratoire d'idées de Jean-Marc Jancovici donnait une estimation en nombre d'emplois (en équivalent temps plein, ETP) des conséquences d'ici à 2050 de la transformation écologique sur l'économie française. Sur les quatre millions d'ETP des secteurs jugés les plus impactés (parmi les 30 millions d'actifs en France), cette mutation provoquerait la création de 300 000 ETP (détaillée en 800 000 ETP supprimés, en majorité dans le secteur automobile, et en 1,1 million supplémentaire).

“ Ceux qui travaillent dans une raffinerie ou une station-service comprennent qu'ils n'ont pas d'avenir professionnel, parce que rien n'est encore prévu pour leur assurer la reconversion de leur emploi ” Marylise Léon, CFDT
Le 15 novembre dernier, un autre groupe de réflexion s'est également penché sur la question. Le Conseil d'analyse économique (CAE) de France Stratégie, service rattaché à Matignon, a produit sa propre estimation (1) sur la base, quant à lui, d'un modèle statistique macro-économique employé par le Gouvernement, Three-ME, et d'une hypothèse précise : un choc du montant de la taxe carbone. Celle-ci, la contribution climat-énergie (CCE), se situe à 44,60 euros la tonne de dioxyde de carbone (CO2) depuis décembre 2018 et le gel de son augmentation provoqué par le mouvement des Gilets jaunes. En 2022, elle aurait dû normalement s'établir à 86,20 €/tCO2 pour finir à 100 €/tCO2 en 2030. C'est l'impact de ce « choc » économique sur l'emploi que le CAE a souhaité chiffrer.

Les méandres du marché européen

Dans sa note d'analyse, le CAE exprime un point de vigilance à l'égard de la taxation carbone, notamment dans le cadre du marché européen. Selon certains critères du système d'échange des quotas carbone (ETS/SEQE) en vigueur, certaines usines d'une même firme dont l'activité est énergo-intensive et donc émettrice peuvent ne pas être régulées. Par conséquence, « nous observons des baisses d'émissions dans les établissements visés, mais parfois des hausses chez les autres, quoique appartenant à la même entreprise, explique Hélène Ollivier, chercheuse à l'École d'économie de Paris (PSE). Ses ventes vont alors augmenter, sans totalement modifier les outils de production, et réallouer des emplois d'un établissement à l'autre, sans transformer radicalement leur économie. »
« Dans notre scénario pessimiste, qui voit les recettes de la taxe ne pas être socialement redistribuées et ne servir qu'au remboursement de la dette nationale, nous observons une baisse moyenne de 0,6 % de l'emploi total, soit 167 000 ETP perdus sur l'ensemble des secteurs d'activité, explique Aurélien Saussay, chercheur à l'École d'économie et de sciences politiques de Londres (LSE). À l'inverse, dans notre scénario optimiste, où la taxe entraîne une baisse des impôts sur le revenu et sur la production des secteurs les moins émissifs, l'emploi progresse de 0,3 %, créant 92 000 ETP. Une mutation comparable aux chocs de l'automatisation ou de la concurrence chinoise, donc sans destruction massive d'emplois. » Les flux intrasectoriels, hormis pour le secteur de l'industrie manufacturière, n'ont pas pu être modélisés. « Nous connaissons mal le mix énergétique, et donc la précarité au regard de la politique climatique d'entreprises qui, pourtant, produisent de la valeur ajoutée », signale Camille Landais, professeur d'économie à la LSE et président délégué du CAE.

Dépendre de la mobilisation salariale

Quels que soient les hypothèses ou les chiffres retenus, pour Yannick Saleman, chef de projet « emploi et politique industrielle » au Shift Project, le tout est d'acter cette évolution : « investir dans les compétences dans le sens des réallocations ou des créations d'emplois à venir pour assurer la résilience économique ». Autrement dit, pour les pouvoirs publics, « arbitrer sous contrainte », en dépit des besoins du marché. « Et pour cela, le rôle des partenaires sociaux est essentiel. »

Cependant, si ces derniers affirment en être bien conscients, ils regrettent l'immobilisme gouvernemental relatif et le désarroi de leurs adhérents employés dans les secteurs les plus vulnérables à la transition. « Ceux qui travaillent dans une raffinerie ou dans une station-service comprennent qu'ils n'ont pas d'avenir professionnel, parce que rien n'est encore prévu pour leur assurer la reconversion de leur emploi, a réagi Marylise Léon, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), à la même table ronde partagée par son homologue de la CGT. Le climatoscepticisme devient alors pour certains d'entre eux un refuge de plus en plus puissant. »

Ce phénomène pernicieux n'est pas le seul à apparaître. Certains salariés dont les postes sont menacés par la politique climatique prennent les devants, comme dans le cas de l'ancienne centrale à charbon de Gardanne (Bouches-du-Rhône). L'une des unités thermiques de cette dernière a été convertie à la biomasse en 2012, conduisant au maintien – au moins dans un premier temps – de tous les emplois du site. « Cette réussite a été remportée à l'issue d'une forte mobilisation de la part des salariés, a rappelé Sophie Binet. En l'absence de dispositif social, la transformation finit malheureusement par reposer sur les salariés et les sous-traitants. »

Pour contribuer à leur échelle à cette évolution, les syndicats ont engagé plusieurs actions. Depuis 2020, la CFDT s'est armée d'un réseau de « sentinelles vertes », quelques centaines d'adhérents impliqués spécifiquement pour sensibiliser leurs collègues et leurs employeurs à la transition écologique de leur travail. Et le 16 novembre dernier, son bureau national a signé un « manifeste pour la transition écologique juste » destiné aux adhérents. En octobre, la CGT a mis en place un plan syndical d'actions pour l'environnement qui comprend, notamment, l'expérimentation dans 50 entreprises d'un « radar travail-environnement » pour évaluer l'impact de ces dernières sur l'environnement et comment le limiter. Force ouvrière (FO), de son côté, s'est engagé à former chacun de ses adhérents élus de comités sociaux et économiques (CSE) aux enjeux environnementaux en 2024. Malgré tout, pour Sophie Binet de la CGT, ces initiatives seront insuffisantes sans un réel changement dans les rapports de force entre salariés, patrons et gouvernants : « La transformation environnementale ne se fera pas sans des garanties sociales et collectives, sans arrêter de choisir entre le social et l'environnemental. »

1. Télécharger la note d'analyse du CAE
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43073-note-cae-emploi.pdf

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